Après avoir été, pendant de nombreuses d’années, l’une des figures les plus emblématiques de l’anti-berlusconisme le plus fier, Nanni Moretti, récemment sollicité sur la situation actuelle de la politique italienne, a préféré s’abstenir de faire des commentaires, tout en déclarant être confus et en cherchant dès lors à éviter de dire des banalités.

Fini le « Caïman » qui se faisait conteur de la politique (et certainement pas à cause des ritournelles politiciennes désormais révolues), le Moretti « auteur cinématographique » revient sur le devant de la scène, dans un domaine où opposer le moralisme au manque de morale peut se révéler sans doute plus efficace que de jouer de la simple confrontation politique.
Finies donc les responsabilités, on revient à la sphère privée. On clame le renouvellement, le changement. Des propos d’autant plus encourageants qu’ils seront clairement énoncés par les personnages du dernier film en date de l’auteur, Mia Madre. Proposer de nouveaux schémas, faire quelque chose de nouveau, refuser la rhétorique, chercher la vérité dans les choses… Dans les films de Nanni Moretti on répète tout cela jusqu’à l’épuisement, et ceci depuis de nombreux années, sans jamais pour autant avoir la capacité d’en montrer la volonté, et ceci, en utilisant tout simplement le regard.

Mia Madre se présente ainsi comme l’habituel échantillon de nannimorettismes. Et cela notamment à cause de l’énième et exténuant autoportrait du réalisateur aux prises avec son cinéma inexistant, postiche, et assurément en dehors de toute réalité. Comme c’est le cas quand, de manière flagrante, le film se devrait d’habiter le réel (le film que l’on tourne sur l’usine occupée), ou comme c’est également le cas quand le film se lance dans un registre de fantaisie (le film qu’à chaque fois on aimerait faire à la place de celui qu’on est en train de réaliser. Mais est-il bien vrai que ce dernier est autant souhaité ? Ici le film imaginaire aurait dû être un film d’amour, séquence heureusement coupée lors du montage et visible seulement en DVD (déjà sorti en Italie).

Parmi ces nannimorettismi, on retrouvera aussi quelques saupoudrages d’auto-analyse, la toujours lancinante chansonnette, les rêves, le stéréotype de l’acteur américain canaille (John Turturro) utilisé comme défense et illustration du sérieux et de la gravité intellectuelle européenne (même si elle n’a véritablement rien à dire), et l’immanquable et inutile personnage de Nanni Moretti joué inévitablement par Nanni Moretti. A tel point que l’on ne comprend pas pourquoi ce personnage ne se nomme plus Michele Apicella mais a décidé de prendre un autre prénom ici, en l’occurrence Giovanni.

Face à un modèle de cinéma aussi obstinément autoréférentiel, il est inévitable que le public et la critique se partagent en différentes factions : ceux qui louent jusqu’à la mort le film en faisant abstraction de tout, et ceux qui, de la même manière, n’ont plus envie de continuer à subir les sermons qui, à tort ou à raison, semblent désormais devenus inévitablement datés, probablement, et en particulier par-dessus tout, pour un public italien.
Aucun élément dans Mia Madre ne peut nous faire croire que nous sommes en 2015 plus qu’en 1995 ou encore en 2005, si ce n’est que tout commence à partir d’un événement personnel (ici la perte de la mère, ailleurs la naissance d’un fils).
Pour définir provisoirement l’un des rêves dans le film, le réalisateur n’a rien trouvé de mieux que de construire une séquence où une file kilométrique de personnes se retrouve véritablement à faire la queue pour aller voir Les Ailes du désir (paradoxal exemple par ailleurs de ce qui nous est resté de plus pompeux du cinéma des années 1980).
Ce qui anoblit Mia Madre est bien plutôt à chercher du côté de l’interprétation intense et généreuse de Margherita Buy (Margherita) et Giulia Lazzarini (Ada), tout compte fait vite ternie hélas par des redondances qui accompagnent l’évolution narrative si sommaire et si pauvre du film. Le travail demeure ainsi inerte et empreint d’une stupeur devant la sensation que la vie a déçu nos attentes et qu’il n’y a désormais plus rien d’autre à faire que d’essayer de la rendre supportable.

