À l’occasion de son passage à Paris, pour la sortie en France de son deuxième roman Parfois le silence est une prière, aux éditions Christian Bourgois, Billy O’Callaghan a bien voulu accorder une interview à Diacritik, au Centre Culturel Irlandais. L’entretien est à retrouver en vidéo (et en vo) ou en français dans une traduction de Carine Chichereau.
Ton roman, Parfois le silence est une prière, vient de paraître en français, publié par Jean Mattern chez Christian Bourgois, et comme le précédent, Les amants de Coney Island, j’ai eu l’honneur de le traduire. Pour résumer, Parfois le silence est une prière raconte l’histoire de trois personnages, appartenant à trois générations de la même famille, il est situé dans la région de Cork, et va de la Grande Famine (mi-XIXe) jusqu’aux années 1980. Dans ces deux romans, qui sont très différents, il y a au centre du livre un lourd secret. Dans Parfois le silence est une prière, on découvre vite ce secret : Jer, le narrateur de la première partie, est né hors mariage, comme sa sœur, or comme l’action se passe au XIXe siècle, ils sont tous les deux considérés comme « bâtards », ce qui a de terribles conséquences sur la vie de leur mère et la leur. Puisqu’il s’agit pour l’essentiel de l’histoire de ta famille, peux-tu nous dire comment tu as découvert ce secret très ancien, comment il a été vécu par ta « vraie » famille.
Sans doute que ce secret, je le tenais de ma mère. Elle était très proche de sa propre mère, Nellie dans le livre. Et Nellie était très proche de son père, Jer dans le livre. Je pense qu’elle partageait les secrets de son âme. Dès son très jeune âge, elle savait tout de lui, qui il était vraiment, et elle le vénérait. Ma mère avait la même proximité avec sa propre mère à elle, et celle-ci lui a raconté à son tour beaucoup de choses. Quand elle avait des choses terribles à raconter, des commérages, ma mère me confiait : « Je te le dis à toi seulement parce que tu es écrivain ». Nous étions très proches, nous n’avions rien à cacher. Donc, je connaissais ce secret depuis très très longtemps. J’ignore quand je l’ai appris, mais le mot qu’on utilisait alors c’était « enfant illégitime ».
Je me souviens d’une histoire que me racontait ma mère, et que Nellie, sa propre mère, lui avait racontée : quand celle-ci était enfant, un employé d’une compagnie d’assurance était venu chez eux. Jer avait été militaire, et il y avait des questions à régler, peut-être par rapport à une pension. Seulement cet homme voulait le certificat de naissance de Jer, et celui-ci n’a pas pu le lui montrer. Alors Nellie a vu la panique sur son visage, il était terriblement angoissé. Elle avait beau n’être qu’une enfant, elle a voulu le protéger, alors elle a dit : « Papa, mais est-ce que tes papiers n’ont pas tous été détruits pendant la guerre ? » Il y avait eu en effet de nombreux bombardements et tous les registres avaient été détruits. Alors Jer a répondu : « Oh, oui, tu as raison, je n’ai plus de certificat de naissance, il a été détruit. » Donc, depuis son enfance, Nelly était au courant pour son père. Et c’est ma mère qui m’a raconté cette histoire quand j’étais moi-même enfant, c’est donc une histoire qui a toujours été dans la famille.
J’aimerais savoir pourquoi tu as éprouvé le besoin d’écrire cette histoire.
