Arte diffuse dimanche prochain le documentaire que Spike Lee a consacré à l’album Off the Wall (sorti le 10 août 1979) de Michael Jackson, poursuivant — en remontant le temps — son travail d’archives sur la genèse d’un musicien et danseur de génie, après Bad 25 (2012).

Le film commence avec les Jackson Five, au plein cœur des seventies, 4 chansons qui sont 4 hits, ABC, I’ll Be There, I Want You Back, The Love You Save. Le groupe affranchit Michael Jackson d’une enfance pauvre, démontre son génie du chant, de la danse, du rythme. Motown est, pour les frères Jackson, de leur aveu même, la meilleure école pour apprendre à écrire, à structurer une chanson, mais aussi observer en studio les artistes maison, Steve Wonder, Diana Ross, The Temptations et Sammy Davis Jr qui souligne la curiosité insatiable de Michael, « il avait les yeux partout », et s’amusant, dans la suite du documentaire, de la manière dont l’artiste l’a d’abord imité avant de le surpasser.

Les Jackson Five deviennent culte, et leurs fans, souligne Spike Lee, sont des enfants noirs. Son documentaire n’est pas seulement l’histoire d’un enfant à la coupe afro inoubliable devenant une star de la pop. Au centre du film, le travail acharné, la quête permanente de sons nouveaux, d’expériences et… la manière dont Michael Jackson a fait tomber des barrières, raciales et sexuelles, a inspiré tant d’autres — Kobe Bryant, basketteur de légende, raconte ainsi comment Michael lui a « ouvert les yeux sur un autre monde ». Le film de Spike Lee, présenté à Sundance, est une mine d’archives musicales rares, bandes démo, émissions de TV d’époque, concerts, dont cette anecdote savoureuse : les Jacksons enregistrent Destiny, on est en 1978, année de Saturday Night Fever et sur la bande démo de Shake Your Body (Down To The Ground) quelqu’un s’exclame : « quand les Bee Gees entendront cela ! »
« Don’t stop ’til you get enough »

Spike Lee narre un mouvement d’émancipation, Motown, la première apparition solo de Michael Jackson (il chante Ben aux Oscar, en mars 1973) à Off The Wall (1979), le départ de la Motown, de la Californie pour Philadelphie, puis la carrière solo, avec l’album Off the Wall, dont le film analyse les titres, les paroles, la portée aujourd’hui encore.
Et au-delà de la force musicale du documentaire, Spike Lee figure, à travers Michael Jackson, une pensée éminemment politique. La journaliste Dream Hampton la résume en une démonstration cinglante : Quand on parle de Miles Davis, de Basquiat ou de Michael Jackson, on attribue tout au « don », quelque chose d’inné et naturel ; comme s’il n’y avait pas chez eux de stratégie, de technique, de travail acharné et une vraie connaissance de l’histoire de leur art.
C’est ce que montre ce remarquable film, loin de la pop star à chimpanzé doré immortalisée par Jeff Koons : Michael Jackson est certes un génie mais aussi celui qui a travaillé toute sa vie pour, comme il l’écrivait dans une lettre du 6 novembre 1979, devenir « magique ». « Je veux créer un personnage, un nouveau look, je serai totalement différent ». Être une légende en somme, étymologiquement ce qui doit être (re)lu, comme le fait Spike Lee.

Michael Jackson, Naissance d’une légende, (Journey from Motown to Off The Wall), Documentaire de Spike Lee (États-Unis, 2015, 1h33mn) – Production : Optimum Productions — Arte, Dimanche 29 mai à 16h55 (rediffusion le samedi 25 juin à 22h 20) — un extrait vidéo ici