Il faisait gris mais nous roulions pourtant vers la mer. C’était un samedi je crois. J’ai repéré sur la gauche une allée verdoyante, un sentier arboré comme on en voit dans les illustrations de contes. J’ai garé la voiture et j’ai proposé à Gabriel de le photographier. Nous étions en septembre. Durant les vacances, nous avions acheté ce sweat à capuche Pumas qu’il adorait. Ça lui allait bien, c’était mon petit fauve vert lentilles d’eau. J’ai réalisé deux clichés seulement : l’un où il sourit, l’autre pour lequel je lui ai demandé d’être plus sérieux. Il a pris alors ce petit air buté qu’il avait souvent à l’époque (je sentais toujours en lui une colère latente – elle ne l’a d’ailleurs toujours pas quitté). J’avais oublié le chemin dont on ne devine presque rien dans la photo. Le merveilleux était désiré mais, au final, j’avais réalisé un portrait frontal, un peu dur. Avec le temps, je crois qu’il restitue assez fidèlement ce qu’était Gabriel à l’époque.
Il faisait gris mais nous roulions pourtant vers la mer, Laurent Deglicourt (Le voyage minuscule 4/22)
