
Gabriel, après le bac, a commencé des études de médecine. Il prépare le concours de l’internat.
Gabriel, après le bac, a commencé des études de médecine. Il prépare le concours de l’internat.
Après le décès de votre mère, ton frère a repris ses bonnes vieilles habitudes. Un soir d’ébriété, il t’a envoyé un mail d’insultes puis n’a plus donné signe de vie. Toi non plus.
L’appartement de ma mère était vendu. J’ai fait cette dernière photo, comme quand on se retourne une dernière fois pour voir le pays que l’on quitte.
Au Musée Rodin, il y a comme une chambre d’amis pour les œuvres de Camille Claudel. Dans cette chambre, il y a un portrait d’enfant, un portrait de petite fille plus exactement, connu sous le nom de « La petite châtelaine ». Ce buste en marbre a l’intensité d’un instantané photographique.
Je passais ma vie dans les trains. Les TGV, les Corails Intercités, les TER… Je passais mon temps à anticiper, à prévoir, à réserver, à courir d’un espace à un autre.
Quand j’habitais Paris, nous allions souvent aux Buttes-Chaumont ou au Parc de la Villette. « Corvée de square », me disait un ami de l’époque qui ne cessait de se revendiquer père (ça devait plaire aux filles, c’était un grand consommateur…) mais était incapable de s’occuper de son fils.
Ces moments que nous partagions, Gabriel et moi, étaient toujours incertains et précaires car menacés par le couperet de notre future séparation. Crainte de le quitter, crainte de lui manquer et donc de le faire souffrir, crainte de ne pas supporter le manque.
Durant deux étés, nous avons passé une partie de nos vacances dans la maison de la mère de ma compagne, en Isère. J’étais sauvage et ombrageux ; je m’y sentais comme un étranger mais la gentillesse de V., la beauté de l’endroit, la présence bienfaisante de la nature contribuaient à me civiliser un peu.
Gabriel savait être pénible. Il avait harcelé V., ma compagne de l’époque, pour qu’elle lui offre cette hache en bois. Elle avait cédé. Sitôt l’objet convoité obtenu, il s’en était bien sûr désintéressé. Un jour, trainant, morose, dans sa chambre vide, j’avais posé cette arme factice sur son oreiller rouge, comme un objet liturgique les jours de procession.
Ce qui frappe avant tout à la maison de retraite, c’est l’odeur : un curieux mélange d’asepsie et de flétrissure. Pourtant, le lieu est presque neuf, d’une irréprochable propreté, le personnel est gentil, disponible, à l’écoute. Gabriel et toi êtes toujours bien accueillis. Ta mère a une chambre individuelle, assez vaste, au rez-de-chaussée, avec salle de bain attenante.
Demeurait le sentiment océanique. Béquille ou planche de salut : même dans les pires moments, la nature a toujours été pour toi source de réconfort et d’équilibre.
Tu es né et tu as grandi à Amiens. C’est une ville sans charme, assez laide, une ville de la « reconstruction » (60% du centre a été détruit durant la seconde guerre mondiale), connue seulement pour sa cathédrale et pour la tour construite par Auguste Péret dans les années 50. Les séquelles de la guerre sont toujours présentes.
Ma mère venait de rentrer en maison de retraite médicalisée. Vivre seule, à la merci de sa mémoire défaillante, devenait dangereux. Une place s’était libérée subitement et elle avait quitté Amiens du jour au lendemain, emportant juste quelques meubles et ses affaires. Tant que l’appartement n’était pas vendu, nous en profitions encore, mon fils et moi, quand je venais le voir.
Maman est folle / on n’y peut rien / mais j’veux pas qu’on la vole / ni qu’on l’emmène au loin, chantait autrefois William Sheller.
Le Musée du jouet, à Bruxelles, est un endroit poétique et foutraque.