Et si on se mettait vraiment en tête une bonne fois pour toute que la fin est proche ? Oh, je ne parle d’une issue prophétisée par les Mayas aussi crédible qu’un discours de Laurent Wauquiez et qu’un cinéaste en mal d’inspiration viendrait filmer 2000 ans plus tard pour faire peur dans les salles obscures (ou rire selon le degré de tolérance au film catastrophique de Roland Emmerich) ; je pense encore moins à l’imminence quelconque d’une collision entre notre belle planète et une comète folle à la trajectoire aussi fulgurante et insensée que celle d’une figure de la téléréalité (sans un Robert Duval ou un Bruce Willis à l’horizon pour aller ratatiner la tronche au caillou intersidéral à bord d’une fusée kamikaze) ; et loin de moi l’idée (pourtant très crédible) d’une sortie de l’humanité tout entière par la petite porte à force de se défoncer l’habitat à grand renfort de pollution, de surproduction, de gaspillage et de rejets carboniques dans une atmosphère qui ressemblera bientôt davantage à une discothèque des années 80 au petit matin quand on pouvait encore cloper et picoler comme des bienheureux dans un espace mal ventilé sentant la transpiration, les hormones et le vomi tiède.

Parce que quoi qu’on en dise ou pense, sur le mode discussion de comptoir entre avinés choisis ou parce que l’on s’arrêterait un instant pour réfléchir à la condition humaine en cet été 2018, on a quand même vu les températures continuer de s’élever jusqu’à régulièrement dépasser les normales saisonnières dans des endroits davantage propices au port de la petite laine fashion ou de la polaire moche en fin de soirée selon que l’on se trouve à Saint-Trop’ ou à Guéret. On a même connu des semaines entières où la température moyenne outrepassait le score de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle 2017 (NDLR : 33,9 pour mémoire à l’attention des oublieux qui espéraient voir la présidente atavique du parti du racisme national atteindre les 37, 37.2, qui est peu ou prou la température rectale au-delà de laquelle il est nécessaire de s’inquiéter). On a continué de voir les preuves du dérèglement thermométrique s’accumuler de l’Indonésie aux pôles, du Brésil jusqu’à Bénodet dans le Finistère où il n’a pas plu une goutte en douze heures d’affilée le 15 août dernier. Ce qui est quand même un signe que le climat breton n’est plus ce qu’il était. Et l’on comprend mieux pourquoi les habitants de Brest ou Concarneau, de Rennes ou Saint-Malo postent désormais des photos de félins trop mignons devant leurs maisons centenaires plutôt qu’à la pointe du Raz : ils ont des chats sur le perron, vive les Bretons.

Du reste, hors ce constat alarmiste de la montée estivale du mercure, on a continué d’assister au délitement du monde par l’entremise des actions anarchiques de nombreux dirigeants de la planète comme (au hasard) celui de la première puissance mondiale qui twitte et insulte comme il respire en prenant le réseau social pour son organe officiel. En tentant d’éteindre les rumeurs concernant la monétisation du silence d’une actrice de films X avec laquelle il aurait utilisé son organe personnel pendant la grossesse de son épouse, le président des États-Unis s’enferre un peu plus chaque jour dans les contrevérités qui dérangent. Au point que ses amis, ministres et soutiens d’hier commencent à le lâcher un par un. Entrant de fait et du point de vue du potentat dans la catégorie « scélérats qui quittent le navire ».
En France, fort heureusement, on n’en est pas là. A l’aune de la pause des glaciers – le pendant de la trêve des confiseurs hivernale –, le gouvernement, le président (et les médias) nous ont régalés d’images de baignades méditerranéennes, de courses folles en jet-ski aux abords des parcs aquatiques protégés, de randonnées pédestres, de visites au marché, de lectures campagnardes ou d’interviews improvisées de la ministre de la culture et du patrimoine ressemblant à s’y méprendre et à rebours à une réunion de chantier.
Et que dire de l’Europe et de ses états membres qui jouent avec le sort des migrants comme on joue au Jokari sur la plage ? Les pieds bien droits dans le sable de leurs côtes, ils ont passé l’été à se renvoyer l’Aquarius et le Diciotti, esquifs transportant des candidats à une vie meilleure et repartant en mer à chaque coup de raquette étatique au motif qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde et que si chacun pouvait prendre la part de l’autre ce serait quand même beaucoup mieux. Et que dire, en commentaire du commentaire de la penseuse « catholique, libérale-conservatrice » Chantal Delsol qui considère qu’« avant d’être une richesse, les migrants sont une menace culturelle » ? Rien. Si ce n’est que ce n’est pas très étonnant de la part de quelqu’un qui en 2013, s’est opposé à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels en France, qualifiant le mariage pour tous de « pur délire » et de « pantalonnade d’anarchistes ».

Fort heureusement, dès la semaine prochaine, on va troquer les slips de bains moulants et les bikinis ajourés pour des complets plus sobres et des tenues moins ouvertes aux regards concupiscents. On va pouvoir de nouveau se balader dans la rue sans crainte de se faire siffler au mieux et agresser au pire, on va pouvoir profiter de la rentrée et de son cortège de considérations hautement philosophiques comme de savoir quoi regarder à la télévision ou qui écouter à la radio après le mercato médiatique ; comme de savoir si Jean-Luc Mélenchon représente la première force d’opposition à Emmanuel Macron ou simplement lui-même ; comme de se demander pourquoi les ponts génois s’effondrent, les trains marseillais déraillent, les rappeurs prennent les aérogares pour des rings de MMA ou si l’affaire Benalla méritait la création d’une page Wikipédia…

Comme le dit le chat du Rabbin de Joann Sfar dans un épisode à venir : « je vais vous dire ce que je pense, Ô, vous, tous les humains : ce qui vous arrive, c’est tant pis pour vous. »
Tenez-vous le pour dit, la fin (de l’été) est proche.