Véronique Bergen : « On peut bander pour un quartier » (Marolles. La Cour des chats)

Essai sur le quartier des Marolles, à Bruxelles, le livre de Véronique Bergen est aussi une réflexion politique sur l’urbanisme, une réflexion esthétique sur les conditions de vie, un parti-pris pour des modes de vie alternatifs, créatifs, résistants. Retraçant l’histoire et les engagements de ce quartier, dessinant ses caractéristiques sociales et culturelles, Véronique Bergen écrit également, en filigranes, les lignes d’une poétique qui serait la sienne, comme elle écrit les contours d’un monde désirable qui n’a rien à voir avec le monde promu et mis en place par le néolibéralisme actuel inséparable d’un laminage des corps, des esprits, des dissidences, des rêveurs d’autres mondes. Entretien avec Véronique Bergen.

Ton livre est consacré au quartier bruxellois des Marolles qui te passionne. Tu l’as découvert lorsque tu étais enfant, tu y as habité. Comment s’est tissé et a évolué ton rapport à ce quartier au fil des ans ?

Enfant, j’étais fascinée par ce quartier que je sentais obscurément vibrer d’un autre régime de vivre. Un phénomène d’aimantation intense me lia d’emblée à lui. Sans doute percevais-je de façon intuitive, confuse aussi, que ce lieu populaire, son marché aux puces, ses vieilles maisons à pignon, ses ruelles étroites, en pente, ses habitants signaient en acte un manifeste de liberté, d’anticonformisme. Enfant, j’étais déjà très sensible aux signes sécrétés par l’environnement urbain, architectural, attirée par la magie des lieux habités, effarée par les quartiers quadrillés, tracés au cordeau, aseptisés, où les habitants me semblaient traîner une existence de morts-vivants. Sans le théoriser, je captais le lien entre quadrillage de l’espace de vie et quadrillage des esprits, sentant dans ma chair les menaces que le premier fait peser sur nos libertés. Bien plus tard, j’ai habité vingt-six ans dans ce quartier qui m’avait choisie, adoptée, pour lequel j’ai toujours un coup de foudre qui ne se démentira jamais.

Le rapport que j’entretiens avec l’espace des Marolles, avec un autre quartier à Watermael-Boitsfort en bordure de la forêt de Soignes, est de l’ordre d’un lien amoureux, d’une passion radicale, flamboyante, fusionnelle. L’amour qu’on porte à des lieux urbains (ou forestiers, campagnards…) engendre colères, déceptions, tristesse lorsque leur tissu architectural, poétique, social est défiguré, mis à mal, lorsque l’on assiste à des destructions patrimoniales, à un phénomène de gentrification, d’éviction des populations plus précaires, d’artistes, de marginaux au profit de néo-bobos qui, très éloignés de l’esprit libertaire du quartier, menacent de le dé-marolliser, de l’embourgeoiser.

Le quartier des Marolles est ancien puisque sa fondation, en tout cas son esquisse, renvoie au XIIIe siècle. A travers le temps, et en un sens dès le début, ce quartier concentre des mouvements de contestation, d’opposition, et c’est aussi en cela qu’il t’intéresse. Quelles formes de contestation politique te semblent liées à ce quartier et en quoi seraient-elles intéressantes pour penser la possibilité de contestations politiques aujourd’hui ?

