La pandémie et les E3C : à quand le retour des châtiments corporels ?

La révolte contre les E3C en février 2020 © DK

Alors que, après des mois de non-gestion d’un ministre plus occupé à soigner quelques syndicats lycéens à sa botte, la situation sanitaire dans les écoles et les lycées est calamiteuse et qu’elle ne cesse de s’aggraver en France, alors que les conditions d’apprentissage sont rendues désastreuses par l’absence de moyens et de protocole sanitaire digne de ce nom, la priorité du rectorat et du ministre semble être aujourd’hui de faire repasser aux élèves de Terminale les épreuves de la classe de Première dites E3C1 qu’ils avaient largement refusés l’année dernière, dénonçant  par leurs manifestations l’injustice d’un bac au rabais. Cela concerne la grande majorité des élèves de terminale du lycée Mozart du Blanc-Mesnil et près de 2000 élèves sur l’académie de Créteil.

Rappelons en effet que la mise en place du bac blanquer conduit désormais les élèves à passer, en plus d’épreuves finales au milieu de l’année de terminale, toute une batterie d’épreuves au milieu puis à la fin de l’année de première et, enfin, en fin de terminale, les E3C.

Rappelons également que la tenue de ces épreuves a donné lieu l’année dernière à une  mobilisation lycéenne massive  dans de très nombreux établissements. Ils dénonçaient avec raison  des épreuves aussi inutiles qu’absurdes qui conduisent à un bac local et qui soumettent les élèves à un stress constant ne laissant plus le temps aux apprentissages. C’est cette mobilisation inédite, réprimée à coup de matraque, d’interpellations et de gaz lacrymogène qui avait conduit le ministre blanquer à repousser les épreuves dites « de rattrapage » au second semestre de l’année dernière, marquant l’échec de ce bac au rabais avant de finalement les annuler suite au confinement.

Rappelons enfin que, après avoir annulé l’ensemble des épreuves du bac de l’année dernière et toutes les épreuves de contrôle continu prévues pour cette année en février puis en juin, ce 21 janvier à 22h00, le ministre à enfin décider d’annuler toutes les épreuves terminales de spécialités prévues cette année en mars.

Mouvement contre les E3C en février 2020 © DK

Alors ?

Alors même que tout le reste est annulé, nous apprenons que le rectorat exige envers et contre toute logique que les élèves de Terminale, qui étaient en première l’année dernière, repassent avant la fin du mois de mars les épreuves que le ministère a été incapable de les convaincre de passer l’année dernière.

Alors que ces  élèves sont déjà durement affectés par le premier confinement durant lequel enseignants et élèves se sont retrouvés livrés à eux mêmes, alors qu’ils doivent travailler dans des conditions sanitaires et scolaires indignes, sans moyen supplémentaires, alors qu’ils doivent subir de plein fouet les effets néfastes de la réforme blanquer, alors qu’ils sont déjà plongés dans le stress de la procédure parcoursup, alors qu’ils doivent fournir une charge supplémentaire de travail pour rattraper le retard dans les programmes et se préparer pour le supérieur, ils devraient donc se consacrer toute affaire cessante à passer des épreuves qui n’ont plus aucun sens et à revoir les programmes de l’année dernière qui du fait du confinement n’ont même pas pu être finis ?

Il est vrai que le ministère affirme vouloir faire repasser ces épreuves aux élèves par « souci d’équité ».

De quoi parle-t-on quand le ministère s’acharne à promouvoir des épreuves désormais organisées et corrigées localement dans la plus grande inégalité ? S’agit il de la même « équité » que celle dont ont bénéficié nos quelques élèves qui ont eu le malheur de passer ces épreuves l’année dernière en se retrouvant avec des notes totalement indignes qui ne correspondaient plus à celles mises par les enseignants mais revues à la baisse par des « commissions d’harmonisation » du ministère sans même que leur soit donnée la possibilité de consulter leurs copies pourtant numérisées à cet effet ? La circulaire qui impose aux élèves de repasser ces épreuves précise : « Cette organisation exceptionnelle est conçue dans un esprit de bienveillance vis-à-vis des candidats ». On notera la signification bien particulière qu’il faut désormais donner à cette « bienveillance » du ministre qui prend ici le sens d’une mesure punitive mâtinée de condescendance et de maltraitance.

 Une telle décision ne peut dès lors que relever d’une nouvelle étape dans la maltraitance que subissent les élèves depuis l’arrivée du ministre blanquer. C’est, la seule façon de comprendre  l’aberration que constitue cette épreuve qui doit être maintenue, quand bien même tout le reste devrait être annulé. Comment dès lors exprimer autre chose que notre révolte et notre dégoût  face à ces méthodes de gouvernementalité barbare qui, dans l’école, pendant la pandémie de COVID-19, et dans le silence médiatique le plus total, ont pris une forme des plus violentes ?

Mouvement contre les E3C © DK

Il n’est d’abord que de demander – avec le plus grand calme et le plus grand sérieux, comme on parlerait à un enfant malade – quant aux  jouisseurs politiques qui paradent dans quelques rodéos médiatiques, d’arrêter les bêtises, de revenir sur la tenue des E3C1 et d’épargner à nos élèves cette politique de la punition comme s’il fallait châtier des gueux.