Contre Cœur (Histoire du cœur)

Cœur 1 © Zelda Colonna-Desprats

« Mon cœur pareil à une flamme renversée
Les rois qui meurent tour à tour naissent au cœur des poètes
Dans ce miroir je suis enclos vivant et vrai comme on imagine les anges et non comme sont les reflets » (Guillaume Apollinaire)

Le cœur, organe vital dont la fonction consiste à pomper le sang, est également porteur de toute une symbolique d’amourettes un peu niaises – une dichotomie dans laquelle vocabulaires médical et amoureux peuvent se confondre.

La littérature et la symbolique du cœur ont un lien métaphorique : lorsque nous lisons Flaubert évoquant Madame Bovary « le cœur que j’étudiais, c’était le mien. Que des fois j’ai senti à mes meilleurs moments le froid du scalpel qui m’entrait dans la chair ! », nous remarquons combien l’écrivain s’identifie à un chirurgien. Mais il rappelle également le double statut du cœur : celui de l’organe vital qui assure le système circulatoire et dont la chirurgie reste délicate, et celui du cœur comme siège de l’âme ou de l’amour, où les passions naissent, grandissent et font souffrir. Flaubert avait déjà utilisé la métaphore de l’anatomiste pour évoquer le sadisme amoureux dans l’une de ses nouvelles, Passion et Vertu, dans laquelle l’héroïne possède les caractéristiques d’une Madame Bovary. L’auteur y décrit le jeu pervers auquel se livrent certains hommes, qui consiste à séduire des femmes mariées et à les délaisser par la suite. Il use alors d’une remarquable métaphore : « C’est une cruauté d’anatomiste, mais on a fait des progrès dans les sciences et il y a des gens qui dissèquent un cœur comme un cadavre. » Comme dans Madame Bovary, c’est par la figure de style que Flaubert construit une analogie entre la violence des techniques médicales exercées sur les corps et la cruauté amoureuse exercée sur les cœurs. Le cœur, cet organe objet d’une double lecture.

Il y a aussi cette magnifique réplique de Barbey d’Aurevilly dans Une vieille maîtresse lorsque Rino de Marigny se morfond sur sa bien-aimée Velliny : « C’était un amour qui me brûlait le sang et la pensée ; (…) mes sentiments (…) furent affreux ! Il me semblait que j’avais un cancer au cœur… Ah ! N’être pas aimé c’est toujours un effroyable supplice, un non- sens humain, car l’amour devrait appeler l’amour. » Dans Fragments d’un discours amoureux Roland Barthes apporte cette définition : « Cœur : 1- Le cœur est l’organe du désir (le cœur se gonfle, défaille, etc., comme le sexe) (…) qu’est-ce que l’autre va faire de mon désir ? Voilà l »inquiétude où se rassemblent tous les mouvements du cœur, tous les « problèmes » du cœur. » Barthes ajoute, citant Les souffrances du jeune Werther : « 2- (…) Il apprécie mon esprit et mes talents plus que ce cœur, qui cependant est mon unique orgueil (…). Ah, ce que je sais, tout autre le peut savoir – mon cœur, je suis seul à l’avoir. »

En tant qu’organe réactif aux émotions, le cœur est considéré comme le siège des sentiments et de ses affects. Si Werther l’évoque comme sa propriété la plus précieuse il existe des situations amoureuses où il peut être perçu comme un élément étranger, extérieur à notre propre corps. Dans Phèdre de Racine, la reine se plaint « d’un mal qu’elle s’obstine à taire ». Elle vit sa passion pour le jeune Hippolyte comme une maladie exogène. Non seulement elle est incapable de se réjouir du bonheur d’aimer, mais elle souffre de cette fatalité qu’elle décrit comme indépendante de sa volonté. Le personnage de Macha, dans La Mouette de Tchekhov, est atteint des mêmes symptômes. Elle porte le deuil d’une union avortée, attend que l’amour ressenti s’apaise enfin, comme une maladie que le repos et la résignation pourraient guérir : « Si l’amour pousse dans ton cœur, arrache-le. (…) Une fois loin, j’oublierai tout… J’arracherai tout, jusqu’aux racines ».