Depuis ses origines, ce quartier a été le fer-de-lance de contestations, de luttes en faveur de revendications sociales, de droits civiques et politiques. Parmi tous les quartiers composant les communes de Bruxelles, il se singularise par un humus insurrectionnel, il est traversé par une longue histoire de luttes, souvent victorieuses, parfois défaites. Présent depuis le Moyen Âge, son côté « David contre Goliath » se marque par une résistance active, farouche, des déshérités, de populations précaires, à toutes les entreprises d’aseptisation du quartier. C’est ce que j’appelle son situationnisme sauvage, lequel s’est traduit et se traduit toujours par l’invention de pratiques de soulèvements qui ont émaillé les siècles. Les archives font état de soulèvements de tisserands, de drapiers, au début du XIVe siècle, de nombreuses insurrections afin de revendiquer une participation à la gestion de la Ville ; les émeutes en vue de l’obtention de droits fondamentaux furent souvent violemment réprimées. Lorsque la Révolution belge éclate en 1830, de nombreux Marolliens jouent un rôle historique dans les luttes pour l’indépendance. Le milieu anarchiste est fortement implanté dans les Marolles, certains estaminets deviennent des lieux de réunion d’ouvriers militant pour le suffrage universel. Je ne vais pas énumérer les nombreux combats aux XIXe, XXe et XXIe siècles contre les destructions des maisons jugées insalubres, contre l’éviction des habitants, contre la construction du palais de Justice, contre le projet de parking sous la place du Jeu de balle qui accueille le marché aux puces, contre la promotion immobilière effrénée.

La singularité des formes de contestation (luttes spontanées, collectifs inventant des pratiques de mobilisation inédites, des dispositifs de luttes : je pense au Carnaval Sauvage, frères des carnavals alternatifs qui ont surgi dans d’autres villes européennes, etc.) montre une vitalité, un esprit de « zwanze » (d’autodérision), une indiscipline efficace qui ne se laissent pas récupérer par les manœuvres du pouvoir. Une des devises des Marolles (active aussi longtemps que les êtres qui la peuplent partagent cette soif d’une vie « autre », dans un microcosme régi par d’autres valeurs, assis sur une politique de l’hospitalité, de l’entraide) est « qui s’y frotte s’y pique ». Sans appareillage théorique, avec la mémoire de l’héritage des luttes passées, sur le fil d’une méfiance viscérale envers le pouvoir et les compromis, les récupérations, les Marolles, les Marolliens, certains du moins, fabriquent du politique, fabriquent un autre monde, donnent du fil à retordre aux projets de la Ville, régionaux ou étatiques qui entendent introduire de la norme dans un espace « anomal ».

En même temps qu’il est contestataire, ce quartier est aussi emblématique, pour toi, d’un art de vivre, d’une certaine façon de vivre dans la ville mais aussi entre individus, entre groupes. Qu’est-ce qui te paraît caractériser cet art de vivre, la culture de ce quartier, et en quoi celle-ci serait-elle précieuse pour penser des modes de vie possibles aujourd’hui, puisque ton livre est aussi une réflexion sur ces questions ?

 

Certains habitants, certains commerçants, des établissements, des théâtres, des librairies engagées, des galeries, des espaces culturels, des associations sociales, sans oublier le cœur des Marolles, à savoir le marché aux puces autour duquel se forme aussi une économie parallèle, génèrent un art de vivre, une dynamique d’existence rendue possible par un tressage de divers facteurs. La vie associative, la politique de l’hospitalité, le brassage multiculturel, la présence d’artistes, de marginaux, la diversité sociologique et culturelle des habitants, la tour de Babel des langues qu’on y parle sont autant d’éléments qui concourent à la persistance d’un esprit frondeur, de solidarité, d’un espace de contre-pouvoir rétif à toute javellisation des existences. Les Marolles ne donnent aucun exemple à suivre, qui pourrait s’exporter ailleurs, mais, comme tu le décris très justement, leur existence témoigne de la possibilité de mettre en œuvre des modes de vie et de pensée alternatifs.

Ton livre est axé sur l’urbanisme et ses différentes dimensions : économiques, politiques, sociales, esthétiques, environnementales, psychiques. Tu fais un lien entre l’environnement urbain et le psychisme, les façons de penser mais aussi de sentir, de percevoir, tu insistes sur ce lien entre l’environnement urbain et les façons de penser à la fois impliquées et produites par celui-ci. Par exemple, tu évoques le fait que les centres urbains actuels, dédiés aux commerces, transforment mentalement les individus en consommateurs passifs, en subjectivités néolibérales vouées à la marchandise, à la consommation normée comprise comme mode de vie. « En agissant sur l’urbanisme, il s’agit d’influer sur les mentalités », écris-tu. Comment conçois-tu le rapport entre milieu urbain et psychisme dans le cas du quartier des Marolles ?

