Dans « Fonction du poète » (Les Rayons et les ombres), Victor Hugo, voix des contraires appariés, écrit que le poète est celui qui a « Les pieds ici, les yeux ailleurs ». Telle pourrait être la « petite botanique des lieux et de la mémoire » de cet Herbier des rayons que publie Xavier Houssin. 36 jours, 36 rues du quartier des Peupliers à Paris, 36 plantes et 36 plantes, journal d’un poète et écrivain des jours et des sensations, lors d’une expérience terrible, une radiothérapie, du 19 février au 11 avril 2013 : « Je n’aurai de printemps qu’aux derniers jours d’été ».

Xavier Houssin doit se rendre tous les jours à l’hôpital pour ces séances, ce sont « les pieds ici ». Mais « les yeux » du poète sont « ailleurs », transformant les rayons en herbier, « l’ennui et l’attente » en relevé de la beauté du monde, le « quotidien banal, d’angoisses et de souffrances » en poèmes, métamorphosant le sens médical des rayons en expérience poétique : trouver un « là-bas » qui ne serait pas seulement la santé recouvrée mais un lieu poétique, une saison mentale, voir « peu à peu la nuit céder la place à l’aube. Et imperceptiblement arriver le printemps ».
Les plantes et herbes que cueille Xavier Houssin sont d’abord sans pourquoi. Elles sont l’ailleurs indifférent de la ville, nombreuses et sauvages, mais personne ne les regarde vraiment, sinon le poète. Il veut les nommer pour les rendre à l’existence. Il les rassemble, premier recueil, et chaque spécimen restitue, aussi, les sensations du jour, les (dés)espoirs, le temps interminable des rayons.

L’Herbier aujourd’hui publié est recueil de poèmes et de planches botaniques, il est un index de rues, le journal d’une « contre-saison », l’annuaire de ces 36 jours suspendus, un dictionnaire nouveau et poétique, la véronique « douceur lente », le pissenlit « étoile tombée »… en creux, l’amour (« tes lèvres et les branches »), l’enfance temps de la botanique et des herbiers, l’espoir de ce moment où tout « reverdit » et le regard de l’écrivain qui tout (ré)suscite.
« Je retiens ce qui bouge / qui toujours palpite », « petites particules de souvenirs épars » qui « aujourd’hui se rassemblent / s’échappent une dernière fois ». Ces sont ces pages échappées que nous livre Xavier Houssin qui « garde sans que personne ne sache » « ce qui reste ».

Xavier Houssin, L’Herbier des jours, éditions Caractères, juin 2016, 86 pages, 20 € — Prix Paul Verlaine de l’Académie française en juin 2017