Proust écrit que « le regret d’une maîtresse, la jalousie survivante sont des maladies physiques au même titre que la tuberculose ou la leucémie (…) Je souffrais jusqu’au fond de moi-même, jusque dans mon corps, bien plus que m’eût fait souffrir la peur de perdre la vie. » Les situations à partir desquelles il décrit et analyse les « symptômes » de l’amour abondent dans La Recherche du temps perdu. La passion du narrateur de ce roman fait de lui un « malade », et lorsque l’être aimé le quitte il en éprouve une « blessure ouverte », souffre de tachycardie — appelée ici « oppression au cœur » ou « coup physique au cœur » — et voit ses forces défaillir à tel point qu’il est saisi de vertiges et doit demeurer alité plusieurs jours. Son amour pour Gilberte dont il est séparé le fait souffrir « comme un malade qui a vidé sa fiole de morphine sans en avoir sous la main une seconde. » La passion amoureuse serait-elle une maladie ? « La passion (est) comme un poison avalé ou une infirmité contractée ; elle a besoin d’un médecin qui soigne l’âme de l’intérieur ou de l’extérieur, qui sache pourtant prescrire le plus souvent (…) des médicaments palliatifs », écrit Kant. La passion est un état de convalescence.

Le cœur peut ainsi devenir antagoniste du bien-être et de la sérénité dans les passions non partagées et, comme le précise Werther, cet organe qui nous compose nous donne soudain le sentiment d’être élément extérieur. Nous retrouvons un état comparable chez les greffés du cœur qui ressentent régulièrement la sensation d’être investis par un fragment étranger. Dans un récit contemporain intitulé L’Intrus rédigé suite à une greffe cardiaque, le philosophe Jean-Luc Nancy s’interroge sur l’accueil d’un organe inconnu qui provoque une remise en question de la propriété qu’est son propre corps qui lui semble après l’opération s’éloigner de lui-même. Il a le sentiment de subir une scission entre son identité intérieure et son identité matérielle. La possibilité du rejet installe dans une double étrangeté : d’une part, celle de ce cœur greffé, que l’organisme identifie et attaque en tant qu’étranger, et, d’autre part, celle de l’état où la médecine installe le greffé pour le protéger. Elle abaisse son immunité, pour qu’il supporte l’étranger. Elle le rend donc étranger à lui-même, à cette identité immunitaire qui est un peu sa signature physiologique. « Il y a l’intrus en moi, et je deviens étranger à moi-même. (…) Mon cœur a vingt ans de moins que moi, et le reste de mon corps en a une douzaine (au moins) de plus que moi. » Le cœur, source de vie et d’affects dont la greffe, désormais possible, entraine un lot de problèmes éthiques, personnels, et même poétiques car aucun organe n’a jamais été source de tant de mythes, de symboles et de métaphores.

Il y a des siècles, lors des cérémonies sacrificielles, les Aztèques arrachaient le cœur de leurs victimes considérant que c’était la partie la plus précieuse de l’individu. Cet organe était source de vie et siège de l’âme chez les Égyptiens qui pratiquaient déjà la médecine cardiaque en prenant le pouls des malades et en soignant leurs palpitations. Dans son ouvrage Histoire des animaux, Aristote localise l’âme nutritive et l’âme sensible des animaux dans le cœur, désignant cet organe comme « l’acropole du corps ». Il affirmait que le cœur est une source de chaleur innée et que la pulsation est un mouvement d’ébullition dans le sang. Dans le modèle du corps, Galien, le célèbre médecin de l’Antiquité grecque, décrivait la vie comme dépendante de trois principaux organes : le cerveau, le cœur et le foie. Il concluait que le cœur régulait la température.

