Les quatre saisons (Le quattro stagioni en pizzaiolo dans le texte), est le nom donné aux quatre concertos pour violon composés par Antonio Vivaldi, célèbre compositeur vénitien passé à la postérité avec cette œuvre légendaire qui a fait le bonheur et la fortune des marchands de compilations musicales autoroutières, faisant régulièrement entrer le mouvement Allegro non molto dans le Top 50 des musiques d’attente au téléphone. Mais ce n’est pas le sujet.
A l’instar de Dolannes Mélodies de Jean-Claude Borelly qui a trusté le haut du classement des mélopées d’ascenseur, Les quatre Saisons de Vivaldi a eu une carrière incroyable, réussissant à éclipser L’Hymne à la joie de Beethoven et Carmina Burana de Carl Orff dans le cœur des mélomanes débutants qui ont longtemps porté Mozart au pinacle parce qu’ils avaient découvert La Marche turque dans une publicité pour les toilettes. Printemps, été, automne, hiver. Quatre saisons qui rythment l’année en autant de périodes « qui observent une relative constance du climat et de la température ». Ainsi a-t-on coutume de dire et de constater parfois – mais ce n’est plus si vrai – qu’il fait froid en hiver, chaud en été, qu’il est toujours très difficile de se garer près du Printemps et que si la vente d’appareils auditifs augmente auprès du 3e âge entre septembre et décembre, c’est à cause de sonotone.
D’un point de vue strictement astronomique, l’alternance des saisons est due à l’inclinaison des pôles combinée à la révolution terrestre autour du soleil, soit le produit d’une équation complexe qui veut que plus la terre s’éloigne du soleil moins on a de chances de voir son voisin sortir sa chienne Pépette en charentaises entre chien et loup pour une promenade digestive et défécatoire entre le jour de l’An et Mardi-Gras. Tandis que la probabilité de voir la voisine bronzer dans le plus simple appareil sur la plage nudiste de Mimizan augmente à mesure que le soleil se rapproche de la grande bleue.
Scientifiquement parlant, les variations climatiques saisonnières sont donc illustrées par un double phénomène bien connu des présentateurs météo : par temps froid, les vacanciers se pressent en masse à la montagne pour aller se peler le derrière par moins 15 sur des remontées mécaniques habillés comme des cosmonautes dopés au vin chaud ; et, aux temps chauds, les agglomérations se vident au profit des stations balnéaires qui se remplissent de familles de contribuables dont le pouvoir d’achat est inversement proportionnel à l’augmentation de la température estivale et des prix pratiqués en saison.
Mais ce n’est toujours pas le sujet.
Le sujet c’est cette bande d’imbéciles congénitale (ne cherchez pas la faute d’accord) dont la voix grandit dans les médias sur l’air de « arrêtez de faire peur à tout le monde avec le réchauffement climatique, d’ailleurs il faisait moins 3° ce matin sur ma terrasse »… Le sujet, c’est la tripotée de chroniqueurs appointés en parallèle avec la flopée de politiques professionnels qui ont leur rond de serviette sur les plateaux des chaînes de commentaires de l’information. Le sujet, c’est cet ex-journaliste sportif à qui on a confié les rênes d’une émission de débat entre éditorialistes et politiciens et dont le QI ne dépasse pas le chiffre du canal de la TNT sur lequel il officie.

Parce qu’il faut quand même être sacrément inconscient, ou gonflé, ou idiot (ou les trois à la fois) pour en arriver à dire à son invitée « je vous trouve très ridicule, écoutez les autres au lien de donner une image hystérique de votre pensée ». Quand bien même la contradiction serait bankable, elle ne devrait pas l’être au seul motif qu’il existerait une sorte de bien-pensance qui empêche tout débat sur le climat. Mais il n’y a pas que l’écologie, ça marche aussi avec bien d’autres thèmes (souvent dits de société) autour desquels une certaine doxa bien réac se met en branle au nom de la liberté d’expression, du sacrosaint esprit d’escalier et d’une tendance à la victimisation plus connu sous le nom de principe d’Eric Z., le fameux « on ne peut plus rien dire ». La séquence a fait le tour d’Internet et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne rend pas grâce au débat et encore moins au journalisme de plateau : foire d’empoigne, brouhaha, nuisance intellectuelle très sonore. Pascal Praud ne pourra jamais s’enorgueillir d’être un animateur neutre et bienveillant qui sait faire sortir le meilleur de ses invités. Partenaires réguliers serviles comme extérieurs victimes consentantes.
Mais Pascal Praud n’est pas seul à mettre en cause. A sa table, et avec la même vista suspecte, on trouve Elisabeth Lévy, régulière invitée de l’émission qui n’a de cesse de marteler la punchline qui sert de caution tutélaire à sa création, Causeur.fr : « surtout si vous n’êtes pas d’accord ». Entre autres morceaux choisis de la fondatrice de Causeur sur le plateau de L’heure des pros qui reçoit Claire Nouvian : « le mot sceptique en science n’est pas une insulte, au contraire c’est une vertu. Je pense qu’il y a un consensus effectivement sur la réalité du changement, sur ses causes et sur son évolution, non. Et vous vous aimez comme un certain nombre de gens les prévisions millénaristes… Mais vous allez quand même me laisser dire les choses, parce qu’ici on laisse dire les choses avec lesquelles on n’est pas d’accord ». CQFD.

