Photojournalisme : Lesbos, avant l’évacuation (3)

© Julian Walter

Dernière partie du photoreportage de Julian Walter en Grèce, sur l’île de Lesbos, au cœur du camp de réfugiés de Moria : Life on the Island | La vie sur l’île.
La première partie du reportage de Julian Walter est à lire ici, la seconde là.

Life on the Island | Moria and the Port

The stories I found were roughly what I expected, but to hear them from people on a first hand experience was unbelievable. The Afghan families fleeing their countries with several young kids in tow, sometimes walking for days through the snowy Turkish mountains. The Iranian who had studied computer sciences only to be cut off from his own government and forced to work manual labor. All the Syrians who have had many family members die from recent conflicts. It goes on, and never stops. Although faced with such large problems, the spirits weren’t always grim among these people. Although a difficult journey, many were in very high spirits and were happy to share some laughs and make friends with us, looking forward to the better life that awaits them.

Les histoires que j’ai entendues étaient plus dures que ce à quoi je m’attendais mais les entendre directement racontées par ces réfugiés fut une expérience incroyable. Les familles afghanes fuyant leur pays avec leurs nombreux jeunes enfants en remorques, ayant parfois marché des journées entières dans la neige des montagnes turques. Ces Iraniens qui avaient étudié l’informatique contraints par leur propre gouvernement à être des travailleurs manuels. Les Syriens dont une partie de la famille avait péri dans les conflits récents. Et ça continue, ça ne s’arrête jamais. Et même face à des crises aussi profondes, ils ne sombraient pas toujours dans le désespoir, on a ri, on s’est fait des amis, espérant qu’une vie meilleure les attende.

When asked, I would tell them I live in New York, and with a big smile they would always exclaim “America! Ahh we love America, how amazing!” or something of similar excitement. I was surprised, seeing how terribly America has treated each of their countries, but still their dream would be to go to California, or Las Vegas, or New York, or Miami, and see these places they’ve witnessed so many times in the movies. The vast majority of them aim for Germany, some for the Netherlands, England, Norway, Denmark, etc. A large problem in recent months is that a decision has been made to only let in refugees from the three countries currently considered to be war zones: Syria, Iraq, and Afghanistan. All others will now be turned away. This means they will all find themselves stuck in purgatory in Greece for now, as they can’t move forward, and going back means for sure prison. Still, it doesn’t stop them from trying.

Quand ils me demandaient d’où je venais, je répondais New York et avec un grand sourire ils s’exclamaient « l’Amérique ! On adore l’Amérique, comme c’est génial« , ou d’autres expressions d’un même enthousiasme. J’étais étonné, conscient de la manière terrible dont les États-Unis se sont comportés avec chacun de leurs pays, et pourtant leur rêve serait toujours de se rendre en Californie, à Las Vegas, New York ou Miami et découvrir ces lieux qu’ils ont vus si souvent dans les films. La plupart d’entre eux voudraient trouver refuge en Allemagne, certains en Hollande, Angleterre, Norvège, Danemark, etc.
L’un des problèmes principaux de ces derniers mois est la décision de ces gouvernements de n’accepter de réfugiés qu’issus de trois pays en guerre : la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan. Les autres seront refoulés. Ce qui signifie qu’ils se retrouvent coincés dans cette espèce de purgatoire qu’est la Grèce, ils ne peuvent plus poursuivre leur voyage alors que revenir en arrière serait pour eux synonyme de prison. Ce qui ne les empêche pas d’essayer.

It was difficult to find people to talk with as clearly in their situation, many didn’t want to discuss, and most didn’t even speak English. However I was able to find a good handful of people per day to connect with and learn about what they are running from. With every conversation, I realized that these people are exactly like anybody I cross on a daily basis at home in America. Many highly educated, some artists, some young adults finding their way, mothers, fathers, grandparents; I got exactly what I wanted out of my visit and will forever view immigrants differently. Especially knowing that almost none of them will ever work up to their full potential again. I first saw it in Humans of New York where a middle aged man from Africa had come to America with his family, having previously worked as a surgeon in his home country, and now has been working as a taxi driver for twenty years. Or another from India who used to be a computer engineer, now working as a janitor.

