Le second épisode des aventures de Choc est en pré-publication dans Spirou magazine depuis quelques semaines. Retour sur le premier opus signant le retour de l’ennemi juré de Tif et Tondu dans un diptyque sombre et violent écrit et dessiné par Colman et Maltaite : Les Fantômes de Knightgrave.
En avril 1984, la couverture du numéro 2400 de Spirou magazine marquait le retour de l’emblématique Monsieur Choc avec cette accroche « Attendez-vous à un Choc ! ». Trente ans après sa dernière (ré)apparition, Colman et Maltaite ressuscitent le légendaire et énigmatique méchant de papier.
Génie du crime, alter ego machiavélique, simple faire-valoir ou figure antithétique du héros, le méchant de fiction exerce depuis toujours fascination et intérêt. Parce qu’il est l’ennemi du bien, de l’ordre établi (souvent incarnés par le « gentil »), le « vilain » (mot emprunté aux comics) incarne le mal dans une conception assez manichéenne des rapports au monde. En bande dessinée, la liste des pires ennemis est d’ailleurs (presque) aussi longue que celle des protagonistes (au sens théâtral du terme) : Olrik (Blake et Mortimer), Axel Borg (Lefranc), Rastapopoulos (Tintin), Zantafio et Zorglub (Spirou et Fantasio), L’Ombre jaune (Bob Morane)… Les destins de ces personnages que tout oppose sont extraordinairement liés, pour ne pas dire fraternels. Maintes fois défaits, vaincus voire emprisonnés, les Olrik, Iznogoud et autres Dalton n’ont eu de cesse de croiser la route de Blake et Mortimer, Haroun El Poussah ou Lucky Luke. Sans l’énigmatique Choc et son heaume rutilant, Tif et Tondu n’auraient peut-être pas eu la même destinée. On pourrait même croire que le héros ne doive son existence – sinon sa survie – qu’aux multiples récurrences de son ennemi juré. Car si les héros ne meurent jamais, l’une des caractéristiques des méchants est bien de devoir renaître ad vitam aeternam.

Avec Les Fantômes de Knightgrave, ce nouveau retour de Choc prend toutefois une tout autre dimension : Colman et Maltaite propulsent au premier plan un des plus célèbres vilains sans visage de la bande dessinée franco-belge et lèvent un certain nombre de voiles sur les origines du chef de la main blanche. Un retour aux sources qui promet un nouveau voyage, à rebours, dans les pas d’un méchant que l’on découvre né d’une mère française et d’un père soldat anglais pendant la première Guerre Mondiale ; on suit sa jeunesse malheureuse dans une Angleterre s’enfonçant dans la dépression et les grèves, en butte à l’autorité et à la rigidité de la société anglaise post-Edouardienne. Le mythe peut alors prendre corps.


Si le mystère qui entourait le personnage dans la série originelle (son identité secrète, sa cruauté, sa capacité à disparaître et à refaire surface en toute impunité…) s’estompe quelque peu, il apparaît que le bandit froid et sans scrupule des aventures de Tif et Tondu gagne en intensité dramatique, en épaisseur. Et quitte le banc des méchants de papier qui n’ont d’existence que par leur antagonisme avec le « vrai » héros pour jouer (enfin) les premiers rôles.
Maltaite & Colman, Choc, Les Fantômes de Knightgrave (1ère partie), Dupuis, 88 pages couleur, 16 € 50. Seconde partie à paraître en 2016.