Mon essai interroge les dimensions économiques, politiques, psychiques, etc., de l’urbanisation, de l’aménagement du territoire, la manière dont les pouvoirs publics en place, avec le concours du privé, imposent une ville qui orientera, formatera, embrigadera les mentalités. Qui veut gérer les esprits, discipliner les corps, gère le visage de la ville. La composante « village » des Marolles implique un vivre-ensemble qui ne se laisse pas avaler dans la planification de villes impersonnelles, inhospitalières, des mégapoles où, entre les gens, règne ce que Sartre appelle la sérialité. Bien que, davantage que tout autre quartier bruxellois, les Marolles aient été éventrées, soumises à un désastre urbanistique et social, victime du phénomène nommé bruxellisation, elles ont conservé le « génie des lieux », leur âme, leur beauté, leur charme. Comme je l’écris, je perçois le corps des Marolles comme celui d’un grand blessé mais surtout d’un grand vivant. L’urbanisation nomade, irrégulière, fantasque des Marolles, leur espace lisse et non strié, pour reprendre les termes de Gilles Deleuze et Félix Guattari, sont au diapason d’un nomadisme mental, existentiel. Avant qu’on ne les démolisse quasi tous, les impasses, les culs-de-sac formaient un lacis de lignes de fuite échappant au quadrillage administratif, permettant de s’enfuir lors d’émeutes, d’abriter des clandestins.

Le devenir haussmannien de Paris et son équivalent bruxellois (voûtement de la rivière nommée la Senne, destruction de quartiers populaires entiers, chasse aux pauvres, érection de larges boulevards, expropriations, remplacement des démunis, des marginaux, par une population bourgeoise plus aisée…) entendent éventrer le corps de la ville afin de le discipliner, de lui faire subir un lifting administratif et économique. L’enjeu est explicitement politique. Démolir, faire saigner les Marolles, expulser les habitants, c’est imposer l’ordre, dominer le chaos, tenter de faire rendre l’âme à l’anarchie, de couler les esprits libres et réfractaires dans le moule imposé. L’esthétique de la ligne droite, les tracés urbanistiques rectilignes sont inséparables d’une politique d’ordre et de contrôle. A la rationalisation rectiligne de l’espace urbain, les Marolles opposent des tracés fantaisistes, des rues courbes, des maisons anciennes aux pierres irrégulières. Mon essai convoque aussi des témoignages de Marolliens, comme celui du musicien David Marolito, évoque le journal militant Le Pavé dans les Marolles créé par Gwen Breës et d’autres habitants.

Ce quartier des Marolles est pour toi, dans ce livre, à la fois le catalyseur et le signe de ce qui se passe politiquement aujourd’hui – politiquement, économiquement, culturellement, etc. En ce sens, ton livre est politique, un livre d’analyse politique mais aussi de désir politique. La gentrification, la marchandisation de l’habitat comme celle des vies, la désincarnation, si l’on peut dire, des politiques architecturales et urbaines ne sont pas sans rapport avec un mouvement politique de normalisation, de suppression du désordre, de quadrillage des espaces, d’exclusion, de suppression de l’histoire, etc. À ces tendances, tu recherches dans le quartier des Marolles ce qui s’y oppose : la mixité, le mélange, le désordre, la marginalité, la désobéissance, l’individu, l’imprévisible, l’invention, etc. Est-ce que tout ceci correspond pour toi à un idéal de vie, un mode de vie désirable et politiquement pertinent ?