C’est dans le monde chevaleresque de la fin du Moyen Âge, que l’on voit apparaître les premières représentations du cœur aux lignes épurées et rondes, figure d’amour qui nous est aujourd’hui si familière. La littérature médiévale accorde à l’organe sa part de mythes amoureux comme dans le Roman du châtelain de Couci et de la dame de Fayel écrit par le poète Jakèmes à la fin du XIIè siècle. Inspiré du Roman de la rose de Jean Renart, il raconte comment un mari jaloux sert à dîner le cœur de l’amant de sa femme, celui-ci l’ayant fait envoyer à sa belle avant de mourir. La dame trouve le plat délicieux. Le Décaméron de Boccace et La Vita Nova de Dante ou encore les écrits de Konrad von Würzburg, décrivent des passions régénérées par des cœurs dévorés, sans omettre le conte de Grimm Blanche Neige, où la reine exige qu’on lui apporte le cœur de la princesse afin de pouvoir récupérer la première place dans le règne de la beauté.

Cœur 2 © Zelda Colonna-Deprats

Quand les scientifiques lui prêtèrent-il un intérêt médical ? En 1628, la découverte de William Harvey sur la circulation sanguine désacralisa le cœur en faisant la part des choses entre le symbole et l’organe. Il postula que le cœur est le muscle principal du fonctionnement de l’organisme, pompant le sang dans le système vasculaire. Son travail a été réinterprété par Descartes, qui en a tiré la conclusion que le cœur est en effet un moteur déplaçant le sang à travers le corps. Dès 1903, le développement de l’électrocardiographe fournit aux médecins une vue du cœur en action. L’histoire de la chirurgie cardiaque commence véritablement en 1948 alors qu’il devient possible de pénétrer l’organe pour y dilater une valve rétrécie. Mais cette chirurgie reste imprécise, guidée par le doigt de l’intervenant. La véritable chirurgie « à cœur ouvert » connaît ses premiers essais aux États-Unis en 1952 et 1953 pour quelques opérations simples et de courte durée. Très vite, il a paru indispensable de réaliser un système artificiel complexe remplaçant temporairement les fonctions circulatoires du cœur et du poumon, en créant une « circulation extracorporelle » permettant de continuer l’irrigation du cerveau à l’aide de sang oxygéné et incoagulable, afin d’ouvrir ensuite le cœur pour y intervenir en sécurité. Très peu de temps après, une équipe de Minneapolis, dirigée par Walter Lillehei, mis au point un appareil simple permettant, associé à l’hypothermie contrôlée, des arrêts cardiaques de plus longue durée. Par la suite, les techniques n’ont pas cessé d’évoluer, offrant ainsi la possibilité de restaurer les valves, revitaliser le myocarde, redonner un nouveau rythme, stimuler les mouvements du cœur, le ranimer, voire le remplacer. La première greffe fût réalisée en 1968 par le Docteur Christian Barnard en Afrique du Sud, grâce au développement des traitements immunosuppresseurs. Même si les risques perdurent et qu’elle implique le problème des donneurs, l’intervention est aujourd’hui courante.

L’histoire de l’art regorge d’artistes ayant puisé leur inspiration dans la symbolique de cet organe qui centralise toutes les énergies, qu’elles soient physiques ou amoureuses.

Cœur 3 © Zelda Colonna-Desprats

En 1939, peu de temps après son divorce avec Diego Rivera, la mexicaine Frida Kahlo peint Les deux Fridas. Ce double autoportrait fait référence à deux moments cruciaux de la vie de l’artiste : celle de sa vie avec Diego Rivera et celle d’après le divorce. Le cœur de chacune des Fridas est représenté avec une précision anatomique, mais tous deux mettent en évidence le chagrin provoqué par Diego. Le cœur intact de la Frida de droite fait symétrie avec le cœur ouvert, écorché et sanglant de la Frida de gauche. La paire de ciseaux, qui a sectionné une veine commune, marque la rupture avec un passé heureux. Le cœur devient ainsi le moyen de représentation d’une blessure affective tout en évitant des expressions exacerbées des corps et des visages. La pose du personnage est empreinte d’une certaine rigidité et s’inscrit dans ce registre à la fois pictural et médical tout à fait caractéristique de la peinture de l’artiste.

