Un abonnement Netflix, c’est un peu comme une carte de club de gym : on décide un beau jour de s’inscrire a priori pour de très bonnes raisons, sous le coup d’une impulsion ou au gré d’une offre attractive temporaire. Puis, le temps aidant, on finit par ne plus y aller, oubliant l’offre initiale, remisant l’envie de départ à cause d’une profusion décourageante, avec des propositions à la qualité plus qu’aléatoire. Pourtant, il arrive que de la pléthore émergent de bonnes surprises (non sans quelques défauts) : The Politician est de celles-ci, à la fois série pour ados et miroir pop et saturé de l’Amérique des millenials…
Payton Hobart est un lycéen intelligent, plutôt beau garçon, richissime fils adoptif d’une mère aimante et d’un père distant. Avant d’entrer à l’université, il n’aspire qu’à une seule chose : devenir président des élèves, tremplin impératif qui servira son but plus grand, devenir un jour président des États-Unis d’Amérique.

Car Payton est un ambitieux-né. Politique jusqu’au bout des ongles manucurés, la mèche élégante et l’élocution aisée, le jeune homme vit, mange, parle, dort, embrasse le destin qu’il s’est choisi. Flanqué de ses amis de toujours (Alice, McAfee, James) il est en campagne permanente, calquant ses faits et gestes sur ceux des pairs de la nation – ie. les anciens présidents, dont il connaît tous les secrets, toutes les erreurs, toutes les qualités qui leur ont permis d’être élus. Formaté Payton ? Non. Préparé. Depuis qu’il est enfant, il se destine, s’entraîne, prépare, planifie. Et l’accès à la magistrature suprême passe donc par une élection de moindre envergure (mais tout aussi cruciale selon Payton), celle de la présidence des élèves du lycée.

Si la carte postale est belle, avec une photographie qui renforce le côté artificiel d’une jeunesse dorée qui se cherche des combats pour satisfaire son égoïsme, le vernis craque très vite. Chaque personnage se révèle d’une duplicité maladive, entre secrets intimes et dissimulations, entre affichage de sa sexualité ou de son genre et mise en application systématique du politiquement correct. Ryan Murphy semble d’ailleurs beaucoup s’amuser avec la question de l’inclusion : parce que Payton veut à tout prix gagner cette élection, il ne raisonne désormais qu’en termes de bénéfices, de parts de marché, d’opinions favorables ou défavorables, de quotas… sa future colistière sera donc Infinity, jeune fille atteinte d’un cancer, à même de fédérer autour d’elle tous ceux qui souffrent d’un handicap visible. En plus d’attirer la compassion des autres.
Charge gentiment critique contre système électoraliste américain, avec ses cabinets, son lobbyisme, sa dictature des sondages, The Politician se paie même le luxe de brocarder le système de pensée moderne quand il s’agit de n’oublier personne (hétéros, homos, minorités visibles, LGBTIQA+… Au point que l’un des héros en vienne à se demander « on n’en ferait pas un peu trop, là ? ».
Extérieur jour, nuit intérieure
Si visuellement The Politician lorgne du côté de Wes Anderson avec ces cadrages symétriques parfaits et une image éclatante comme le marbre des demeures des riches californiens, le scénario lui, rebondit parfois difficilement quand il s’empêtre quelque peu dans les intrigues secondaires. Comme souvent avec Ryan Murphy, la musique et la chanson sont autant de moyens de surligner les émotions des personnages et le jeune Hobart, amoureux de son rival et ami River, se révèle un chanteur de talent avec un joli filet de voix. Mais, tandis que la satire du monde politique US est au coeur de l’intrigue, l’histoire d’Infinity et de sa grand-mère en empoisonneuse atteinte du syndrome de Munchausen par procuration laisse perplexe, et apparaît anecdotique pour ne pas dire complètement superflue.

Ce que l’on peut (re)dire en revanche, c’est que The Politician réussit parfaitement à captiver quand il s’agit de pointer les travers du carriérisme, des moyens les plus cyniques justifiés par la fin souhaitée, d’envoyer des piques au système universitaire (où l’on achète son entrée à Harvard en toute impunité) ou à la société qui se délecte du superficiellement correct sur Instagram et autres Facebook (avec tous les risques inhérents à la surexposition).

Prisonnier de ses ambitions, Peyton Hobart incarne donc cette propension d’une génération qui regarde le monde avec détachement, cachant ses sentiments, sans jamais s’impliquer, sans jamais aller au devant de l’autre, en oubliant toute critique de l’autre de peur de souffrir en retour.
The Politician, créée par Ryan Murphy, Brad Falchuk et Ian Brennan et diffusée depuis le 27 septembre 2019 sur Netflix. Avec Ben Platt, Zoey Deutsch, Lucy Boynton, Jessica Lange, Gwyneth Paltrow, Bob Balaban, David Corensweet, Laura Dreyfuss, Theo Germaine, Judith Light… Crédits images © Netflix