Piscine Molitor : une histoire vraie, Boris Vian réimaginé

Piscine Molitor © Dupuis Aire Libre

Boris Vian (pré)disait qu’il ne vivrait pas jusqu’à quarante ans. À l’occasion des 100 ans de sa naissance, les éditions Dupuis rééditent Piscine Molitor de Cailleaux et Bourhis (en tirage limité à 1 500 exemplaires, avec un dossier inédit de 16 pages). Son imagination était débordante, ses talents multiples, sa maladie était sa solitude : Cailleaux et Bourhis signent le portrait de Boris Vian dans un roman graphique d’une grande sensibilité où percent mélancolie et admiration.

Paru en 2009, Piscine Molitor de Cailleaux et Bourhis ressuscite Vian mort en pleine projection de J’irai cracher sur vos tombes le 23 juin 1959 et revient sur trente années d’errances, de génie, de créations, de créativité. Piscine Molitor fête le « transcendant satrape » du Collège de Pataphysique, tour à tour Vernon Sullivan, Bison Ravi, Baron Visi ou Brisavion, dans un album où l’on (re)découvre que Boris Vian fut ce génie torturé, brillant et effacé à la fois, en proie à la maladie dès son jeune âge, en butte avec la vie tout au long de son existence.

On a justement et souvent décrit Boris Vian comme un touche-à-tout de génie, Centralien, écrivain, inventeur, poète, parolier, chanteur, critique et trompettiste de jazz, conférencier, scénariste et traducteur… il est éternellement indissociable du Saint-Germain-des-Prés de l’après-guerre. Contemporain de Sartre, croisant Yéhudi Menuhin, Jacques Prévert, ami de Queneau et de Miles Davis, compère farceur d’Henri Salvador, Boris Vian a marqué les années 50 de son vivant, et les générations suivantes après sa mort.

Piscine Molitor © Dupuis Aire Libre

Piscine Molitor est une biographie en images qui réinvente l’auteur de L’écume des jours, une histoire  « totalement vraie, puisque (…) imaginée de bout en bout ». Le dessinateur de R97 et des Imposteurs s’est allié à l’auteur du Teckel, de Trump de A à Z et contributeur de L’ABC de la typographie pour retracer la vie de l’auteur d’Un Automne à Pékin et de Les morts ont tous la même peau.

Piscine Molitor © Dupuis Aire Libre

Dans cet album intimiste, on découvre le jeune Boris adepte des sociétés secrètes pour rire (Le cercle Legateux), lettré (bachelier à 16 ans), créatif et très tôt doué pour les instruments (guitare, trompette, batterie). On rencontre Vian Centralien, fuyant Paris occupé, croisant la route du « Major » personnage fantasque et haut en couleur (Jacques Loustalot, qui lui inspirera plusieurs personnages romanesques)… On suit Bison Ravi, Équarrisseur de première classe du Collège de Pataphysique et joueur de « trompinette » au Club Tabou. Il côtoie Juliette Gréco et le tout Paris.

Piscine Molitor © Dupuis Aire Libre

On perçoit la détresse de l’écrivain et les paradoxes de l’homme : il publie sous pseudonyme et ne reconnaît que les œuvres qu’il publie sous son vrai nom ; il théorise  l’absurde tout en travaillant à l’Agence Française de Normalisation. Et puis il y a la maladie, une insuffisance aortique, qui l’oblige à se ménager alors qu’il voudrait mordre la vie à pleines dents, quitte à en mourir. La vie le malmène. Il subit les procès et la vindicte populaire. Il se confronte au public qui le décrie et à ce que l’on a fait de son œuvre quand J’irai cracher sur vos tombes est projeté pour la première fois. Alors qu’il n’a pas souhaité que son nom apparaisse au générique.

Piscine Molitor retrace les dernières heures de la vie de Boris Vian en ce matin de juin 1959. Cailleaux et Bourhis ont su faire transparaître la désespérance et les démons de l’homme, les espoirs et les inspirations de l’écrivain dans un album testament. Une histoire totalement vraie, parce que Boris Vian l’a vécue jusqu’au bout. Il n’avait pas quarante ans. Il l’avait dit.

Christian Cailleaux & Hervé Bourhis, Piscine Molitor, 88 p. couleur, dossier inédit de 16 p., éditions Dupuis – Aire Libre, 19 € 90

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