 

Ce qui se passe dans les Marolles, dans d’autres quartiers dits populaires de Liège, de Marseille, de Barcelone, de bien d’autres villes européennes dont le centre devient une zone vidée de ses habitants, un Disneyland mort au service de l’événementiel, du tourisme et des Airbnb, est le symptôme inquiétant d’un modelage normatif de nos lieux de vie, lequel modelage passe par la suppression des espaces harets, des friches, des lieux non rentables. Le climat politique, social, la liberté de modes de vie alternatifs, la mixité des cultures, la beauté des vieilles demeures chargées d’histoire, les personnalités originales que seul un quartier comme les Marolles accueille, les toxicomanes, les rêveurs, les êtres à la dérive, les chats, la poésie d’un quartier marqué par la tolérance envers les différences, correspondent clairement à mon idéal de vie, à mon désir politique et à une politique collective du désir. Bien que j’aie quitté les Marolles, ayant dû déménager, il m’est impossible de vivre dans des lieux où ce cocktail libertaire est absent.  Dans Journal du voleur, Jean Genet écrit : « Avec un soin maniaque, « un soin jaloux », je préparai mon aventure comme on dispose une couche, une chambre pour l’amour : j’ai bandé pour le crime. » On peut bander pour un quartier.

Une question qui finalement se pose à la lecture du livre : pour toi, que signifie « habiter » ? Est-ce que cette signification pourrait s’étendre, par-delà le fait d’habiter dans telle ville, à tel endroit, à la question d’habiter la Terre ?

Habiter signifie pour moi co-exister, co-habiter avec un espace multifibré : l’espace intérieur de la demeure dans lequel on vit, l’espace du quartier, plus largement la Terre, l’espace psychique aussi, ou celui formé par les relations avec les autres, avec le dehors, la lumière, les arbres, les formes de vie animale et végétale. La question : « Que faisons-nous de nos quartiers ? Que laissons-nous faire ? » est inséparable de la question : « Qu’avons-nous fait de la Terre, que faisons-nous d’elle ? Quelle Terre léguons-nous aux générations futures, générations humaines et populations non-humaines ? »

Notre époque célèbre et loue la transparence (slogan politique hypocrite et idéal architectural qui sert les intérêts d’une société panoptique). C’est l’anti-transparence que j’affectionne dans les Marolles, leur cocon de pierres brutes, non policées, irrégulières, leur aspect protecteur de fortification, leurs chants de sécession, les replis dans des ruelles étroites, au plus loin des grandes architectures de verre qui extériorisent et vomissent l’intérieur, dont les entrailles et les tripes sont visibles. J’aime les vibrations de la clandestinité, la relative invisibilité des cours intérieures comme celle au fond de laquelle j’ai vécu. Habiter, c’est aussi pour moi échapper, tant que faire se peut, à ce qui me dicte une façon de résider.

Un aspect du quartier qui te retient est la langue, le mélange des langues qu’il a pu abriter et favoriser mais aussi la langue spécifique du quartier que tu opposes à la novlangue du néomanagement néolibéral actuel. Cette langue des Marolles est une langue populaire, anomale, constituée à partir du mélange d’autres langues. Il me semble que l’on peut aussi lire ton livre comme une réflexion sur la langue, sur le rapport de la langue au pouvoir, comme un parti-pris qui concerne l’écriture littéraire, en tout cas ton écriture, ta représentation et ta pratique de l’écriture. Est-ce que l’on peut trouver dans ce livre l’esquisse d’une poétique qui serait celle de Véronique Bergen, ou en tout cas de éléments qui indiqueraient ce qu’est l’écriture que tu déploies de livre en livre ? Si oui, est-ce que dans la recherche d’écriture qui est la tienne, ton rapport aux Marolles a effectivement compté ?

Je te remercie pour l’amplitude et la fécondité de ta question. La question de la langue, de la « langue mineure », anomale, déterritorisalisant la langue officielle, d’un idiome qui révolutionne, fracasse le bon usage, le bien dire et la police de la langue est au cœur de mon propos, même s’il percole de façon souterraine. Peut-être, en effet, as-tu mis le doigt sur un filon : l’ode que j’adresse à la langue, dite dialectale, le « brusseleer », le bruxellois, à ses puissances sauvages, la défense de son inventivité, de sa bigarrure, de son hybridité qui reflètent une vision du monde, un imaginaire, une manière de se rapporter aux choses, esquissent sans doute les contours de ma poétique, de ce que je tente de déployer dans mes livres, dans mon écriture littéraire. J’insiste aussi sur le fait que, si je connais nombre de ses tournures, je ne pratique pas le « brusseleer », je suis étrangère à son humus, sa culture. Mélange de flamand, de français, de wallon, le « brusseleer » est pimenté par d’autres alluvions venant de l’espagnol, du yiddish.  De moins en moins pratiqué, il est, comme tant d’autres langues parlées par un petit nombre de locuteurs, menacé de disparition. Comme je le décris souvent, à l’ère de l’Anthropocène, l’effondrement de la cathédrale du vivant, de la biodiversité végétale, animale, va de pair avec une dévastation de la biodiversité linguistique. En revanche, mon rapport aux Marolles, au bruxellois n’a pas influencé mes expérimentations langagières, mon appétence pour générer une autre langue dans la langue, n’a pas irrigué ma passion pour le style comme modalité de vivification de la langue.

