Space Boulettes, espèce odyssée : Craig Thompson

Craig Thompson, Space Boulettes © Casterman

Foisonnant, coloré, dense, luxuriant, les superlatifs ne manquent pas pour décrire le nouveau roman graphique de Craig Thompson, Space Boulettes (« Space Dumplins » en version originale). Treize ans après Blankets, cinq ans après Habibi, Craig Thompson est de retour avec un space opéra, conte pour enfants et relecture de Star Wars, Alien, Battlestar Galactica ou Lost in Space

Craig Thompson, 2O11 © Dominique Bry

Violette vit avec ses parents Céruléanne et Grenn, elle est styliste à Carapalace et vient de recevoir une promotion, lui est bûcheron de l’espace, du genre aventureux, bourru au grand cœur. Tout irait bien dans le meilleur des univers si des baleines de l’espace ne dévoraient pas tout sur leur passage, dont l’école de Violette, désormais en rupture de bancs. Contrainte d’accompagner sa mère sur son lieu de travail, Violette va rencontrer Eliott (un poulet lettré qui fait des rêves prémonitoires) et retrouver Zachée, dernier survivant − du moins le croit-il − de son espèce. La grande aventure commence quand refoulée de l’école de la station, Violette sera livrée à elle-même ou presque et partira à la recherche de son père porté disparu lors d’une énigmatique mission.

Craig Thompson, Space Boulettes © Casterman
Craig Thompson, Space Boulettes © Casterman

Humains, « craplebeurks », « roïdes », entités intersidérales, « lumpkins », l’espace de Craig Thompson est peuplé de créatures étranges et les règles de vie de la communauté cosmique plutôt contraignantes : la hiérarchie des espèces est omnipotente et les conditions de vie et les privilèges sont bien différents selon que l’on est citoyen ou non. Craig Thompson dépeint une galaxie où l’on ne naît pas libre et égaux en droits. Dans ce monde futur ou l’étron de baleine est une ressource cruciale (car utilisé comme source d’énergie), c’est une épidémie de gastro-entérite chez les baleinoptères qui va conduire Violette à vivre l’aventure de sa jeune vie.

Craig Thompson, Space Boulettes © Casterman
Craig Thompson, Space Boulettes © Casterman

Tout au long de Space Boulettes, Craig Thompson développe des thèmes universels (l’amitié, l’amour maternel et paternel, l’égalité entre les peuples – et les espèces – la condition « humaine » et les extractions – basses ou nobles – qui conditionnent niveau de vie, droit à l’éducation et avenir professionnel), et un sous-texte fin en commentaire de l’Amérique d’aujourd’hui. Pour preuve avec la question du système scolaire à plusieurs vitesses : des écoles en déshérence, des no man’s land éducatifs (ou la violence règne) aux écoles élitistes en passant par les académies plutôt militaires (avec une superbe critique du conservatisme renaissant aux USA).

Soulignons au passage l’excellent travail de traduction d’Isabelle Guillaume, Laetitia et Frédéric Vivien et la présence d’un cahier racontant la Space (Dumplins) odyssey, avec les notes de travails, les croquis et des explications quant aux jeux sur les mots et les références purement américaines.

Ni moraliste ni naïve, mais non dénuée de sens, l’aventure de Violette est humaniste. Le vivre ensemble est au cœur de cette fable graphique au dessin précis, inventif et superbement mis en couleur par Dave Stewart (9 fois lauréat du Prix Eisner pour son travail pour Dark Horse Comics, DC et Marvel). Un album qui ravira les plus jeunes et ravivera les souvenirs de quêtes intergalactiques des plus grands.

Craig Thompson, Space Boulettes, Casterman, 24 € 95 (33 € pour la version Deluxe)