Comme un air de déjà-VU (de l’année)

Terrorisme(s), attentats, dérèglement climatique, violences faites aux femmes, réforme des retraites, contestations, violences policières, bollorisation des médias, libération(s) des paroles (pour le meilleur et pour le pire), plus que banalisation de l’extrême-droite… les années télévisuelles se suivent et se ressemblent.

La télévision ne semble pas avoir changé et le monde encore moins. Pourtant, la cuvée 2023 du Vu de l’année diffère quelque peu des précédentes : moins (beaucoup moins) d’ironie et plus (beaucoup plus) de dénonciation de l’absurdité qui semble au mieux nous entourer au pire tout gouverner. Avec la réforme des retraites en ouverture, qui se transforme en leitmotiv au fil du programme, le florilège est beaucoup moins candide et distancié.

Le Vu de l’année 2023 diffusé en ce premier jour de 2024 et disponible sur FranceTV en quatre parties aussi émétiques les unes que les autres (c’est le monde qui est émétique, le programme n’en est que le reflet) concentre 365 jours de programmes d’actualités, de divertissements, d’informations, de documentaires, vus, remarqués et remontés par les équipes de zappeurs de Patrick Menais. Dire que l’année qui vient de s’achever a été anxiogène à plus d’un degré est un euphémisme : les séquences s’enchaînent et on ne peut que constater l’horrible, le terrible et parfois l’inéluctable. 

Avec ce Vu 2023, on fait le constat amer que rien ne change et que la marche du monde ne semble nullement infléchie par une quelconque prise de conscience. Alors que l’on était habitué à l’alternance de séquences s’opposant ou se répondant par l’absurde, avec second degré jusqu’au sarcasme, les équipes de VU semblent ne pas avoir eu envie (ou besoin) de ponctuer plus que de raison certains propos : il suffit souvent de faire se suivre deux extraits d’actualités et de laisser le spectateur comprendre que oui, un mensonge peut en cacher un autre, que oui, ce qui nous est présenté à la télévision se doit d’être décrypté ou à tout le moins visionné avec recul.

Capture d’écran © France TV
Capture d’écran © France TV

Plus encore, VU n’oublie pas de pointer la montée en puissance d’un conservatisme masculin, réactionnaire et dangereux qui se nourrit d’une absence totale de contradiction. De l’entre-soi des plateaux de CNews au théâtre de Guignol de celui de TPMP, des matinales où les invités déroulent leurs éléments de langage sans véritable opposition aux JT qui ne font que renvoyer les images d’une planète (et de l’intelligence) en souffrance, le traitement de l’information et sa hiérarchisation laissent souvent plus que perplexes.

Selon son invariable pitch, VU reflète la télévision et peut contenir des images non adaptées à un jeune public. Pour autant, son visionnage est toujours aussi nécessaire car non content de rafraîchir les mémoires abîmées par la course à l’immédiateté périssable comme au buzz sur Internet et les réseaux sociaux, il permet de remettre en perspective les déclarations des politiques, des polémistes et des provocateurs professionnels qui avancent de moins en moins masqués. Avec Vu, une info ne chasse pas l’autre, comme c’est souvent le cas au quotidien.

Capture d’écran ©France TV
Capture d’écran © France TV
Capture d’écran © France TV

Car c’est désormais une évidence, voire un marqueur de l’année télévisuelle 2023 : les tenants du « on ne peut plus rien dire » qui utilisent la liberté d’expression comme un étendard commode pour débiter des monstruosités populistes entendent désormais régner sur le PAF : oser poser la question de savoir s’il y a un lien entre la recrudescence des punaises de lits à Paris (voire en France) et l’immigration n’est plus un tabou ni une ligne que le tenancier de L’heure des pros a franchi sans frémir. Relayer des fausses informations, discuter de la ménopause entre mecs (aucune femme n’était présente sur le plateau), dénoncer les terroristes écologiques (sic), utiliser des analogies coupables, faire des procès d’intention, se faire le chantre d’un roman national à longueur d’antenne ne sont plus l’exception mais la norme.

Au final, on comprend l’extraordinaire pouvoir que détient encore la télévision, ce média dont la vie se prolonge sur les réseaux sociaux qui amplifient les fake news (avec le spectre de l’intelligence artificielle en futur coupable idéal) ou déforment la vérité en toute impunité. Les maux de l’époque autant que les (ex)actions des diffuseurs d’opinion sont ainsi colportés, avec la force des images et des sons qui osent tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît. Et c’est là que Vu intervient : loin d’être un simple résumé de l’année, l’émission permet recul, distanciation et réflexion.

Capture d’écran © France TV
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Le VU de l’année 2023 est disponible en replay sur le site France.tv
4 épisodes disponibles jusqu’au 29/12/2024.

© France tv