Rust (not in) peace. Prenez un shérif qui tente de se sevrer de son addiction médicamenteuse, une mère de famille qui essaie de survivre malgré les dettes avec son fils ex-espoir du football, des secrets et un mal de vivre qui gangrène une ville entière et vous obtenez la trame d’American Rust, mini-série policière, drame familial, qui suinte le désespoir et se donne comme un portrait de plus des oubliés de l’american dream.

Del Harris (Jeff Daniels) est taciturne et désabusé, accro aux anti-douleurs et aux anti-dépresseurs depuis son retour de la guerre du Golfe. Il est le shérif de Buell, petite ville du sud-ouest de la Pennsylvanie, en plein coeur de la Rust Belt, région surnommée ainsi à cause du déclin économique qu’elle a connu dans les années 70.

Grace Poe (Maura Tierney, Urgences, The Affair) et son fils Billy (Alex Neustaedter) sont sous la menace d’une expulsion et vivotent entre les rancœurs du passé et des espoirs de jours meilleurs par avance stoppés net.

Billy aurait la possibilité de s’élever, de quitter la ville avec une bourse universitaire en poche, mais son tempérament apathique et le poids du pessimisme ambiant le retiennent dans cette ville où la désindustrialisation a fait son travail, aciéries à l’abandon, gares fermées, hypothèques en nombre et trafic de drogue galopant.

Créée par Dan Futterman (En Analyse, The Looming Tower, Gracepoint) et adapté d’un roman  de Philipp Meyer, American Rust explore les failles sociales et économiques états-uniennes par le prisme du drame local et d’une enquête policière qui rappelle Broadchurch ou Mare of Eastown. Pour le showrunner, les agissements du Shérif, le silence des suspects, les répercussions de l’affaire sur les habitants de Buell sont autant de pistes narratives à creuser que des éléments de l’investigation à venir. Derrière une intrigue plutôt classique, American Rust est d’abord centré sur des personnages aux motivations et aspirations divergentes, qui ramènent toujours au même point de départ : Buell, ville presque fantôme en proie au délabrement, symbole d’un passé voué à disparaître.

Partir, rester, les choix semblent donc limités pour les protagonistes d’American Rust : pour l’une, épouser un homme et quitter définitivement la Pennsylvanie pour New York ; tenter sa chance en Californie et vivre sereinement son homosexualité pour un autre ; exercer sa charge d’homme de loi en n’hésitant pas à se compromettre pour le Shérif Harris ; subir un mari infidèle pour Grace Poe tout en protégeant un fils qui semble à jamais prisonnier de sa ville et de lui-même.

Mais, si les jalons posés sont autant de qualités potentielles entraperçues dans les premiers épisodes, la promesse d’une série à suspense efficace et pleine d’acuité sur sa dimension sociale et psychologique s’avère difficile à tenir. La faute à des dialogues trop écrits (voire sous-joués), des situations d’emblée caricaturales et dépourvues de second degré, American Rust peine à convaincre en dépit d’une photographie qui transpire certes la rouille et le déclin de l’Amérique et avec une mise en scène qui restitue jusqu’à la saturation cette atmosphère de malheur et de fatalité.

American Rust, de Dan Futterman, avec Jeff Daniels, Maura Tierney, Bill Camp, Julia Mayorga, Alex Neustaedter, Dallas Roberts, Showtime 2021. 9 épisodes disponibles en replay sur Canal Plus.