Je passais ma vie dans les trains. Les TGV, les Corails Intercités, les TER… Je passais mon temps à anticiper, à prévoir, à réserver, à courir d’un espace à un autre. Heureusement mes supérieurs étaient humains et compréhensifs, et mon emploi du temps me permettait ces déplacements incessants. Une existence ambulante, en théorie, ne me répugnait pas (la théorie est un pays de Cocagne). Mais, dans les faits, je répétais sans fin le même trajet, perpétuel va-et-vient entre l’Oise et Marseille, sorte de nomadisme sans envergure, désenchanté et triste. Pourtant, envers et contre tous, nous parvenions, Gabriel et moi à préserver nos petites échappées, dans un arrière-pays que nous bricolions à chaque fois et où nous nous retrouvions toujours, tant bien que mal : il était là le voyage minuscule, dans les plis qui séparent et unissent l’âpreté et la douceur.
