Une bande son rock et une écriture décalée suffisent-elle à faire une bonne série ? Telle est la question qui peut se poser en découvrant SAS Rogue Heroes, série signée Steven Knight, connu et célébré pour avoir créé Peaky Blinders, empruntant avec succès les mêmes codes narratifs. (Un indice : la réponse est oui).
Si Rogue Heroes s’ouvre sur un air de déjà vu (voire de déjà entendu avec cette partition tout en fifres et en cuivres digne du Pont de la rivière Kwaï), il faut attendre la fin de la séquence pré-générique pour comprendre qu’on est plus près des Têtes Brûlées que de Band of Brothers. Reconstituant la fondation du SAS par des sans grades ou presque au désespoir de devoir sans cesse reculer tandis que l’Afrikakorps de Rommel fond sur la Libye et menace de bouter l’Anglais à la mer, Rogue Heroes commence en mai 1941 quelque part en Égypte puis au Caire et à Tobrouk où les lieutenants Stirling, Mayne et Lewes rongent leur frein face à l’avancée des troupes allemandes et à l’inertie du commandement britannique. Supportant difficilement les bombardements autant que l’inaction, Stirling et Lewes ont l’idée insensée de créer un détachement d’un nouveau genre, constitué de soldats d’élite et s’affranchissant des règles militaires ordinaires.
Si Tobrouk tombe, Suez sera perdu. Si Suez est perdu, L’Afrique sera perdue. Si l’Afrique est perdue, la guerre sera perdue.
Blessé lors d’une tentative de parachutage en plein désert, Stirling croit pourtant dur comme fer à son idée de créer une unité de combattants au sein de laquelle la hiérarchie serait réduite à son strict minimum et dont la vocation serait d’être transporté derrière les lignes ennemies pour des actions de guérilla visant à couper la route de l’approvisionnement des troupes allemandes (avions, camions, munitions). Une idée que les généraux du GHQ ont déjà eue… en théorie.
Pour citer Winston Churchill, le monde anglophone traverse une vallée de larmes et de deuil.
Comme le souligne le pitch de Rogue Heroes, « inspirés d’une histoire vraie, les événements décrits, qui semblent invraisemblables… sont pour la plupart vrais ». Ce qui était un fait historique devient sous la plume de Steven Knight (d’après le livre de de Ben Macintyre) un TV show qui oscille entre volonté de se laisser porter par l’incroyable (mais vraie) aventure des créateurs du Special Air Service et volonté d’insuffler toujours plus d’invraisemblances dans une histoire qui en compte déjà beaucoup. À grand renfort de morceaux de hard rock (AC/DC, Judas Priest, Black Sabbath,…), de New Wave (The Cure, Killing Joke) et de punk (The Clash, Les Sales Majestés…), Rogue Heroes est une promesse de mini-série d’action, avec actes de bravoure, héros, déconvenues et déceptions (en espion dans le texte) qui flirte parfois avec la comédie avant de revenir au réalisme et à la brutalité de la guerre.
Comme dirait un simple soldat… On l’a dans le cul.
Portée par un casting international — Connor Swindells (vu dans Sex Education), Alfie Allen (GOT), Jack O’Connell (Godless), Sofia Boutella ou Dominic West (The Wire, The Affair, The Crown), Rogue Heroes fait la part belle à l’écriture de dialogues subtils et ironiques, de situations dans lesquelles la fiction est vite dépassée par la réalité, avec une réalisation au rythme effréné loin des standards du genre. En collant à l’histoire avec un grand H et loin d’un biopic compassé, Steven Knight rejoint un autre peloton légendaire formé par Donald P. Bellisario (Baa Baa Black Sheep), Quentin Tarantino (Inglourious Basterds) ou Robert Altman et Larry Gelbart (M.A.S.H.).
À suivre…
SAS Rogue Heroes, de Steven Knight et Ben Macintyre. Réalisé par Tom Shankland. Avec Connor Swindells, Jack O’Connell, Alfie Allen, Tom Glynn-Carney, Sofia Boutella, Dominic West, Theo Barklem-Biggs, Stuart Campbell, Corin Silva, Bobby Schofield, Jacob McCarthy, Jacob Ifan dans les rôles principaux.
Série en 6 épisodes —Kudos Film and Television – K Films, BBC — diffusée en France sur Canal+ chaque jeudi depuis le 1er décembre 2022.