Celui qui fut splendide a vingt-ans (Je suis un autarchique), qui se croyait splendide aussi à 40 (Journal intime) et qui, ayant dépassé le seuil des 60 ans, s’est désormais résigné à l’idée qu’il n’existe plus rien de splendide, fait de nouveau se plier le cinéma à la réalité sans jamais tenter d’amorcer le processus inverse. Délivrant ainsi la conclusion que l’expression « casser les schémas, casser les règles » demeure juste une réplique qui tourne à vide, une réplique convenue toute droit sortie d’un scénario jamais mis en scène.
par Roberto Joris
traduction de l’italien par Simona Crippa
°°°
Nannimorettisimi, Mia Madre
Roberto Joris
Dopo essere stato per anni una delle immagini pubbliche del più fiero anti – berlusconismo Nanni Moretti, interpellato sulla situazione attuale della politica italiana, ha preferito recentemente astenersi dal fare commenti dichiarando di essere confuso e di volere evitare pertanto di dire banalità.
Sparito il Caimano dalla politica che conta (e non certo a causa dei girotondi di ormai antica memoria) Moretti torna ad essere solo “Autore Cinematografico”, settore nel quale contrapporre moralismo alla mancanza di morale potrà senz’altro risultare più efficace di quanto non lo sia stato nel confronto politico.
Si torna quindi al privato, basta assunzioni di responsabilità. Rinnovamento, cambiamento.
Propositi altrettanto incoraggianti vengono enunciati dai personaggi del suo ultimo film ; abbattere i propri schemi, fare qualcosa di nuovo, rifiutare la retorica, cercare la verità delle cose…nei film di Nanni Moretti lo si ripete fino allo sfinimento, da anni, senza avere mai la capacità di mostrarne la volontà utilizzando semplicemente lo sguardo.
Mia Madre rimane così il consueto campionario di nannimorettismi . In primis l’ennesimo estenuante auto-ritratto di regista alle prese con un cinema inesistente, posticcio e assolutamente fuori dalla realtà , sia quando dovrebbe essere vero (il film che si sta girando sulla fabbrica occupata) sia quando rimane a livello di fantasia (il film che ogni volta si vorrebbe fare – ma sarà poi vero? – al posto di quello che si sta facendo. Qui doveva essere un film d’amore , sequenza fortunatamente scartata in sede di montaggio e visibile nelle scene tagliate del dvd).
Ritroviamo poi qualche spruzzata di auto-analisi, la solita canzone, i sogni, lo stereotipo dell’attore americano cialtrone a difesa della seriosità e gravità intellettuale europea (anche in caso non ci sia nulla da dire) e l’immancabile e inutile personaggio Nanni Moretti recitato da Nanni Moretti; al punto che non si capisce perché non si chiami più Michele Apicella ma abbia preso altri nomi (qui Giovanni).
Di fronte a un modello di cinema così ostinatamente auto-referenziale è inevitabile che pubblico e critica si dividano in opposte fazioni; chi esalta a prescindere e chi, probabilmente altrettanto a prescindere, non ha più voglia di continuare a sorbirsi sermoni che a torto o a ragione sembrano ormai inevitabilmente datati, forse soprattutto per il pubblico italiano.
Non c’è nessun elemento in Mia Madre che possa farci credere d’essere nel 2015 anziché nel 1995 o nel 2005 se non partendo da un evento personale (qui la perdita della madre, altrove la nascita di un figlio).
Per definire temporalmente uno dei sogni non si trova di meglio che costruire una sequenza dove una fila chilometrica di persone è in coda per entrare a vedere Il Cielo Sopra Berlino (esempio davvero paradossale, tra l’altro, di quanto di più retorico ci sia rimasto in eredità dal cinema degli anni ’80) .
A nobilitare Mia Madre restano le intense e generose interpretazioni di Margherita Buy e Giulia Lazzarini ma sfrondato dalle ridondanti sottolineature che accompagnano la scarna evoluzione narrativa rimane un lavoro sostanzialmente inerte e intriso di un ineluttabile senso di stupore verso la sensazione che la vita si sia rivelata diversa da come ce la si aspettava e che non si possa fare altro che renderla sopportabile.
Quello che fu uno splendido ventenne ,che si credeva splendido anche a 40 anni e che superata la soglia dei 60 si è ormai rassegnato all’idea che di splendido non ci sia più nulla, piega ancora una volta il cinema alla realtà senza nemmeno tentare mai di innescare il processo inverso. Lasciando che – rompere gli schemi – rimanga esclusivamente la solita battuta di sceneggiatura.