Comme Jacques Dubois l’a souverainement défini dans un article paru sur Diacritik, le volume La Pléiade/Gallimard consacré aux romans et à la poésie de Jean Genet est une pépite éditoriale. D’une part, parce que Genet est Genet est Genet, un des astres les plus sidérants des Lettres françaises. D’autre part, parce que l’édition de ce volume établie, annotée, commentée par Emmanuelle Lambert et Gilles Philippe, avec l’aide d’Albert Dichy, nous donne à lire les originaux, les textes non expurgés.
Jean Genet
La Pléiade/Gallimard est un volume extraordinaire et ceci à quatre titres au moins. En premier lieu, il y a le fait d’un Genet incontournable, soit cet écrivain hors norme qui compose dans les marges de la littérature et alors qu’il a été et est encore un délinquant récidiviste.
Il est facile – et parfois utile – de lire l’ensemble des rapports de force sous un prisme unique.
Voici un excellent petit livre nous ramenant à un Genet décanté et venant bien après les grands ouvrages que donnèrent Jean-Paul Sartre, Albert Dichy et Edmund White à propos de l’écrivain. Ce « supplément » est le bienvenu tant il entretient avec une manière de légèreté scripturale le souvenir du paria de toujours et du héraut de la protestation violente. Tant également son écriture et sa composition sont accordées à une vie toute en fragments éclatés et en fuites soudaines.
Le même jour.
Le même jour est publié un sondage exposant que les Français souhaitent majoritairement des conditions de détention plus sévères pour les prisonniers, associées à moins de moyens pour les établissements pénitentiaires, et le gouvernement lance une opération musclée pour évacuer la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
Depuis quelques livres, Paul Auster infléchit son œuvre vers une dimension (auto)réflexive : on se souvient de son diptyque autobiographique, en 2013 et 2014, Chronique d’hiver, suivi d’Excursions dans la zone intérieure, pendant mental de ce miroir d’encre, non plus le sexe, les cicatrices, la chair pour tenir la chronique d’une vie mais ce qui, dans son enfance, l’a conduit à devenir lui-même, les expériences fondatrices. L’année dernière paraissait La Pipe d’Oppen, désormais disponible en poche chez Babel, un recueil d’essais, discours, préfaces et entretiens, quatorze textes qui forment un nouveau portrait oblique, en éventail, pour définir son propre art poétique à travers l’analyse de Perec (dans son rapport à Truffaut), André du Bouchet, Nathaniel Hawthorne, Jim Jarmusch et d’autres.
Hölderlin, le poète des poètes, nous enjoignait à « habiter poétiquement cette Terre ». Pourquoi le faudrait-il ? Qu’est-ce que cela signifie ? En quoi cette question est-elle d’actualité ? Que cela changerait-il si la proposition était effectivement mise en œuvre ?
L’oubli du fascisme. Des millions de morts juifs. L’oubli des millions de morts communistes, tziganes, homosexuels, fous. L’oubli de la mort comme politique. L’oubli des corps battus, brûlés, gazés, fusillés. L’oubli des corps torturés. L’oubli que Jean-Marie Le Pen a commencé sa carrière en éditant des chants nazis. L’oubli que les fondateurs du FN sont des nazis, des collaborateurs, des pétainistes, des négationnistes. L’oubli que les piliers historiques du FN sont toute l’extrême-droite française, les néofascistes et néonazis français et européens. L’oubli du racisme et de l’antisémitisme. L’oubli du fascisme comme politique actuelle. L’oubli que la politique du FN est une politique de mort.
Il n’y a aucune actualité brûlante autour de Jean Genet. Pas de date anniversaire, pas de nouvel ouvrage marquant qui lui soit consacré, pas d’exposition ou de rétrospective. Tant mieux. Qu’il demeure intempestif autant qu’intemporel, uchronique autant qu’inactuel. En lisière de l’écoulement.
Jean Genet écrit que la trahison est « la règle élémentaire qui dirigeait ma vie ». Trahir n’est pas un choix ou la traduction d’une âme mauvaise : c’est une règle de vie où ce qui est choisi est la vie qu’elle rend possible ; c’est le moyen positif d’une vie plus vivante puisque suivi pour que la vie soit autre chose que l’existence immédiate, donnée, soumise à d’autres règles mortifères.
Depuis quelques livres, Paul Auster infléchit son œuvre vers une dimension (auto)réflexive : on se souvient de son diptyque autobiographique, en 2013 et 2014, Chronique d’hiver, suivi d’Excursions dans la zone intérieure, pendant mental de ce miroir d’encre, non plus le sexe, les cicatrices, la chair pour tenir la chronique d’une vie mais ce qui, dans son enfance, l’a conduit à devenir lui-même, les expériences fondatrices. Cette année paraît La Pipe d’Oppen, recueil d’essais, discours, préfaces et entretiens, quatorze textes qui forment un nouveau portrait oblique, en éventail, pour définir son propre art poétique à travers l’analyse de Perec (dans son rapport à Truffaut), André du Bouchet, Nathaniel Hawthorne, Jim Jarmusch et d’autres.
« Daho !
M’avez-vous déjà vu quelque part ?
Rafraîchissez-moi donc la mémoire
Extasié devant une toile de Witsen
A Rome, Londres ou Rennes
Vous m’appeliez Étienne… » (Des Attractions Désastres)