They see all the volunteers who are working hard for them to be comfortable at this point in their journey, and they are very grateful. The handful of times I put down the camera for an hour or two to help out, I had refugees come to me and thank me for all we are doing. Some even join in and help work at the camp purely out of the greatness of their hearts. They can’t wait to get to their destination country because they think everyone is as welcoming and open armed as the volunteers. It would be tough to tell them it won’t be the same, and they will face a lot of difficulty and racism when they arrive. I hope the process of assimilation can go as smoothly as possible for them.

C’était évidemment compliqué de trouver des personnes qui acceptent de parler, dans une telle situation, beaucoup refusaient de discuter et la majorité ne parlait pas anglais. Mais j’ai pu échanger avec certains, entrer en relation avec eux et apprendre d’eux, connaître leurs espoirs et attentes. A chacune de ces conversations, j’ai réalisé qu’ils sont tous semblables aux personnes que je croise tous les jours aux Etats-Unis. Beaucoup ont fait des études supérieures, certains sont artistes, d’autres de jeunes gens qui se cherchent encore, des femmes, des hommes, des grands-parents. Cette expérience était celle que je cherchais, je ne considèrerai plus jamais les réfugiés de la même manière. Surtout en sachant que presque aucun d’entre eux ne retrouvera un travail identique à celui qu’il a dû quitter.

J’ai vu ça pour la première fois à New York, un homme d’une cinquantaine d’années venu d’Afrique avec sa famille, chirurgien dans son pays et depuis 20 ans chauffeur de taxi à New York. Un autre, ingénieur en informatique en Inde, désormais gardien d’immeuble.

Tous ces réfugiés voient le travail accompli par les volontaires sur place pour tenter de rendre ce séjour dans les campements le moins inconfortable possible et ils leur en sont reconnaissants. Durant les quelques heures où j’ai posé ma caméra pour aider un peu, je les ai vu venir vers moi pour me remercier de ce que je faisais. D’autres aident sur le camp en simple témoignage de reconnaissance. Ils ont hâte de pouvoir partir parce qu’ils pensent que tout le monde dans ces pays qu’ils espèrent atteindre est aussi ouvert et accueillant que les volontaires qu’ils côtoient dans les camps. Ce serait terrible de leur dire que ça ne sera pas vraiment pareil et qu’ils seront confrontés à pas mal de racisme et de difficultés. J’espère que le processus d’assimilation sera aussi doux que possible pour eux.

© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter

This man came to shake my hand and didn’t speak a word of English. We were able to communicate that he had been a video camera operator for TV shows in Iran, and was happy to see me working with a good camera.

Cet homme est venu me serrer la main, il ne parlait pas un mot d’anglais. Mais on a réussi à se faire comprendre qu’il avait été opérateur en appareil photo numérique pour des émissions de télévision en Iran et qu’il était heureux de me voir travailler avec un bon appareil.

© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter

I had a very long conversation with the people in these next two images. Traveling from Kurdistan, Iraq, they are aiming for England. They said all their American friends had left because it hasn’t been safe lately, and they had to make a run for it as well. She was highly educated and had high hopes for adapting to a new life in Europe. The two men in the second photo were on a refugee boat that sank between Turkey and Lesvos, drowning about forty of the sixty people that were crammed onto it. They were in the water for three hours, almost becoming unconscious from the cold.

J’ai pu avoir une longue conversation avec les gens des deux images qui suivent. Ils arrivent du Kurdistan, Irak, ils espèrent atteindre l’Angleterre. Ils disent que tous leurs amis américains avaient quitté le pays qui n’était plus sûr pour eux et qu’ils ont fini par devoir faire pareil. La femme a fait des études supérieures et elle espère pouvoir s’adapter à sa nouvelle vie en Europe. Les deux hommes sur la seconde photo étaient sur un bateau de réfugiés qui a coulé entre la Turquie et Lesbos, 40 des 60 personnes à bord se sont noyées. Ils sont restés dans l’eau pendant trois heures, le froid les avait quasi rendu inconscients.

© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter

Huddled tight waiting for dry clothes.
Serrés dans l’attente de vêtements secs.

julianwalter_lesvos-greece_038
© Julian Walter
© Julian Walter
© Julian Walter

La première partie du reportage de Julian Walter est à lire ici, la seconde là.

Vous pouvez retrouver l’ensemble du travail photographique de Julian Walter sur son site.