XIII, la suite au prochain numéro

XIII © Dargaud

On ne présente plus XIII, qui dispute au Jason Bourne de Robert Ludlum le titre de plus célèbre amnésique fictionnel. L’Héritage de Jason Mac Lane qui paraît aujourd’hui est le 24e tome d’une saga au long cours initiée en 1984 avec Le Jour du soleil noir et qui au fil des ans s’est transformée en « long seller », devenant une série culte et faisant entrer le personnage au panthéon des personnages des plus célèbres romans d’aventures, tels Edmond Dantès ou Michel Strogoff.

XIII © Dargaud
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L’Héritage de Jason Mac Lane est donc le 24ème opus de la série créée par Jean Van Hamme et dessiné par William Vance et reprise par Iouri Jigounov et Yves Sente. Malgré quelques errements scénaristiques et une propension bien compréhensible à faire de l’univers du héros une franchise « bankable » avec un merchandising outrancier et des produits dérivés à la qualité discutable (jeux vidéos, série télévisée et jeux d’argent à gratter en tête), le succès de XIII ne se dément pas et fait partie de ces bandes dessinées au long cours qui empruntent de nombreux traits de caractère aux feuilletons d’antan. Cela étant posé, qu’en est-il de ce nouvel opus ? Pour apprécier celui-ci, remontons un peu le cours de l’histoire (celle de la série elle-même et de celle des États-Unis, rien de moins).

Jason Mac Lane (ci-devant appelé Mullway, Fly, entre autres noms, alias et fausses identités récurrentes) court inlassablement après son passé depuis son réveil sur une plage du Maine, tentant (à ce jour en vain) de recouvrer une mémoire oblitérée par un tir à la tempe qui ne lui a laissé que des souvenirs partiels et une mèche de cheveux décolorée emblématique. Avec la reprise par Iouri Jigounov et Yves Sente, l’intrigue est depuis quatre épisodes placée sous le signe d’une nouvelle conspiration (après la conjuration qui voulait faire des USA un état totalitaire aux abords du tome 5 et les efforts répétés du complexe mafioso-militaro-politique vers l’épisode 19).

XIII L’Héritage de Jason Mac Lane
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En cherchant à percer le secret de son (ses ?) passé(s), XIII — et le lecteur avec lui — fait une découverte de taille : l’amnésique serait l’héritier direct de la couronne britannique et pourrait revendiquer la propriété d’un état entier… Dès lors, la combinaison des histoires annexes (qui impliquent plusieurs personnages de l’entourage du héros), des mésaventures parallèles de XIII (en butte à des gangsters rencontrés au cours de sa quête) et des buts poursuivis par les complotistes (jusqu’au sommet de l’État) font que le récit prend des allures de roman d’aventures digne d’Alexandre Dumas et son personnage principal a de faux airs de Comte de Monte-Cristo.

En remontant jusqu’au XVIIè siècle et aux pères fondateurs de l’Amérique, le fil narratif tissé depuis quelques albums reprend (et reconstruit) une généalogie « treizienne » dont les prémices ont été posées au détour de l’épisode 10 et Yves Sente a renforcé la légende du personnage, nouvelle forme de réalité augmentée, autour du postulat selon lequel tout le monde sait qui est XIII — sauf lui. Et les preuves qui lui ont été transmises vont lui permettre de reprendre son sort en mains.

XIII
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Si l’on additionne les ingrédients qui sont la recette (efficace) des aventures de XIII, on peut pointer d’évidents parallèles avec le genre dont la popularité ira croissant au XIXè siècle, le roman-feuilleton : événements historiques contemporains, survie, mystère des origines et secret familial, double identité… combinés avec des péripéties éminemment romanesques (traque, volonté de cacher la vérité, romance amoureuse, opposition entre le bien et le mal, un héros à la probité sans faille et au fatum inéluctable).

La filiation entre le roman-feuilleton et la bande dessinée est d’autant plus flagrante que l’écriture de ce nouveau cycle a considérablement évolué, délaissant l’aventure pure (faite d’action et de rebondissements à répétition) pour tendre vers l’illustration d’un passé très lointain expliquant à elle seule les avatars à venir du héros. De fait, de nombreuses planches se succèdent pour expliquer et justifier ce qui dans le passé lointain a conditionné le destin du héros. Un héros qui en toute fin d’album (avec un procédé de climax incontournable) semble animé d’un désir de vengeance pour enfin s’absoudre de toutes les accusations portées contre lui, autres topoï récurrents du genre.

Enfin comment ne pas souligner qu’au dessin, Iouri Jigounov confirme sa capacité à marcher dans les pas de William Vance, réussissant le tour de force de force d’arriver à conserver et pérenniser l’identité graphique de la série. Au scénario, Yves Sente s’inscrit lui dans cette tradition littéraire du feuilleton qui permet au lecteur de prendre la série en cours sans difficulté et de lire chaque histoire presque indépendamment tout en ayant envie de se replonger dans l’ensemble de la série ou de découvrir les épisodes antérieurs. Dès lors, avec L’Héritage de Jason Mac Lane, la saga assoie son statut de roman-feuilleton moderne qui fera le bonheur des lecteurs impatients de connaître la suite mais… par la grâce d’auteurs inspirés ils devront se résoudre à l’attente. Car c’est le genre qui commande : XIII, la suite au prochain numéro.

Iouri Jigounov et Yves Sente, XIII, tome 24, L’Héritage de Jason Mac Lane, 56 p. couleur, Dargaud, 11€99 — Feuilletez l’album

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