Thibaut Pez, interview chaton bonbon

Le journal d'Olivier Steiner © Christine Marcandier

Page estivale du journal d’Olivier Steiner : entretien avec Thibaut Pez, en mode Messenger.

Olivier Steiner : Bon voilà, je suis armé : clopes, verre de jus d’ananas. Dehors quelque chose comme 38 degrés à l’ombre. Commençons par ton nom par exemple, tu t’appelles vraiment Thibaut Pez ?

Thibaut Paz

Thibaut Paz : Presque. J’ai raccourci mon nom de famille, Pez est le surnom que m’ont toujours donné mes potes.

OS : Je demandais car j’entends forcément « petit beau et bonbon Pez », et l’alliage n’est pas pour me déplaire ! Pardonne moi mais je te découvre, jusqu’à présent tu n’étais (à peu près) qu’un joli visage dans mon facebook, il aura fallu que je tombe sur ton clip Que tu meures !

TP : Ben ça me fait super plaisir que ça te plaise, vraiment.

OS : Je vais te mettre à l’aise (ou pas) mais je suis très mauvais en musique et je ne sais pas en parler ! J’oublie les titres, les genres, noms des chanteurs ou groupes, etc. La musique est partout dans ma vie mais elle ne s’imprime pas. Tu comprends ?

TP : L’important n’est pas le savoir encyclopédique, ce sont les notes, ce qu’elles te font ressentir. Les images que ça t’évoque, les souvenirs qui reviennent, les sentiments partagés, mélangés. Moi j’ai une relation presque familiale avec certaines de mes idoles, très très intime en tout cas. Tu vois ?

OS : Je vois très bien, ça me fait ça avec Proust ou Dalida par exemple.

TP : Tu cites un écrivain et une chanteuse, c’est la même démarche au fond.

OS : Oui et c’est même (j’ai essayé) à bien des égards plus difficile d’écrire une bonne chanson. Tu écris tes textes ?

TP : Je fais tout : je compose, j’écris, je produis et je chante !

OS : Génial ! Et tu fais ça depuis combien de temps ?

TP : J’ai toujours été musicien, j’ai toujours écrit des petits trucs, j’avais des mélodies dans ma tête et dans mon iPhone, mais j’ai vraiment commencé à enclencher le « processus » de façon sérieuse il y a environ trois ans. Du coup j’ai un paquet de chansons dans mon ordi que j’ai jamais sorties. Je te ferai écouter si tu veux…

OS : Tu as quel âge ?

TP : 30 ans tout rond.

OS : C’est encore bien chaton, 30 ans. Avec grand plaisir pour l’écoute des autres titres. Sinon tu me parlais de tes idoles, tu peux citer quelques noms ? quelques étoiles dans ton univers ?

TP : Mais PLEIN ! Quand j’étais gosse, je n’écoutais QUE de la variété
française : Souchon, Cabrel, Zazie, Farmer… Puis j’ai grandi et là, Radiohead, Bowie, LCD Soundsystem….. Enfin, y en a mille !

OS : Je prends très au sérieux (et en même temps pas) la «variété » française…

TP : Mais si tu veux mes idoles, les vraies, je dirais: Lana Del Rey, Thom Yorke, et James Murphy. Bon, pas de français dans ceux qui me viennent en premier…

OS : Oups, je ne connais pas le dernier, Murphy ! Tu vois comme je suis nul…

TP : Murphy c’est le chanteur de LCD Soundsystem ! Attends, je t’envoie un son

Ils repassent en septembre à Paris, je suis à bloc !

OS : Ton clip Que tu meures, je l’ai relié à Dans ma chambre (Kat onoma / Rodolphe Burger), tu connais ? comme si l’histoire avait commencé «après le débat, comme dit Casanova », dans cette chambre, et elle se serait terminée par ces histoires de bouquets rouges et blancs à l’envers dans Paris…

TP : Attends, mais je suis conne, j’ai oublié de te citer mon maître absolu en fait, Daho !

OS : D’ailleurs, ça pourrait être joli que tu fasses une reprise de Dans ma chambre / Kat Onoma. Ta voix s’y prêterait bien.

TP : Merci, je ne connaissais pas mais je ne fais pas énormément de reprises. J’en ai déjà publié une, tirée de Peau d’âne, je sais pas si tu l’as écoutée ?

OS : Oui, j’ai écouté tes 3 titres sur soundcloud, avec la « démo ».

TP : Oui, Karaté Kid est une vieille chanson faite sur la base d’un sample de Britney Spears qui dit I go through life like a karate kid, j’avais adoré la punchline (dans un docu sur sa carrière). Du coup j’ai construit une chanson autour, qui parle du « célibat », même si on comprend pas forcément de quoi je parle dedans.

OS : On ne trouve pas plus de 3 titres sur le net, c’est bien ça ?

TP : Exact. Le reste des chansons c’est dans mon ordi, j’attends d’avoir un bon mix, un bon enregistrement. Je vais sortir un EP en fin d’année / début d’année prochaine.

OS : Tu chantais à la Java à Paris la semaine dernière, ça s’est passé comment ?

