Sorte de Homeland trempé dans l’eau bénite qui convoque Dieu(x), les hommes, la question palestinienne et l’emprise de la religion sur la géopolitique, Messiah (en ligne depuis le 1er janvier) est une série sacrément ambiguë. Superproduction messianique, auréolée d’une polémique bien avant sa diffusion, la nouvelle série de Netflix n’est en définitive qu’un thriller ésotérique barbant.

Créé par Michael Petroni (qui après Miracles semble s’être spécialisé dans la fiction arrosée au vin de messe) et réalisé par James McTeigue (V pour Vendetta, Sense8) et Kate Woods (Castle, Marvel Agents du SHIELD), Messiah déçoit autant qu’il pose question avec sa galerie de personnages apathiques et son propos ambivalent sous couvert de fable prophético-politique.

De nos jours en Syrie et sorti de nulle part, un inconnu (Mehdi Dehbi) harangue la foule interloquée alors que Daesh est aux portes de Damas. « Écoutez-moi, mes frères et mes sœurs. Ils prétendent répandre la parole de Dieu, mais ne font que déformer son sens. c’est écrit dans le Livre sacré« . Une tempête de sable arrive. Les forces de l’EI se préparent. Mais l’inconnu répète : « croyez-moi quand je vous dis que Dieu vaincra vos ennemis ! » De fait, c’est une tempête « aux proportions bibliques » qui va durer 43 jours et va faire que l’assaillant retirera ses troupes.

Après cet épisode, tandis que la Maison Blanche annonce la fin de la menace pesant sur le Moyen-Orient, l’agent de la CIA Eva Geller (Michelle Monaghan) s’intéresse désormais à cet inconnu que la population de Damas libérée acclame sous le nom d’Al-Masih, lui attribuant la victoire sur l’EI. La CIA voit les choses d’un autre œil ; l’agitateur en puissance est placé sous surveillance : il fait route vers la frontière israélienne suivi par plus de 2 000 personnes, dont Samer et Jibril, deux jeunes garçons, orphelins fortement impressionnés par celui qui se dit être le messager de Dieu… Oui, mais lequel ?

Ce n’est que le début mais déjà, on ne peut dire si la réalisation est juste paresseuse, abusant des gros plans sur les yeux, les regards, les expressions de visages ou si le jeu des acteurs est volontairement comme en suspension, étirant le temps, l’action. Mais à mesure que l’on avance dans les épisodes la curiosité est peu à peu remplacée par un sentiment d’inconfort : sans aller jusqu’à dire que Messiah est une fiction orientée, les multiples fils tirés par la relecture au shaker des religions monothéistes alimentent une intrigue qui ressemble à un patchwork mal tricoté. Du révérend, son épouse et leur fille (sauvée de la tornade au Texas) à l’agent du Shin Bet (Tomer Sisley) en quête de rédemption, en passant par le jeune enfant guéri d’une blessure par balle sur le Mont du Temple à Jérusalem, Al Masih interroge plus qu’il ne délivre de message. et la série fait de même avec une grande question qui reste en suspens : où le show-runner veut-il en venir ?
Parce qu’en brassant les références eschatologiques et ésotériques, Messiah est aussi manichéen que l’officier de la CIA : la vérité est peut-être grise, mais la réponse doit être noire ou blanche. Et l’on en vient à s’interroger sur le sous-texte d’une série qui tourne en rond et à l’enquête à l’escroquerie, jusqu’à la caricature. Si l’on suit le raisonnement des protagonistes qui doutent du messie 2.0., il faudrait que les puissants (aka les États-Unis) remisent leur Dieu et commencent à penser par eux-mêmes pour résoudre les problèmes du monde ; Israël est pointé par la bande, le terrorisme islamique est une fatalité malgré les bonnes intentions et l’innocence de certains (personnifiés par les jeunes Samer et Jibril). Le libre arbitre des uns versus la détermination des autres ? Et quand l’on apprend qu’Al-Masih ne serait en fait qu’un illusionniste, un mystificateur (sorte de Messmer mâtiné de David Copperfield) qui poursuit une quête téléguidée depuis la Russie par un activiste en exil, on se demande si les scénaristes ont été dépassés par leur mélange religions/télé-évangélistes milliardaires/diplomatie internationale/croyants ordinaires en attente d’un miracle et arnaque mondiale ou s’ils ont en conscience développé une fiction aux contours gênants et aux ambitions floues.

Alors sans verser dans la critique à boulets rougis sur Messiah (on saluerait au contraire le pitch gonflé), avec une réalisation convenue et des inspirations au mieux mal maîtrisées, la nouvelle série de Netflix est juste ennuyeuse et ne mérite ni sa polémique ni de s’obliger à suivre les tribulations d’Al-Masih jusqu’au final obligé annonçant Messiah saison 2, le retour du retour.

Messiah, créé par Michael Petroni, réalisé par James McTeigue & Kate Woods. Avec Mehdi Dehbi, Michelle Monaghan, John Ortiz, Tomer Sisley dans les rôles principaux.
10 épisodes disponibles sur Netflix depuis le 1er janvier.