Le Detection Club (Jean Harambat) : mort sur une île

© Jean Harambat, Le Detection Club, Dargaud

Après Opération Copperhead, Jean Harambat est de retour et avec lui, Agatha Christie, G.K. Chesterton, John Dickson Carr, Dorothy L. Sayers, le Major A.E.W. Mason, la baronne Emma Orczy et le père Ronald Knox. Le Detection Club au grand complet.

Le Detection Club existe bel et bien, créé dans les années 30 par la fine fleur de la littérature policière britannique, toujours en activité, il a compté à sa tête et dans ses rangs les héros du livre de l’auteur des Invisibles et Ulysse, les chants du retour, et Walpole, P.D. James, Patricia Highsmith, John Le Carré, Martin Edwards… Jean Harambat a convoqué ses membres fondateurs pour réaliser un roman graphique érudit et drôle, empreint d’un humour anglais fin et sophistiqué.

© Jean Harambat, Le Detection Club, Dargaud
© Jean Harambat, Le Detection Club, Dargaud
© Jean Harambat, Le Detection Club, Dargaud

Tout commence avec l’intronisation de John Dickson Carr, qui récite le serment protocolaire et fait allégeance au club, à ses membres, au Roi et aux 10 règles d’or du roman policier :

  1. Le criminel doit être quelqu’un mentionné plus tôt dans l’histoire, mais pas quelqu’un dont le lecteur a pu suivre les pensées.
  2. Le détective ne doit pas utiliser de techniques surnaturelles pour résoudre une affaire.
  3. L’usage de plus d’un passage secret ne saurait être toléré. Même dans le cas d’un seul passage secret, il faudrait que l’action se passe dans une maison où la présence de ce type de dispositif était prévisible.
  4. Des poisons inconnus ne peuvent être utilisés, ni aucune machine, de telle sorte que le lecteur ne soit pas embarrassé par une longue explication scientifique en conclusion.
  5. Aucun Chinois ne doit figurer dans l’histoire.
  6. Aucun accident ne doit aider le détective. De même, on ne doit avoir recours à aucune intuition divine inexplicable. Toutes ses intuitions doivent avoir une origine et se confirmer par la suite.
  7. Le détective ne doit pas commettre lui-même le crime.
  8. Le détective ne doit pas utiliser des indices qui n’ont pas été présentés au lecteur pour résoudre l’affaire.
  9. Les observateurs ont le droit de tirer et présenter leurs propres conclusions.
  10. Il ne doit pas être fait usage de jumeaux et d’habiles déguisements.

Présidé par le fantasque G.K. Chesterton, l’association de chasseurs de malfaiteurs est loin de se douter qu’elle va se au coeur d’une enquête policière qu’elle n’aurait assurément pas écrite : il y a un chinois et une machine plutôt infernale.

© Jean Harambat, Le Detection Club, Dargaud

Jean Harambat s’est beaucoup amusé à jouer avec les codes du roman policier et à déjouer les préceptes édictés par le Père Knox. Invité sur son île par un milliardaire excentrique, le Club est mis au défi par leur hôte et un scientifique ombrageux. Ils ont conçu un robot qui aurait la capacité de démêler les fils des intrigues, défaire les mécanismes de leurs récits, de lire entre les lignes, « avec plus de sagacité que le lecteur et l’auteur lui-même ». En effet, à partir de quelques indices, mots-clés, éléments d’enquêtes, le robot serait à même de donner la solution de l’énigme en quelques secondes.

© Jean Harambat, Le Detection Club, Dargaud

Pour les membres du Club d’illustres auteurs de romans policiers, l’affront est de taille, on insinue que les intrigues, ressorts, chausse-trappes, le suspense, qu’ils ont mis des heures, des jours, des mois à mettre en place, peut être percé à jour par une machine, une intelligence artificielle qui selon son créateur prouve que le calcul et les mathématiques peuvent tout analyser et délivrer des solutions en moins de temps que le cerveau humain. Inconcevable, indeed.

Le Detection Club aura vite à coeur et l’occasion de prouver que l’esprit humain est supérieur à la machine. Dès la nuit tombée, alors qu’un cri retentit dans la nuit insulaire, le milliardaire disparaît, laissant derrière lui une fenêtre brisée, sa robe de chambre flottant en contrebas à la surface de la mer et un robot mutique qui, après interrogatoire, déclare qu’il est lui-même le coupable.

Bande dessinée enlevée et subtile (c’est une constante chez Jean Harambat), Le Detection Club brille par ses dialogues facétieux, les membres du club faisant feu de tout bois et s’envoyant en permanence des piques hilarantes so british. Les interactions entre les écrivains (Agatha Christie et G.K. Chesterton ; Knox et Mason) et la galerie savoureuse de personnages secondaires (cuisinier, valet, épouse, policiers…) font tout le sel du Detection Club qui se lit comme un roman policier que ne renierait pas Agatha, G.K., John Dickson et consorts.

Jean Harambat, Le Detection Club, Dargaud, 136 p., couleur, 19 € 99 — Lire les premières planches.