Qu’elle est pratique cette ligne éditoriale, surtout quand il s’agit d’assurer le service après-vente comme dans cet article tout en perfidie paru le 4 juin 2018 : « France Inter dénonce CNews : la chaîne serait trop pluraliste ». Dans ce papier à fois ironique et orienté (« pour tout vous dire, Pascal Praud a même l’outrecuidance d’inviter régulièrement Elisabeth Levy, et de la laisser parler avec toute la sérénité qui la caractérise. Vous voyez un peu le genre… »), Martin Pimentel se livre à une charge contre France Inter (c’est presque devenu un marronnier chez les causeurs) parce que Pascal Praud « a osé inviter André Bercoff dans son émission ». Arguant que la radio publique est critique envers l’émission de CNews qui « prend la forme d’un joyeux pugilat façon village d’Astérix », mais « accepte les opinions les plus diverses », Causeur prend fait et cause pour la chaîne d’infos et se paie la station, allant même jusqu’à parler de « liste noire » des sujets dont il ne faut pas parler, alors que «Praud et son turbulent village gaulois ont franchi la ligne jaune tracée par certains pisse-froid.».
Dès lors, on ne peut que s’interroger sur la défense d’Elisabeth Lévy dans son billet en date du 11 mai. La journaliste revient sur la séquence médiatique et médiatisée et blague sur « les malheurs de ‘Martine’ Nouvian » (…) une « Claire Nouvian outragée, brisée, martyrisée » qui « s’alarme de savoir s’il n’y aurait pas d’affreux climato-sceptiques dans le coin, idée qui semble l’épouvanter autant que si on avait invité des nazis. » Et l’on se demande également si Elisabeth Lévy ne mériterait pas de se voir retourné son argument préféré (« je ne suis pas d’accord », NDLR) un peu plus souvent : Elisabeth Lévy profite de l’occasion pour faire la réclame de sa nouvelle création (REACnROLL, donc, où se côtoient Alain Finkielkraut, Elisabeth Lévy, Mathieu Bock-Coté, Eric Zemmour, Marin de Viry, Marcel Gaucher, Barbara Lefebvre et Régis de Castelnau)… alertée par l’ami Jean-Baptiste Roques, « l’un des piliers fondateurs de REACnROLL ». Et déjà vu sur La France Libre.TV, site d’information fondé par Eric Brunet, Gilles-William Goldnadel et… André Bercoff… La boucle est bouclée.
En visionnant l’intégralité de la séquence sur Marianne.fr, on trouve des morceaux choisis qui sont tout de même assez savoureux et donnent raison à Claire Nouvian qui a explosé en s’entendant dire : « il y a des gens qui comme vous vendent l’écologie comme une sorte de religion » ; « si vous ne voulez discuter qu’avec des gens avec qui vous êtes d’accord… » ; « vous pouvez vous tromper depuis 25 ans, Madame, et ce serait pas mal d’écouter les autres, un peu de tolérance » ; « vous avez une tête… vous avez réussi à entrer dans le studio ? Un peu d’humilité ! » ; « les climato-sceptiques, ils n’ont pas le droit de parler quand on veut faire une émission (…) et pourtant il y en a beaucoup, Madame »…

Au-delà de la réalité qui est désormais la nôtre – le dérèglement climatique a eu lieu, il est là, ses conséquences funestes sont déjà visibles et bien d’autres sont à venir –, discuter d’un état de fait parce que l’on devrait tout questionner, tout remettre en cause, jusqu’à la crédibilité des personnes qu’on invite en plateau est tout simplement d’une malhonnêteté intellectuelle sans nom. La contestation n’empêche pas l’intelligence. Au contraire de la dérive droitière et conservatrice de certains médias, de l’omniprésence télévisuelle et radiophonique des réacs qui se plaignent néanmoins de sous-exposition et des réseaux d’information (voire de ré-information) créés par ces derniers. Il est peut-être là le vrai sujet.