L’appartement de ma mère, Laurent Deglicourt (Le voyage minuscule 20/22)

© Laurent Deglicourt

L’appartement de ma mère était vendu. J’ai fait cette dernière photo, comme quand on se retourne une dernière fois pour voir le pays que l’on quitte. Ce jour-là, la lumière était limpide, dorée. Elle s’invitait dans les pièces comme elle s’invite dans les tableaux de Hopper, à la manière d’une annonciation. Ma mère est morte d’une septicémie en juillet 2011. Peu après, j’ai écrit ceci dans mon journal : Dimanche, nous sommes allés, Gabriel et moi, voir la dépouille de maman dans la salle funéraire de l’hôpital. Nous ne sommes restés que quelques minutes devant son visage qui ressemblait à un masque de cire. Elle était, cette fois-ci, définitivement absente. J’ai éclaté en sanglots. Ce visage qui n’était plus celui de ma mère semblait me dire : « Pour cette histoire d’amour ratée, pour cette énigme, pour cette solitude à laquelle je te condamne, tu n’auras jamais d’explications. Seulement ce silence définitif ». Je lui ai fait un signe d’adieu de la main et Gabriel et moi sommes sortis de la salle de présentation.

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