C’est une bonne question. Si je suis devenu écrivain, en fait c’est à cause de cette histoire. Quand j’ai commencé à écrire, c’était cette histoire-là que je voulais écrire. Pendant longtemps, je n’étais pas assez bon pour le faire : il fallait être chevronné pour se lancer dans pareil récit histoire. Il y a sûrement plusieurs raisons pour lesquelles je voulais l’écrire. Il a beau y avoir toutes sortes de choses à raconter en Irlande, et il a beau y avoir beaucoup de grands écrivains, je n’ai hélas jamais eu le sentiment que ceux-ci écrivaient sur le monde que je connaissais, sur l’univers qui était le mien. En dépit de tout leur talent, ils sont passés à côté. On peut diviser l’Irlande historiquement entre les catholiques et les protestants, ou Dieu sait quoi encore, mais en réalité ce qui divise l’Irlande, ce sont les classes sociales, et au sein de cette division entre la classe moyenne et la classe ouvrière, il y a encore d’autres divisions, et j’avais l’impression que le monde qui était le mien, les gens que je connaissais n’étaient pas dans les livres : ce n’est pas avec les petites gens qu’on fait de la littérature, voilà pourquoi j’ai voulu écrire ce livre. L’autre raison, c’est que, pour moi, il n’y a pas de vies « trop petites », toutes les vies sont remarquables à leur manière, mais à moins de faire quelque chose de remarquable, on n’obtient pas ce type de reconnaissance. Il y a pourtant des choses remarquables dans toute vie et cela vaut la peine de les raconter, de reconnaître leur importance, et je suppose que j’ai voulu apporter cette reconnaissance à mes personnages.
Je comprends ce que tu veux dire. Et donc, puisque tes personnages sont tous inspirés des membres de ta famille, je voudrais savoir comment tu les as construits. Car par exemple, tu connaissais Nellie, c’est ta grand-mère. En revanche le cas de Jer, le père de Nellie, est très différent, car tu ne l’as jamais rencontré, et cela vaut plus encore pour Nancy, la mère de Jer, que bien sûr tu n’as pas connue. J’aimerais donc que tu m’expliques comment tu as construit tes personnages.
Nellie est mon point de départ, néanmoins ce n’est pas avec elle que débute l’histoire, et je n’ai pas commencé en travaillant sur elle. Jusqu’à l’âge de sept ans, j’ai vécu avec Nellie. Elle était encore jeune, elle n’avait qu’une soixantaine d’années, mais pour moi c’était la plus vieille femme du monde. Elle avait eu une vie difficile. J’étais son premier petit-fils et pendant un moment, j’étais le seul enfant de la maison. Mes parents avaient eu un autre fils en 1979, mais il est mort bébé, aussi j’ai occupé toute la place jusqu’à l’âge de six ans. Nellie disait parfois à ma mère : « Cet enfant est trop malade pour aller à l’école aujourd’hui, laisse-le rester à la maison, assis au coin du feu avec moi. » Donc elle me gardait auprès d’elle et me racontait des histoires. Ce fut mon éducation. Elle m’a inculqué l’amour des histoires. Elle me racontait toutes sortes de choses sur son père. Des choses qu’on ne doit pas raconter aux petits enfants. Par exemple cette histoire remarquable. Son père s’était engagé dans l’armée britannique car à l’époque l’Irlande faisait partie du Royaume-Uni, et il avait rejoint les Munsters Fusiliers, un bataillon du sud de l’Irlande. Avec eux il est parti faire la guerre des Boers, en Afrique du Sud. Après son retour, il s’est marié et il a fondé une famille. Puis quand la première Guerre Mondiale a été déclarée, il s’est engagé à nouveau. Il a été blessé à la bataille de la Somme et il est rentré chez lui. Mais heureusement ce n’était pas une blessure qui le handicapait et il a pu continuer à mener sa vie.
Et donc, alors que j’étais tout petit, Nellie m’a raconté l’histoire suivante comme son père la lui avait racontée, et cela a eu un effet terrible sur moi : lorsqu’ils ont quitté l’Afrique du Sud, les officiers étaient devenus très proches de leurs chevaux. Ils sont montés sur le bateau, mais les chevaux sont restés au port. Seulement, ils étaient si tristes qu’ils se sont jetés à l’eau et ont nagé pour rattraper le bateau, pendant au moins kilomètre et demi vers la haute mer. À un moment, ils ont commencé à fatiguer. Les officiers, voyant cela, ont sorti leurs pistolets et ils ont abattu leurs chevaux. Des larmes coulaient sur leurs visages. Quand on entend ce genre d’histoires à cinq ou six ans, on ne l’oublie pas – et il s’agit d’une parmi de nombreuses autres.
