Si les revues littéraires, en particulier celles de poésie, ont le plus souvent peu de visibilité, elles offrent aussi des possibilités moins contraintes et plus aventureuses que celles de beaucoup de maisons d’édition, proposant des expériences littéraires, publiant des auteurs peu ou non édités par ailleurs, les réunissant et créant des rencontres qui permettent aux revues de construire des constellations, des convergences, des points de vue multiples sur la littérature et sur ce que pourrait être une édition de création plus vivante.

Au début de ce printemps, une amie qui vit dans une ville située sur un autre continent m’a envoyé l’enregistrement d’une remarquable lecture de poésie. Le thème de la soirée était « poésie et protestation ». Assez rapidement au cours de l’événement, un différend éclate : La poésie est-elle une forme efficace de protestation ou non ? Et le cas échéant, les personnes présentes à la lecture ne devraient-elles pas simplement partir, sortir et rejoindre les manifestations qui ont lieu dans la ville et sa périphérie au moment même de la lecture ? On échange des paroles et il y a, je crois — l’enregistrement est chaotique, les gens parlent en même temps les uns des autres, c’est difficile à entendre — un vote. C’est tendu mais la lecture continue.

Écrire de la poésie après Trump est barbare (pour paraphraser un aphorisme souvent cité et que l’on éprouve si profondément, même si certains prétendent que nous ne le comprenons pas encore bien). Theodor Adorno, philosophe et théoricien de la culture allemand, a un jour fait cette remarque célèbre : « Écrire un poème après Auschwitz est barbare ».

 Suite des entretiens d’Emanuèle Jawad autour de création et politique. Après Véronique Bergen, Nathalie Quintane, Sandra Moussempès, Leslie Kaplan, Vannina Maestri, Marie Cosnay et Jennifer K Dick, c’est au tour de Marie de Quatrebarbes, évoquant l’autre, « Faire place à cet autre qui n’est pas vraiment autre ».

Il y a un tir, la couleur de ce tir et l’effroi qui l’a libéré, qui le diffuse lentement et, dans la couleur de ce tir, comme une infiltration où quelque chose de plus fort se décroche et parvient au-devant de son terme. Ce terme, qui n’est pas tenu d’aboutir quand bien même il serait visé, n’est que début ou chancellement quand la couleur surgit et quelque chose s’obscurcit, s’efface et surgit à nouveau dans une exclamation de pur effroi et la couleur, devenant effroi à son tour par contagion, gagne le corps au point où le corps se soumet et s’abjure et se vend au plus offrant, se déshabille et s’agenouille face contre terre.

«Soyez la Panthère rose, et que vos amours encore soient comme la guêpe et l’orchidée, le chat et le babouin »,
Gilles Deleuze, Félix Guattari.

Les enfants sont à l’école. La mère travaille, quelque part, à l’autre bout de la ville. Les enfants plaisantent sur le compte d’un père fantôme qui serait du côté de Mexico, à couler des jours heureux. Ils sont maîtres à la maison.