Le 3 février, va paraître un livre que tu as consacré à Marianne Faithfull. Tu as déjà publié un livre sur Patti Smith, et c’est dans la même collection Discogonie, aux éditions Densité, que paraîtra ton essai sur Faithfull. Qu’est-ce qui t’intéresse chez Marianne Faithfull, dans sa vie et dans son art ?

Broken English est un disque qui m’a séismée des années et qui continue à me renverser, un album que je me suis infusé jusqu’à l’overdose. J’ai vécu en lui quasiment une année entière, je puis dire qu’il fut mon oxygène, un breuvage au diapason de ce que je vivais, de ce que j’expérimentais. Chef-d’œuvre absolu, il rompt d’une part avec l’esthétique antérieure, avec les airs folk, country, la voix lisse de Marianne Faithfull, et, d’autre part, comme ce fut le cas notamment avec Horses de Patti Smith, il électrocute le monde du rock, libère un ovni musical, mélange de punk, de new wave dark, d’electro dance, porté par le personnage unique qu’est la voix de Marianne Faithfull. Une voix plus rauque, habitée par les années de défonce qu’elle a traversées. Une voix qui me dévisse car elle porte en elle la trace d’un voyage au bout de la nuit.

Immense artiste, Marianne Faithfull a aussi interprété le répertoire de Kurt Weill, joué dans des films comme La Motocyclette avec Alain Delon, Hamlet, Lucifer Rising de Kenneth Anger, plus tard Intimité, Marie-Antoinette, Irina Palm, incarné bien des héroïnes au théâtre, collaboré entre autres avec Roger Waters, Nick Cave, Angelo Badalamenti ou encore, Étienne Daho : dans la chanson, Les Liens d’Éros, elle lit un extrait de La Vénus à la fourrure de son aïeul Léopold Sacher-Masoch. Dans Broken English, sorti en 1979, elle a transmué sa quête, sa traversée des gouffres dans huit plages sidérantes qui ont ceci de très particulier : elles ont été arrachées au royaume de la came, de la perdition mais, du fond de leur être résurrectionnel, elles demeurent au plus près du chaos, au cœur du brasier des sens. Comme je le développe dans mon essai, cet album qui danse sur des gouffres, qui voltige au-dessus d’un volcan (lequel volcan aurait fasciné Malcolm Lowry, autre adepte de la descente dans le vortex des paradis artificiels, de l’alcool) saisit le Zeitgeist, l’esprit de la fin des années 1970, après l’effervescence des Swinging Sixties, et véhicule ce que l’écrivain Jean Paul appelle la Weltschmerz, la douleur d’être au monde. Je suis très sensible à l’esthétique de la décadence qu’elle développe dans ses mémoires, à l’importance de la littérature, de la poésie (Shakespeare, Dante, Keats, Lord Byron…) dans son œuvre. J’analyse aussi dans mon opus le single Sister Morphine, composé par Mick Jagger et Keith Richards, sur les paroles de Marianne Faithfull, une chanson qui est taillée dans la même veine narcotique et crépusculaire que Broken English.

Véronique Bergen, Marolles; La Cour des chats, CFC-Editions, novembre 2022, 192 p., 18 €
Véronique Bergen, Marianne Faithfull. Broken English, en librairie le 3 février 2023, éditions Densité, 128 p., 12 €