J’ai écrit une nouvelle qui a été publiée dans mon dernier recueil A Death in a Family. Elle est assez longue, presque une novella. C’est une histoire que ma grand-mère m’avait racontée sur les circonstances de la mort de son frère. Elle avait donc un petit frère, Jimmy, qui a fait une chute mortelle : il était en effet monté sur le dos d’une chèvre pour cueillir du lierre afin de nourrir le troupeau. Malheureusement, la chèvre a bougé, il est tombé et il s’est rompu les os. Il est mort lentement, dans la nuit. Voilà encore une histoire pas vraiment adaptée à un enfant, mais j’ai toujours eu envie de l’écrire. J’ai essayé à plusieurs reprises et je n’y arrivais jamais. Et puis enfin, je suis parvenu à faire quelque chose qui me satisfaisait. Et soudain, après avoir réussi à coucher cette histoire sur le papier, ce livre s’est ouvert tout entier à moi. C’était incroyable. Tout le matériau était là, je n’avais plus qu’à écrire.
J’ai l’impression de très bien connaître Jer à cause de toutes les histoires que j’ai entendues sur lui. C’est comme s’il avait marqué nos vies de son empreinte, même s’il était mort bien longtemps avant ma naissance. Sa mère avait toujours vécu avec lui, jusqu’à la fin de sa vie. De la même manière que ma grand-mère adorait son père, lui adorait sa mère. Cela m’a en quelque sorte servi de fondations. Je savais que toute cette histoire devait être fondée sur l’amour. C’était le plus important. Cela donnait du sens à tout le reste, et expliquait comment les gens avaient réussi à survivre. Alors oui, j’ai fait beaucoup de recherches pour reconstituer l’histoire de mes ancêtres, savoir qui ils étaient. Ma sœur a découvert le certificat de baptême de Jer à l’asile des pauvres[1] qui se trouve à moins de deux kilomètres de là où j’habite et qui a été transformé en hôpital il y a plus d’un siècle.
C’est à moins de deux kilomètres de là où tu habites, c’est tout près !
Oui, et en plus c’est là que ma sœur est née, sans qu’on sache à l’époque pour Jer. Il y a quelques années, alors que nous avions épuisé toutes les pistes administratives, ma sœur a découvert qu’on avait enregistré sur microfilms tous les registres de l’asile des pauvres. Alors on a commencé à tout passer en revue et on a trouvé le certificat de naissance de Jer, et celui de sa sœur. C’est ainsi qu’on a découvert le nom de leur père. Je ne sais pas si ma grand-mère connaissait son nom, mais Jer, oui. Il portait le nom de famille de sa mère, Martin. Quand il s’est marié, il a dû remplir le registre des mariages et il a noté que sa mère était veuve et que son père s’appelait Michael Martin : il savait donc qu’il s’appelait Michael, même s’il n’a pas écrit Egan. Ensuite on a trouvé d’autres indices du même ordre. Mais sur les certificats de naissance, Michael Egan était inscrit comme étant le père des deux enfants. Quant à Nancy, sur le certificat de naissance de Jer mais pas sur celui de sa sœur, il était mentionné qu’elle exerçait l’activité de prostituée. Ça a été un vrai tremblement de terre quand j’ai découvert ça. Après, il m’a fallu du temps pour me faire à cette idée. Je suis allé voir ma mère : elle se souvenait avoir entendu sa propre mère raconter qu’autrefois, de vieilles femmes faisaient des insinuations en ce sens, donc, la chose était connue, ce n’était pas un secret – nous sommes dans un petit village et les rumeurs allaient bon train.
À partir de là, ma sœur et son compagnon, qui savent se servir bien mieux que moi d’un ordinateur, ont essayé de retrouver les documents dont nous avions besoin, pour savoir entre autre d’où venait Nancy. Nous avons découvert qu’elle était originaire de Cape Clear, une petite île dans l’ouest de la région de Cork. Toute cette région avait été très fortement touchée par la famine. Il y avait eu des fosses communes là-bas. En fait, soit on mourait, soit on émigrait. Il m’a fallu beaucoup de temps pour mettre tous ces faits bout à bout. Ils ont longtemps flotté dans mon esprit avant que je réussisse à les assembler. La maison dans laquelle j’ai grandi est la même où est morte Nellie ; juste en face, se trouvait la maison où elle était née, et où Jer avait grandi. Nancy était morte dans cette maison, Jer aussi, et la sœur de ma grand-mère y vivait encore quand j’étais enfant, elle était veuve elle aussi, voilà pourquoi cette histoire était constamment avec moi, je n’en étais jamais éloigné
As-tu trouvé plus difficile d’écrire sur quelqu’un que tu connaissais bien comme Nellie, ou à propos de Nancy, car là tu as dû inventer son personnage puisque tu ne la connaissais pas ?
