Y a-t-il un cinéma français ?

Le 2 mars dernier avait lieu la 43e cérémonie des Cesar, qui depuis 1976 récompense les films français de l’année à travers diverses catégories.

Le constat fut assez affligeant. On passera assez vite sur l’humour plus que douteux des différents présentateurs et la chorégraphie des frites en ouverture – soit des danseurs pas drôles déguisés en statuette dorée du célèbre sculpteur– avec Almodovar au premier rang qui semblait pas mal tirer la tronche. On se questionne sur le peu de films en compétition, ce qui est la marque de la pauvreté du 7è art national. Deux films ont été ovationnés : Au revoir là-haut – que je n’ai pas vu simplement parce que je n’ai jamais adhéré à Albert Dupontel mais que je vais quand même m’empresser de regarder – et 120 battements par minutes de Robin Campillo, normal car il est l’un des rares bon films français à l’affiche cette année (même si le vulgaire Manu Payet a trouvé le moyen de massacrer la magnifique chanson Smalltown Boy de la BO du film durant la cérémonie). Sinon, toujours les mêmes fils/fille-de invité(e)s – Garrel, Giraudeau et compagnie.

La « femme » était soi-disant à l’honneur, tout le monde affichait son ruban blanc. J’en doute fort quand on sait comment le genre féminin est traité dans l’ombre de ce milieu de paillettes — j’ai fait moi-même la mauvaise expérience de la misogynie dans divers festivals. Et que dire des belles paroles des récompensés sur la misère dans le monde alors qu’ils sont tous là dans leurs fringues de marques à picoler du champagne ?

Grave n’a pas été récompensé, malheureusement car il doit bien être le seul film de genre que les producteurs (précisons : belges et non français) ont un peu eu le courage de soutenir et distribuer dans les salles obscures. Même le très mauvais Raid Dingue a eu son prix — à mon avis Danny Boon, excellent acteur, vaut mieux que ça. Conclusion, n’y était nominé quasi aucun film créatif, novateur ou avant-gardiste, que de la mauvaise comédie ou du drame bien-pensant.

Quand je pense que l’année dernière on récompensait Elle, cette farce grotesque sans intérêt… la question se pose : avons-nous en France un bon cinéma, voire un cinéma tout court ?

Going to Brazil

Ces derniers jours, j’ai eu une drôle de surprise, je me suis laissée tenter par Going to Brazil de Patrick Mille, sorti l’année dernière. Pas du tout nominé, et dont les critiques ont été sanglantes, j’ai pourtant eu le plaisir de visionner une comédie plutôt réussie. Passons sur les actrices aux physiques caricaturaux (de belles nanas blanches à la plastique irréprochable) mais le casting est bon et l’ensemble plaisant. Un néo-Thelma et Louise dont la référence est évidente : une tentative de viol vire au meurtre et entraîne les protagonistes dans un road trip infernal. Ici les filles portent les armes même quand elles sont enceintes jusqu’aux dents, exposent sans complexe leurs loseries amoureuses — enfin un anti conte de fée ! — et la complexité des relations n’est pas édulcorée. Pas du grand cinéma, mais au moins un parti pris assumé. Patrick Mille n’a pas peur de se ridiculiser dans le rôle du connard arborant des costumes à paillettes. Les comédiens ont un jeu juste et les répliques sont plutôt drôles. J’ai passé un bon moment, devant un film pourtant absent de cette affligeante 43è cérémonie des Cesar.