John Brown Farm Historic Site (Photo-graphies)

© Philippe Bazin

Jour de lancement des commémorations du 150e anniversaire de la mort de John Brown, le 9 mai, anniversaire de sa naissance ; le public regardant et écoutant la conférence de J. W. Wiley, la chanson de Sandra Weber, le chanteur anti-esclavagiste Jim Mandracchia, l’auteure et réalisatrice de film Libby MacDonnald, et Brad Hurlbust lisant la dernière lettre de John Brown à sa femme Mary ; à John Brown Farm Historic Site, North Elba, NY, 2009.

« J’ai tout de suite reconnu le paysage, la montée et la descente de cet étroit chemin qui m’obligeait, à cause des ornières et de la boue du printemps, à me tenir en son milieu qui était plus haut que les bords. De chaque côté, à l’ombre des arbres, dans les creux et les gorges à l’abri du soleil, subsistaient des plaques de vieille neige durcie. Un vent léger murmurait dans les hautes branches des pins et j’entendais au loin l’eau de la montagne couler dans le bras occidental de la rivière Au Sable, à l’endroit où elle se précipite sous le pont de la route de la cascade et descend par de nombreuses chutes de ces hauteurs rocheuses du nord-est pour aller jusqu’au lac Champlain et, de là, vers le Saint-Laurent et le grand Atlantique Nord (…). Une bouffée de vent, aussi brusque que forte, a agité les pins et provoqué des remous dans les branches au-dessus de moi, emplissant mes oreilles d’un bruit qui faisait sauter mon cœur de joie, car il y avait un temps infini − plus que toute une vie me semblait-il − que je n’avais ainsi marché sous des pins qui chantaient et dansaient dans le vent avec une telle frénésie (…).

La grande et vaste plaine ainsi que notre ferme, située juste au sommet du pâturage, m’étaient encore cachées (…). Une vaste foule s’était rassemblée dans la cour devant la maison, à l’avant de la grange et sur les côtés (…). Au milieu de l’arc dessiné par la foule se trouvait l’énorme roche grise, intimidante, mystérieuse. Elle faisait penser à une chambre, une pièce remplie de solide granit. Près d’elle se dessinait la vieille pierre tombale en ardoise, de style puritain. Elle commémorait le décès de mon arrière-grand-père qui portait le nom de John Brown comme mon père (…). À Une petite distance du rocher s’élevait un mât porte-drapeau, mais aucune bannière n’y flottait (…). Puis venait l’autre côté de la clairière, en pente raide vers le grand creux aux bosquets de feuillus en train de bourgeonner et les grandes étendues de conifères. Ensuite, le terrain montait graduellement vers les pics enneigés. Plus haut que les montagnes, des nappes de ciel gris menaçant s’étendaient au-dessus de nos têtes, à l’avant comme à l’arrière, nous recouvrant tous à la manière d’une voûte. C’était pour moi un spectacle merveilleux ».

Russell Banks, Le Pourfendeur de nuages (traduction Pierre Furlan, Actes Sud)

© Philippe Bazin