L’histoire de Nancy a été la partie la plus difficile à écrire. Tu sais, il m’arrive encore de rêver de Nellie. Parfois je m’éveille d’un rêve et je m’attends presque à la voir : tout me paraît si clair. Ray Bradbury, qui a écrit Fahrenheit 451, a dit un jour qu’un écrivain tire toute sa connaissance du monde avant l’âge de sept ans parce qu’alors, pour ses sens, tout est nouveau : c’est là que nos expériences sont les plus vibrantes. Cela ne comprend pas tout bien sûr, mais quand même beaucoup de choses. Cette partie de mon enfance reste très vive dans ma mémoire. Je ferme les yeux et je vois Nellie. Je vois la manière dont elle bougeait, sa façon de se tenir, de sourire. Quant à Jer, nous avons des photos de lui en uniforme et quand il était vieux, donc j’avais une image très précise de lui. Mais je n’ai que deux photos de mon arrière-arrière-grand-mère, Nancy. L’une est une sorte de passeport. Dans le livre elle s’apprête à partir en Angleterre pour s’occuper des enfants de sa fille qui vient de mourir : elle avait dû se faire faire un passeport avec une petite photo. Elle paraît si vieille sur la photo, elle ne pouvait pas l’être pourtant. Et puis elle a signé d’une croix : elle ne savait ni lire ni écrire. Jer, lui, savait parfaitement lire et écrire. Des gens aisés de la région venaient le voir pour lui demander de rédiger des lettres pour eux. Peut-être avait-il appris à l’armée, je ne sais pas très bien. Mais pour Nancy, quand on sait qu’une personne ne sait ni lire ni écrire, on commence à comprendre combien sa vie a pu être limitée dans certains domaines, et donc il a été difficile pour moi d’écrire là-dessus parce qu’il m’a fallu tout construire. Je me suis approché d’elle le plus près possible, en conservant les faits, pour la faire apparaître ainsi entre ces pages.
Quand j’ai commencé la traduction, tu m’as dit que les trois narrateurs n’ont pas vraiment une voix individuelle dans le livre, mais qu’il s’agit de la voix de la lignée familiale. Peux-tu m’expliquer ce qu’est la voix de la lignée et pourquoi tu as fait ce choix ?
Dans ce genre de récit, les personnages comme ceux que j’ai voulu construire n’auraient pas été capables de verbaliser leur propre histoire, ils n’auraient pas eu les outils nécessaires. En anglais le titre de mon livre est Life Sentences, ce qui signifie qu’on est condamné par déterminisme à la vie qu’on a, et dans leur cas ils avaient très peu de chance d’échapper à leur destin, de génération en génération. C’étaient des gens qui n’avaient pas d’instruction, ils n’ont jamais eu la possibilité de se sortir… je n’ai pas envie de dire du « ruisseau », pourtant c’était bien ça, surtout pour Nancy. En même temps, je ne voulais minimiser les choses en aucune manière. Je voulais écrire un livre qui montrerait tous les sentiments des parents. Et je voulais retranscrire toutes les choses qui se répétaient d’une existence à l’autre, tous les cercles vicieux, car la pauvreté est un cercle vicieux, il est difficile d’y échapper. J’ai compris que j’avais besoin que cette histoire exprime la voix du cœur, c’est elle qui raconte cette histoire, car c’est une histoire de ressenti, une histoire de sentiments. J’aurais pu écrire ce livre plus tôt mais je n’avais pas le talent nécessaire pour ça. Ce dont j’avais besoin, comme toujours quand j’écris un livre, c’était de trouver une voix. En général, j’ai l’idée, j’ai les personnages, j’ai l’histoire avant de commencer à écrire, mais j’ai besoin d’attendre jusqu’à avoir trouvé la voix authentique pour raconter l’histoire et pour les personnages.
