Cette semaine, alors que devait être décerné le Prix Nobel de la paix, un internaute disait, sur Tweeter, qu’il devrait être remis aux usagers de la ligne 13 du métro parisien… Manière, bien sûr, de souligner combien le métro peut être un espace de stress quotidien. Pourtant c’est aussi un lieu poétique, quand des artistes s’en emparent.
Très récemment, Jane Sautière (Stations (entre les lignes chez Verticales) et Laure Murat (Flaubert à la Motte-Picquet, Flammarion) ont fait du métro un lieu de vie et de lectures, un prétexte à saynètes, rencontres, récits. Le métro transporte, il est invitation au voyage. Jane Sautière l’écrit :
« On m’explique que le strapontin était, à l’origine, un matelas posé sur le pont d’un bateau et replié lorsqu’il ne servait pas. On dit aussi le quai d’un métro, on parle de la rame. Oui, on embarque, nous sommes reliés par ces lignes, on circule, comme le sang neuf, chaque traversée nous met en contact, il s’agit bien d’un réseau. Je suis frappée par cette évidente perfection. »
Un réseau qui conduit à L’Heure de pointe, roman en quatorze lignes de Dominique Simonnet (Actes Sud, 2010) et, en remontant dans le temps, à la Zazie de Queneau, au Poinçonneur des Lilas de Gainsbourg, à Perec, et tant d’autres textes, chansons, films (Le Salaire de la peur et le ticket de métro qui réapparaît en Amérique du Sud). Sans oublier, bien sûr, les travaux de Chris Marker, avec la série « Quelle heure est-elle ? » ou Passengers. Toujours en mémoire, aussi, le travail ludique et poétique de Janol Apin autour des noms de ces stations, prises au pied de la lettre, Métropolisson. Janol Apin, zazou au pseudonyme en forme de pied de nez, prend des photos dans le métro. D’Abbesses à Wagram, un nouvel alphabet métropolitain, un Bottin malin. C’est poétique et décalé, drôle et potache : deux hommes se disputent un sceau station Monceau, un autre est à cheval Porte de Vincennes, un cosmonaute apparaît au Champ-de-Mars, on pêche à Poissonnière, on retrouve Marcel Proust à Madeleine, le Christ à Jourdain, François Mitterrand sur le quai vers la TGB, des photos potaches, entre rébus, calembour et cliché renouvelé, mais politiques, aussi, avec ces hommes noirs à station Maison Blanche ou Richard Lenoir.
Depuis le projet a été décliné à Lyon par François Sola, et a donné lieu à une exposition à La Part-Dieu, Gone Underground, en 2014. La filiation avec les travaux de Janol Apin était clairement soulignée.
En 2014 toujours, une agence d’architecture, Oxo, s’était proposé de redonner vie aux stations de métro abandonnées à Paris, de faire de ces lieux fantômes des boîtes de nuit, restaurants ou piscines. 17 sont ainsi tombées en désuétude, Manal Rachdi et Nicolas Laisné voudraient rénover 14 d’entre elles. La station Arsenal, fermée depuis 1939, a été déclinée en plusieurs versions, à découvrir sur le site de l’agence (dont une superbe version station/piscine). L’idée fut loin de convaincre la RATP, jugeant les coûts trop importants. Le projet, à l’origine, était soutenu par la candidate de droite à la mairie de Paris et on connaît le résultat des élections municipales. Cette métamorphose de stations fantômes semble donc être définitivement enterrée, c’est le cas de le dire. Mais — en dehors de toute considération politique, évidemment —, quel dommage alors que ces espaces deviendraient des lieux de vie pour les Parisiens comme pour les touristes, en témoigne la fascination de la presse étrangère pour le projet, du Spiegel à la BBC, en passant par CNN. La presse spécialisée recommence à parler de ce projet. Alors, un jour prochain une bonne nouvelle ?