David Bowie, les cinq dernières années (Arte)

Bowie, Paris © Christine Marcandier

Après son documentaire David Bowie en cinq actes (2013), le réalisateur anglais Francis Whately nous offre David Bowie, les cinq dernières années. Les téléspectateurs français pourront voir son film, diffusé sur la BBC le 7 janvier dernier, sur Arte le vendredi 13 janvier.
Pour Francis Whately, ces cinq dernières années sont celles d’une créativité exceptionnelle, comme l’illustrent les deux derniers albums de Bowie, The Next Day (2013) et Blackstar (2015), comme la comédie musicale Lazarus. Ces trois réalisations sont mises en perspective avec l’ensemble de la carrière de l’artiste, des archives et des entretiens.

« Something happened on the day he died » chante David Bowie sur Blackstar, vanité des vanités, crépusculaire puis testamentaire dans sa mise à mort de Major Tom, comme Lazarus reprend les pas de Fashion dans un dernier tour de piste, réflexion amère sur une existence sur le point de s’interrompre, ouvrant à une renaissance, hors enveloppe mortelle.

David Bowie, être des métamorphoses, d’une surexposition avant de disparaître, ou presque, dix ans avant sa mort. Ces années de silence médiatique masquent une hyperactivité créatrice, comme le retrace le documentaire de Francis Whately. S’il interrompt ses tournées en 2004, pour raisons de santé, en 2011 David Bowie commence à travailler sur The Next Day, demandant un silence absolu à ses musiciens comme aux réalisateurs des clips. Et l’une des pistes de l’album, The Stars (are out tonight), sera d’ailleurs une réflexion sur la célébrité, son fardeau, la liberté que représente le choix d’en grande partie s’en abstraire.

Depuis le point focal de 2011, le film revient sur des déclarations antérieures de Bowie en interviews, l’aveu d’une timidité maladive contrée par la création de personnages et de doubles. Le retrait médiatique des dernières années offre à Bowie une liberté absolue de création et d’expérimentation, le documentaire revient sur la genèse d’un album qui va rompre avec près d’une décennie de silence, depuis les démos et maquettes enregistrées par Bowie chez lui, jusqu’aux versions finales, avec quelques archives exceptionnelles : les pistes que dévoilent Tony Visconti ou des images lors du tournage du film de Tony Ousrler pour Where are we now ?, analepse sur les années berlinoises, walking the dead, réflexion sur la manière dont les souvenirs construisent un avenir — des images du Berlin d’alors au T-shirt Song of Norway que porte Bowie, clin d’œil à son premier amour.

En 2013, Bowie travaille à la couverture de l’album, dans l’idée de détourner et subvertir l’un de celles venues de son passé iconique, toujours dans cette volonté de jouer avec son image. Et après deux années de travail dans un secret absolu, l’album sort en Grande-Bretagne le 11 mars 2013, sans aucune promotion, aucune interview, aucune apparition publique de Bowie, qui n’est plus qu’un nom et une musique, une déflagration. Bowie est toujours où l’on ne l’attend pas, malgré l’extrême cohérence de son œuvre, « out of the blue », expression récurrente du documentaire quand musiciens et réalisateurs parlent de lui. Sur Blackstar, plus même de nom : Bowie est just out of view comme il le chante dans No Plan dont le clip vient d’être dévoilé, une voix (I’m just in streams of sound), des images pixelisées sur des écrans du monde entier, l’homme retourné ailleurs, dans un un inconnu, relecture du titre par lequel il était revenu en 2013, Here am I nowhere now ? Et nous, where are we now ?

Bowie face A @ Christine Marcandier

En 2014, David Bowie travaille avec Maria Schneider et Donny McCaslin à un nouvel album, exposant l’influence permanente mais souterraine du jazz sur sa musique. Parallèlement, il finalise son projet de comédie musicale, un rêve depuis les années 70 : ce sera Lazarus, autour du personnage d’alien de The Man who fell to earth. La santé de Bowie s’est dégradée, il doit dire, toujours sous le sceau du secret, à ses plus proches collaborateurs qu’il est atteint d’un cancer. Il est pourtant très présent aux répétitions du spectacle, il enregistre Blackstar, tourne le clip de Lazarus en octobre, au moment même où il apprend qu’il est condamné. L’album de Bowie sort le 8 janvier 2016, jour de son 69è anniversaire. Il meurt deux jours plus tard.

David Bowie the last 5 years

Dans ces trois dernières réalisations du vivant de Bowie, une unité : construire un avenir depuis le passé, faire en sorte que le public revienne sur l’œuvre, interroge son sens depuis un Blackstar volontairement polyphonique et ambigu, démultipliant les voix, comme le dit Tony Visconti. Heroes est la dernière chanson du spectacle Lazarus, elle est aussi la dernière que Bowie avait chantée lors de son ultime tournée. Tout est lié, tout fait sens, comme le montre ce remarquable documentaire, hymne à un artiste hors du commun, jusque dans ces ultimes Five years, celles d’une assomption, d’une renaissance.

Bowie les cinq dernières années Arte

David Bowie, les cinq dernières années, documentaire de Francis Whately (Royaume-Uni, 2016, 1 h 30)
Arte, 13 janvier 2017 à 22 h 25, rediffusion le 28 janvier 2017, à 2 h 35
Suivi, le 13 janvier à 23h55 de David Bowie – A Reality Tour, enregistré en novembre 2003 à Dublin.

Le documentaire est désormais disponible pendant un mois en suivant ce lien

Bowie face B @ Christine Marcandier