J’ai évoqué cette nouvelle publiée dans mon dernier recueil, A Death in a Family. Je l’ai écrite avec la voix de Nellie, enfin pas tout à fait. Mais dans ce roman je ne voulais pas utiliser la voix de Nellie qui était trop limitée, je voulais une voix plus vaste, la voix qui est en chacun de nous, qui ne trouve pas toujours à s’exprimer. On ressent tous la même chose dans ce qui est instinctif, voilà la voix que je voulais trouver. Après avoir écrit cette nouvelle, « A Death in a Family », le livre tout entier s’est ouvert en moi parce que je savais que je devrais l’écrire à la première personne, puis j’ai compris que je devrais utiliser trois narrateur.rices différent.es avec trois points de vue. Il devait y avoir des différences subtiles entre les trois, mais il devait aussi y avoir un fond commun, et je pense que cela se poursuit, c’est comme une mémoire génétique. Peut-être est-ce parce que je connais si bien l’histoire et les lieux que je vois presque leurs vies : je vois Nancy debout près de la porte du jardin, il m’est très facile de tout visualiser. Je me demande ce qui est gravé tout au fond de nous, dans l’ADN que l’on se transmet entre générations. Autre chose, Nancy était une véritable conteuse. Elle ne savait ni lire ni écrire mais elle était connue pour savoir raconter les histoires. Ma grand-mère me l’a transmis à son tour.
Oui, ça c’est évident.
Ça vient de quelque part, tu sais.
Absolument. Je t’ai entendu dire dans une interview que tu lisais de la poésie tous les jours mais que tu n’en écrivais pas. Je ne suis pas du tout d’accord ! Ce qui me frappe dans ton roman, c’est l’écriture. Elle est magnifique ! Et je t’ai aussi entendu lire un extrait du livre, et pour moi, ça sonnait vraiment comme de la poésie car le rythme est si important ! Donc, ne penses-tu pas que ta prose est remplie de poésie ?
Oui, c’est vrai. Je me souviens d’avoir discuté de ça avec John Banville. Il m’a dit qu’il en avait parlé un jour avec John McGahern, et celui-ci lui a dit : « Il y a plus de poésie dans la prose d’aujourd’hui que dans la poésie ». Je ne sais pas si c’est juste, mais il est vrai que je lis de la poésie tous les jours. Quand j’écris, et surtout quand je retravaille mes textes, j’essaie vraiment de faire chanter les phrases. Je me lève et je vais prendre un livre de Seamus Heaney ou Patrick Kavanagh, peu importe, je lis quelques vers, et c’est comme si je plaçais la barre à une certaine hauteur, cela me sert de mètre-étalon pour ne pas que je tombe dans la facilité, cela m’oblige à faire en sorte que chaque phrase soit la meilleure possible. J’écris très lentement. Les gens sont toujours stupéfaits quand je leur dis ça parce qu’on dirait que je publie sans cesse, mais en fait c’est parce que j’écris plusieurs livres en même temps, je travaille sur l’un, puis sur l’autre, j’écris une nouvelle, mais les choses ont tendance à tomber toutes en même temps, et c’est pour ça que ces dernières années, j’ai publié plusieurs livres. En réalité, je passe beaucoup de temps à polir les phrases pour les améliorer.
Je vois parfaitement ce que tu veux dire.
Tout cela demande du travail.
Billy O’Callaghan, Parfois le silence est une prière, traduit de l’anglais (Irlande) par Carine Chichereau, éditions Christian Bourgois, mai 2023, 288 p., 20 €
* « asile des pauvres », ou « workhouse » : il s’agit d’établissements qui existaient à travers tout le Royaume-Uni jusqu’au début du XXe siècle, où l’on « emprisonnait » les indigents. Les conditions de vie y étaient épouvantables, et les violences de tout ordre extrêmement nombreuses.