Nouvelles de Belgique

© Christine Marcandier

Via notre correspondant permanent en Belgique, Jacques Dubois (dont Diacritik se permet de rappeler qu’il est spécialiste des romanciers du réel et de Simenon qu’il édite en Pléiade, c’est important pour la suite), nous parviennent deux nouvelles : depuis Bruxelles, « une bagarre paralittéraire » et depuis Liège, une revue dérivante.

Capture d’écran 2015-10-02 à 11.25.01Depuis Bruxelles : UNE BAGARRE PARALITTÉRAIRE

9782246804611-X_0Le Soir du 24 septembre offrait une carte blanche à Jean-Baptiste Baronian, auteur de polars et de biographies littéraires. Sous le titre « Tirez sur Simenon » (texte repris sur Clauseur le 26), Baronian s’en prenait à Patrick Roegiers, Bruxellois comme lui-même mais vivant à Paris et récent auteur de L’Autre Simenon (Grasset). Cet « autre » est Christian, le frère de Georges ; il fut membre du parti rexiste pronazi avant et pendant la dernière guerre et participa à une tuerie punitive dont furent victimes une vingtaine de civils. Il s’engagea ensuite dans la Légion étrangère et mourut en Indochine en 1947. Un bien triste sire, comme on voit, et qui fut subjugué par Léon Degrelle, le chef de Rex en Wallonie.

Roegiers en fait le minable héros de son roman « vrai » et l’associe, de façon suivie et par un procédé plus que discutable, à Degrelle certes mais aussi à son romancier de frère, laissant entendre que celui-ci fut loin d’être irréprochable pendant le conflit et se réclama d’une idéologie douteuse. Or, si Georges durant la guerre se montra plus qu’opportuniste, ne songeant qu’à ses intérêts et à ses plaisirs, il ne fut pas un collaborateur. De plus, Baronian pointe dans L’Autre Simenon une écriture plus que relâchée (comparaisons ridicules, fautes de langue, etc.).

Le Soir a donné un droit de réponse à Roegiers et celui-ci entame sa réplique sur la page voisine en parlant d’un « article imbécile et de mauvaise foi ». Là dessus, Roegiers revient au procès de Christian, son « héros », mais ce n’est que pour mieux reconnaître en Georges « la part d’ombre » du frère cadet. Ce qui ne veut pas dire grand-chose mais lui permet d’insinuer à peu près n’importe quoi. Et d’y ajouter quelques coups bas, donnant Baronian pour le factotum de John Simenon, fils de Georges, ou rappelant que la biographie de Baudelaire qu’il a commise a été éreintée par Le Monde.

Tout cela n’est pas bien joli et la littérature n’y gagne rien. Et, en fin de compte, dans cette sombre affaire, le lecteur ne se sent ni pour Roegiers ni pour Baronian ni pour Christian ni pour Léon (Degrelle) ni même pour Georges. Ce qui ne l’empêche pas de tenir Simenon pour le grand romancier qu’il demeure.

Depuis Liège : UNE REVUE DÉRIVANTE

Capture d’écran 2015-10-02 à 11.36.58En partie parisienne et totalement électronique, notre Diacritik toute jeune aura à cœur de saluer la naissance de Dérivations, liégeoise et imprimée. Celle-ci est dirigée par Pierre Geurts et François Schreuer et prévoit deux livraisons et un numéro hors-série par an.

Sous-titrée « Pour le débat urbain », elle annonce un ancrage résolument local. Ainsi, en sa première livraison, Dérivations se centre sur quelques dossiers urbanistiques du cru et avant tout sur le conflit entre la municipalité et les riverains d’une place Cockerill qui jouxte la faculté des Lettres. Le fond de l’affaire était la construction calamiteuse d’un parking : l’insurrection riveraine vient de l’emporter ! D’autres thèmes du même tonneau sont abordés dans les 175 pages de la livraison : le quartier de Droixhe et la démolition de ses « barres », l’état du cinéma en ville, la réappropriation citoyenne de la « Cité administrative ». Mais tout n’est pas aussi fortement lesté et l’on voit écrivains et artistes (dont Caroline Lamarche) se répandre en chroniques joyeuses.

Étonnant qu’une revue se centre ainsi sur une seule ville. Est-ce la confirmation que Liège est une ville incestueuse, comme on l’a dit parfois, en raison de son statut séculaire de principauté et de son encaissement au sein d’une vallée ? Mais Dérivations ne joue pas la carte de l’isolement ou du repli. Elle veut faire entrer la ville dans une modernité ouverte et alternative et, à ce titre, est lisible partout. Son titre renvoie à ce bras du fleuve — la Dérivation — qui se sépare de la Meuse pour traverser l’agglomération. Le comité de rédaction choisit cette dérive-là et aime à accoster là où c’est politiquement chaud.

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