Après des Souvenirs de l’Atome aussi surprenants que fascinants, Alexandre Clérisse et Thierry Smolderen livrent en ce tout début 2016 un album de haut vol, une histoire complète qui tient à la fois de la série noire et du roman d’apprentissage dans une ambiance graphique résolument sixties. Un été Diabolik, album littéraire, référentiel et novateur.
Alexandre Clérisse et Thierry Smolderen creusent avec L’été Diabolik un sillon créatif tissé de références littéraires, sous l’égide des fumetti d’Angela et Luciana Giussani et convoquent Fantomas et le Fantôme du Bengale, Pierre Souvestre et Marcel Allain, Lee Falk et Guy Peellaert.
Récit dense, L’été Diabolik empreinte les voies (voix ?) du thriller et donne corps à une introspection sentimentale (mais pas sentimentaliste) par une mise en abime subtile et maîtrisée.
Antoine ne le sait pas encore mais après cet été 67, plus rien ne sera comme avant. Alors qu’il coule des jours plutôt tranquilles dans une station balnéaire avec son père, entre parties de tennis et échappées à bicyclette, il est loin d’imaginer que le mystère avec un grand M va s’immiscer dans son quotidien estival feutré et protégé, bouleversant sa vie à jamais. Antoine n’a plus jamais revu son père depuis ce fameux soir de l’été 67, ni Erik, Joan, Michèle…
Vingt ans plus tard, alors qu’il a raconté son été dans un livre, le puzzle laissé inachevé et les questions sans réponses, Antoine va être enfin confronté à la vérité de son passé. Un passé qu’il n’a eu de cesse d’explorer en vain, une vérité qui resurgit et va prendre les formes de son amour de jeunesse.
Le coup (de théâtre) est rude : ce qu’il tenait pour acquis dans l’incertitude fait basculer son monde, celui sur lequel il s’est construit dans l’absence du père.
Les masques vont donc tomber : le passé qui n’a cessé de hanter Antoine refait surface, et une vérité inattendue voir le jour. Le catalyseur s’appelle Michèle, sorte de Deus ex machina croisé avec Cupidon, dans un procédé créatif à même d’éclairer et recomposer faits, souvenirs, doutes jamais éteints et certitudes enfouies.
Thierry Smolderen a construit L’été Diabolik comme une pulp novel mâtinée de roman intimiste, mêlant histoire d’amour adolescente, thriller, espionnage et histoires dans l’histoire. Ainsi, l’assassinat de Kennedy, les maîtres-espions soviétiques et occidentaux et les peurs nées de la seconde guerre mondiale s’invitent au cœur de l’action. Le jeune Antoine, bercé de lectures policières (et plus tard écrivain lui-même) voit son innocence mise à mal par les événements qui se déroulent autour de lui. Au dessin, Alexandre Clérisse a imprimé une tonalité pop, psychédélique, flamboyante, foisonnante de couleurs qui immerge le lecteur dans les années soixante. Les protagonistes, les éléments de décors et vestimentaires finement dessinés renvoient à l’iconographie hollywoodienne des films d’Alfred Hitchcock (la côte d’Azur de La main au collet) ou l’esthétique cliché de la saga Mad Men. La composition de l’album offrant en prime, son lot d’hommages à Chris Ware ou David Mazzucchelli.

Thierry Smolderen & Alexandre Clérisse, L’été Diabolik, 176 p. couleur, Dargaud, 21€