© Frida Kahlo, Les Deux Frida, 1939, huile sur toile, Musée d’Art Moderne de Mexico

Andy Warhol a lui aussi un répertoire d’œuvres ayant pour sujet le cœur humain. Il apparaît dans diverses sérigraphies, ainsi que dans des polaroids de 1970, 1978 et 1981, tous intitulés Human Heart. Le premier polaroid, dans une composition qui se réfère aux natures mortes traditionnelles, représente un plat entamé accompagné d’un verre de vin blanc posé sur une table couverte d’une nappe blanche. Toutefois le mets à savourer n’est autre qu’un cœur dont la noirceur jure avec l’orange vif de la céramique. L’organe humain y est présenté, non pas comme le digne fragment d’un corps mais comme un vulgaire morceau de viande consommable. Cette photographie peut aussi bien être la métaphore d’une relation de cruauté que l’interprétation symbolique du mythe de l’amant qui dévore le cœur de celui ou celle qui l’idolâtre. Mais un acte d’une telle barbarie est ici tempéré par le contexte du repas conventionnel. En outre, le vin représentant le sang de Jésus dans les évangiles, la référence au corps du Christ, est difficile à exclure.

© Andy Warhol, Human Heart, 1970, Polaroid, collection privée

Dans cet autre polaroid de 1978, l’assiette est devenue bleue et le verre a disparu. Le cœur, découpé dans la précédente, est présenté ici dans son intégrité mais la présence des couverts menace de le réduire au statut de simple nourriture.

© Andy Warhol, Human Heart, 1978, Polaroid, collection privée

La troisième photographie est de composition plus épurée et représente simplement un cœur dont les chairs sont à nouveau noires. Il est placé sur la même assiette orange dans un décor de couleur exclusivement blanche. Présenté comme un ordinaire plat de viande avariée, ce cœur évoque moins un organe destiné au cabinet d’autopsie qu’un reste de nourriture froide oublié sur un coin de table. La portée n’en est que plus grande, liée à la variété de symboles convoqués, dans lesquels le principe vital se mêle à l’affectif et à la répulsion. La simplicité de composition de ces trois clichés nous permet d’apprécier la valeur formelle et métaphorique de cet organe.

© Andy Warhol, Human Heart, 1981, cliché Polaroid, collection privée

Les principes les plus élémentaires et les plus essentiels de cet organe sont représentés dans ces clichés : il est source de vie, chair palpitante, amour, mais aussi dégoût quand il est exposé comme élément sanglant de la mécanique du corps. Le cœur se réfère aussi au temps : il marque, par ses battements, les pulsations de vie, les secondes qui passent. Son arrêt est le signal même de la mort.

Les sérigraphies de Warhol, qui portent le même titre que les polaroids, font songer aux images illustrant un manuel de médecine : le rouge vif de la chair et du sang, exacerbé par le fond noir, n’est pas sans rappeler les scintigraphies, ces méthodes d’imagerie médicale par détection de rayons radioactifs dont le résultat donne des images très colorées. Une nouvelle fois, c’est cette présentation du cœur dans sa simplicité anatomique qui permet une lecture plus directe de toute la charge symbolique du sujet.

© Andy Warhol, Human Heart, 1979, sérigraphie,
Andy Warhol Museum, Pittsburgh

En 1983, Bill Viola crée Science of the heart, installation vidéo dans laquelle l’image d’un cœur humain bat à un rythme répercuté avec une insistance croissante. Associée à la présence d’un véritable lit, placé au premier plan de la vidéo-projection, l’œuvre propose une réflexion où s’entremêlent la naissance, le sexe, le sommeil, la maladie et la mort. Les draps sont du même rouge que le sang irrigué tout autour de l’organe. Un unique oreiller, placé au centre, signale que l’endroit a été prévu pour une seule personne. Le corps imaginaire allongé sur le lit ne peut pas voir l’image du cœur mais il ne peut ignorer son battement en rythme, ce son qui, plus que tout, renvoie à la vie in utero, comme une invitation à l’introspection. Chez Bill Viola, une fois encore, l’utilisation du cœur agit de telle sorte que la référence médicale et celle du siège de l’âme se rencontrent et se complètent.

