Cher Malik, Je ne sais pas écrire sur la musique, je ne crois pas… ce seront donc juste « quelques mots » vers ton nouvel album, celui de la consécration, celui du virage magnétique, Troie !
Troie comme la guerre, comme celle qui n’aura pas lieu, comme celle que tu as eue avec ton corps souffrant, Troie comme un fantasme d’Orient lointain, comme un autoportrait discret et modeste, comme Isabelle la Belle Hélène, comme Priam, le beau Paris et Hector, les héros, on les connaît tous.
Je ne sais pas écrire sur la musique, mais j’aimerais. Je ne sais pas non plus écrire sur le ciel, les ciels. Peut-être qu’on écrit parce qu’il y a des choses qu’on ne sait pas dire ? En est-il de même avec la musique, la chanson ? Est-ce que tu chantes parce qu’il y a les choses que tu ne sais pas chanter ?
Tes chansons sont peuplées de manque, je trouve. Mais c’est plein, aussi, paradoxalement, comment parler de cette plénitude frappée de creux et de manques ?
En boucle.
En fait, mon papier, cette lettre, pourrait ne dire que cela : « en boucle », ça fait des boucles d’or, j’écoute ton album en boucle depuis quelques jours, elle fait du bien cette légèreté, cette mélancolie qui sourit, le matin, l’après-midi, le soir, elle fait du bien cette façon d’y aller sur la pointe des pieds, innocence idéale, sur le bout des lèvres, avec le corps et ce « je-ne-sais-quoi » qui est toute la musique, Quelques mots, en face à face, s’adresser juste quelques mots, juste en surface… et on rêve d’un clip avec Isabelle, vos douceurs, au fil des pages. Un face à face.
Mais ton album, Troie, cette Troie, qu’en est-il ? France Inter parle d’éclaircie organique, une autre antenne parle d’un beau virage hypnotique, que pourrais-je ajouter ? Comment commenter la musique ? La musique c’est aussi le matin, visage encore froissé, seul, dans la salle de bains, se brosser les dents, fredonner, danser un peu au bord d’une journée.
Donc rien.
Laissons plutôt parler Achille : Les dieux nous envient parce que nous sommes mortels, parce que chacun de nos instants peut être le dernier et que tout est beaucoup plus beau car nous sommes condamnés. Tu ne seras jamais plus ravissante qu’à cet instant. Plus jamais nous ne serons seuls ici tous les deux.
Et si ton album parlait aussi de la mort, sans en parler ? Et des femmes ravissantes ?
Il y a de ça, non ?
Ou c’est moi ?
Une anecdote, peut-être que tu ne sais pas mais Isabelle Adjani a failli jouer Hélène dans le film de Ridley Scott… tu imagines ? Eh bien, voilà, grâce à toi, elle le fait, autrement, ailleurs.
Mais cet album… comment dire ?
Rien.
Un point sensible.
Un point c’est tout.
Peut-être que chanter comme tu le fais c’est découvrir les blessures secrètes de tout être et de toute chose, afin de les illuminer ?
Qu’ajouter ? Faire la liste des titres de tes chansons, y associer une fleur, des correspondances à la Baudelaire :
Où tu es / Marguerite
Point sensible / Pensée
2080 / Orchidée
Saatchi / Tournesol
Vertiges / Rose
Quelques mots / Muguet
Adorée / Coquelicot
Douleur / Bleuet
Danger / Iris
Vis-là / Pâquerette
Eric / Jonquille
Petit Héros / Lys
Bravo pour ce bouquet !
Ta musique est un peu de paix dans nos vies de guerriers.
Merci pour la clairière, et l’éclaircie !
Olivier