TP : ça s’est bien passé mais y avait pas grand monde, genre 30 personnes, principalement des amis… Mais j’ai joué à la Java il y a un mois aussi, pour une Trou aux biches, la soirée queer, et c’était complètement dingue, je sentais les gens réceptifs, et plusieurs personnes sont venues me voir après le concert pour m’encourager, j’étais assez ému.

OS : Au passage je remercie Patrick Thévenin et Tim Joanny, c’est grâce à leurs posts que je t’ai découvert sur Facebook.

TP : Patrick est un super ami… Le concert à la Trou aux biches je te jure c’était fou. J’ai vu des gens chanter les paroles de Que tu meures, alors que je ne les connaissais pas moi-même !

OS: Bientôt tu vas peut-être te réveiller en apprenant que t’as un million de fans japonais ! C’est addictif Que tu meures, c’est intelligent, profond mine de rien et léger. On pense à Daho bien sûr, un peu Niagara, un peu Depeche Mode, on pourrait être aussi dans un film de Christophe Honoré…

TP : ça me touche beaucoup que tu cites ces noms… Daho est un totem.
On me dit souvent que ma musique fait très années 80, je pense que ça vient de la prod et aussi du fait que dans les années 80 les mecs étaient quand même moins coincés dans leur genre. J’ai l’impression qu’ils assumaient beaucoup plus leur féminité, non ?

OS : Le délire était plus grand, je crois, et y’avait une vraie notion de fête et d’oubli… en même temps les époques, tout dépend de qui en parle…

TP : Quand tu vois toutes les idoles des années 80, The Cure, même Indochine, c’était vachement plus gender fluid qu’aujourd’hui où les mecs doivent être vraiment des mecs…

OS : Oui, sans oublier le Voging, les bals à New-York, tout ça bien avant Madonna… Une grande libéralisation du corps.

TP : Oh yes, ça avait l’air plus marrant qu’aujourd’hui. Mais j’ai pas trop connu
cette époque-là, d’où sûrement une petite mystification / déformation.

OS : Oh oui ! se méfier des âges d’or, ils nous font oublier notre or contemporain. C’est comme la chanson de Lou Reed, Walking on the wild side, c’est tellement beau ! mais si tu écoutes bien les paroles c’est d’une tristesse inouïe, c’est sublime parce que c’est un dés-astre, c’est un monde qui va superbement à sa perte. Le film de Stéphane Sednaoui montre si bien cet aspect-là, c’est tellement sexy… et Joe Dallesandro était beau, beau à se damner… (là, dans le clip c’est un sosie)

Je pense aussi à Cargo d’Axel Bauer qui puait Jean Genet quand même ! Remember ou t’étais trop jeune ?

TP : UN CLASSIQUE ! J’adore ! c’est Mondino qui a réalisé le clip, un hommage à Querelle de Fassbinder.

OS : Son duo plus récent avec Zazie, très joli aussi… Envie de te dire que tu es de cette famille-là…

OS : Ta chanson de Daho préférée, s’il n’y en avait qu’une ? ce qui est une question con…

TP : Je dirais peut-être Quelqu’un qui m’ressemble

TP : Et toi ?

OS : Moi c’est Ouverture.

TP : Ouverture, c’est sublime. Y’a pas plus belle définition du coup de foudre.

OS : Et c’est plein de finitude en « m’aime » temps…

TP : ça va ensemble, non ? C’est indissociable. Quelqu’un qui me ressemble, c’est probablement la plus belle de Daho. Et surtout, la dernière phrase…

OS : Je vois très bien, et en même temps y’a pas d’amour raté ! Tiens, cadeau, mon Daho à moi c’est Ernaux, tu liras ça plus tard.

TP : J’adore Ernaux ! j’en ai lu plusieurs. Elle m’émeut beaucoup. Et avec Despentes c’est la meilleure, non ? La charge politique, sa conscience, sont tellement puissantes chez elle. Puis je la sens très bienveillante avec les jeunes générations, regarde comment elle avait défendu Édouard Louis, c’était presque filial !

OS : Ils sont quelqu’uns et unes à être les meilleures et meilleurs mais Annie… c’est un amour ! une merveille d’intelligence et d’humanité. Ils me font rire ceux qui disent qu’elle ne parle que d’elle, ne voient-ils pas que ce faisant elle ne fait que donner ? Et vis-à-vis d’Édouard oui je crois qu’il y avait certes une dimension littéraire mais aussi filiale, « venger sa race », aussi à travers les autres…

TP : C’est marrant, je n’aurais pas pensé que notre dial, mon premier itw, nous emmènerait du côté d’Annie Ernaux et Édouard Louis !

OS : C’est ta premier itw ?

TP : Ben oui !

OS : Cool, je suis ravi. J’espère te porter chance. Tu vas faire quoi de ton été ?

TP : Je prends deux semaines pour bosser ma musique, je vais enregistrer des chansons, je dois envoyer des maquettes à des pros et ensuite, Grèce !

OS : Chouette ! Où ça en Grèce ?

TP : Naxos

OS : mon cher Thibaut, peut-être qu’on refera un papier à la sortie de l’EP ?

TP : C’est déjà fini ?! Avec plaisir, Olivier.

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Edit 2019 :