© Bill Viola, Science of the heart, 1983, projection vidéo,
matelas, draps, oreiller et structure pour lit en métal, collection privée

Damien Hirst consacre trois sculptures à l’organe symbolique et a fait le choix, dans la lignée de Warhol, de travailler à partir de cœurs véritables. Il a ainsi produit The Sacred Heart of Jesus et The Kiss of Death en 2005, puis en 2008 The Immaculate Sacred-Heart. Chacune des œuvres est constituée d’un cœur de bœuf dans le formol ; celui-ci est poignardé, ou piqué de têtes de seringue et de lames de rasoir, et entouré de fil barbelé dans les travaux de 2005. En 2008, Hirst l’orne d’ailes de colombe. Dans ce jeu entre le spirituel et la violence dans un univers clinique, nous pouvons lire l’évocation de la mort par arrêt cardiaque, cause principale des décès en Occident. Ce cœur sacré s’offre comme un fragment de la dépouille du Christ et son arrêt dans l’organisme humain marque le droit d’entrée au royaume de Dieu d’après les croyances monothéistes. Mais Hirst le traite ici avec une certaine ironie : pour représenter le corps christique il utilise un cœur de bœuf – premier animal dans la consommation massive de viande – et des ailes de colombe. Un oiseau d’amour et de paix mais qu’il flanque d’une couronne d’épines métalliques et de fil barbelé rappelle les frontières infranchissables de nombreux pays en guerre. Le couteau marque le stigmate fatal : Dieu est mort, le spirituel se fait matériel, ancré dans un réel imparfait où la médecine a remplacé le salut…

© Damien Hirst, The Immaculate Heart-Sacred, 2008, collection privée

Plus récemment à Pékin, en 2009, l’artiste chinois Bai Yiluo a réalisé une installation appelée Recycling, où un cœur anatomique géant est ficelé sur le porte bagage arrière d’une vieille bicyclette. Le sol est jonché de cartons et d’ordures. L’intention écologique de l’œuvre est évidente. C’est un cœur humain, centre de tous les affects, qui est représenté ici. Or, il est ficelé sur l’arrière d’une bicyclette d’où il sera abandonné dans un dépôt d’ordures sans plus de ménagement qu’une marchandise au rebut. Sa taille démesurée nous rappelle l’importance de l’esprit humain qui, dans un monde voué à la consommation, semble condamné à finir étouffé sous une montagne de déchets, au sens propre comme figuré.

© Bai Yiluo, Recycling, 2008, matériaux divers, Beijing Fine Arts Gallery

À la suite de ses opérations performances et de ce qu’elle appelle le « nouveau stade du miroir », Orlan écrit : « Ainsi je puis voir le cœur de mon amant et… son dessin splendide n’a rien à voir avec les mièvreries habituellement dessinées… Chérie j’aime ta rate, j’aime ta glotte, j’aime ton pancréas, j’aime ton fémur… ». En regard de ces termes, l’image d’un cœur rose tendre aux formes rondes devient particulièrement niaise et tout juste bonne à illustrer les cartes de Saint Valentin. Pour Orlan, l’amour réside dans cette manière physique et symbolique d’appréhender le corps de l’autre, et de s’abandonner à lui sans restriction ni retenue.

Cœur 4 © Zelda Colonna-Desprats

Le cœur, organe mythique, symbole de vie et d’amour à la représentation anatomique sanglante, a toujours concilié son sens littéral et figuré. Ouvrir son cœur revient fatalement à dévoiler le plus intime de soi, à s’exposer sans défense aucune à la bonne ou mauvaise intention d’autrui. Mais la délicate chirurgie du cœur désacralise cet organe, réduit à une pompe dont la fonction n’est autre que de faire circuler le sang dans les artères.