« Billions » : entre justice pas très claire et gris financier

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Prenez un acteur emblématique de sa génération (Damian Lewis, découvert avec Spielberg dans Band of Brothers et dont le talent s’est affirmé avec Homeland), un habitué des seconds rôles dont la filmographie force le respect (Paul Giamatti, passé par Woody Allen, Alexander Payne, Peter Weir…) et vous obtenez le duo d’ennemis intimes le plus réussi du moment en tête du casting d’une série gonflée dans un New York post 9/11 rattrapé par ses démons : Billions.

Bobby « Axe » Axelrod (Damian Lewis) est un survivant. Absent de son bureau ce funeste jour de septembre 2001, il est le seul rescapé des attentats du WTC et d’une entreprise qui pèse aujourd’hui des milliards (billions en dollars dans le texte). Devenu ce magnat à la séduction de gourou à l’intransigeance cool qui le place forcément sous le feu des projecteurs, son statut de roi du hedge fund lui vaut d’inévitables inimitiés et le rend suspect aux yeux de la justice, en la personne du procureur fédéral des États-Unis Chuck Rhoades (Paul Giamatti).

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Derrière ce pitch binaire se cache une réalité bien plus complexe : la DRH des entreprises Axelrod n’est autre que l’épouse du procureur (jouée par Maggie Siff, aperçue dans Mad Men) et l’on devine très vite que conflits d’intérêts, luttes d’influences, suspicions et exactions de tous ordres seront au cœur d’une série qui met à mal l’iconographie libérale de l’American Dream. Parce qu’il a survécu, Bobby Axelrod bénéficie autant d’une aura positive qu’il s’attire les a priori et la défiance. Avec raison, cela dit : le suspens n’est pas ménagé bien longtemps et les pratiques mafieuses voient très vite le jour avec l’apparition d’un homme de l’ombre froid comme un complot du KGB (Terry Kinney, inoubliable Tim McManus dans Oz).

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Billions, c’est un peu l’histoire de Tony Soprano qui aurait revêtu un pull à col roulé pour délivrer un speach fascinant dans une keynote bien huilée. Il faut voir la séquence dans laquelle Axelrod fait intervenir de faux agents de la S.E.C. (l’Autorité des Marchés Financiers made in USA) pour comprendre que tout n’est pas blanc-blanc au pays des traders. Mensonges, corruption, coercition, culpabilité (d’avoir survécu) évacuée d’un revers de tablette, libertés prises avec la loi, chantage et manipulations… la réussite trouble du personnage principal est le prétexte à une croisade tout aussi sujette à caution. Le procureur fédéral, plus incorruptible qu’un traqueur de contrebandiers d’alcool durant la Prohibition doit néanmoins composer avec le népotisme ambiant élevé au rang de modus operandi : comment se défaire de l’influence paternelle par exemple quand ce dernier demande de la clémence envers un financier de ses amis qui s’est rendu coupable de malversation ? Et Chuck Rhoades d’évoluer dans les eaux mouvantes de la bonne société new-yorkaise, devant faire face aux ambitions personnelles des uns, à la culture du secret et de l’entre soi des autres (dont sa propre famille), tout en ayant à faire face à une possible collusion entre son épouse et le «méchant » de l’histoire.

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Classique dans sa forme (on pense à The Good Wife ou Suits), Billions échappe au manichéisme facile par cette ambiguïté permanente née des contradictions de ses personnages : nourrie par des dialogues brillants et rythmés, la série semble même vouloir questionner la réalité d’un Wall Street devenu interlope à force de dérives financières opportunistes.

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Billions, de Brian Koppelman, David Levien et Andrew Ross Sorkin. Avec : Damian Lewis, Paul Giamatti, Maggie Siff, Malin Akerman, David Costabile dans les rôles principaux. Douze épisodes de 50 minutes tous les jeudis soir à 21h00 (deux épisodes par soirée). Intégrale disponible sur Canal Plus à la Demande. Showtime 2016.