Le jeune musicien Nige est une des figures du tout aussi jeune et prolifique collectif londonien Nine8, collectif réunissant des personnalités singulières et talentueuses qui s’expriment également dans d’autres projets, y compris personnels.

Nige, auteur, compositeur, producteur, a ainsi réalisé pour lui-même une série de titres et d’EP. Dans Got To Be Me, on retrouve une forme de dialogue avec soi et d’autoexamen déjà présents dans ses autres titres. Got To Be Me peut être entendu comme un titre joyeux, rempli de sentiments positifs, de l’allégresse de celui qui prend enfin, au sujet de sa vie, des décisions qui lui paraissent favorables.

Cependant l’insistance avec laquelle se répète la décision d’être enfin soi-même, ou plutôt l’idée qu’être soi doit être le but souhaitable et à atteindre, implique qu’être soi n’est évidemment pas immédiat mais qu’il s’agit aussi d’un but qui n’est pas encore atteint. « I’ve got to be free / I got to have roots stronger than a tree / I’ve got to be good / As everyone should / But most of all / I just got to be me ». Etre soi, libre, est pour plus tard, cet état étant pensé par opposition à un état actuel moins positif.

De même, être soi apparaît comme une sorte de devoir, d’obligation qui n’est pas uniquement personnelle mais qui peut être aussi entendue comme une obligation ou incitation sociales (« I’ve got to be » ; « like everyone should »). Etre soi, dans ces conditions, est-ce réellement être soi ou bien être conforme à des mots d’ordre sociaux, l’inverse d’un soi nécessairement singulier ?

Ce titre de Nige est à la fois une chanson optimiste et joyeuse, presque naïve, et une ritournelle anxieuse qui affronte l’idée que la sortie désirée hors de l’angoisse existentielle et de l’aliénation peut aussi bien échouer. La musique, qui s’appuie sur des rythmes et arrangements hip-hop tendant vers le jazz, est construite sur cette tension : à la fois joyeuse et entrainante, elle inclut pourtant des accords de guitare plus mélancoliques qui contrebalancent la sensation positive générale, comme un mince brouillard qui persiste en bordure d’une conscience presque heureuse…