On entend une brève, d’abord au conditionnel. Puis confirmée, développée, commentée ad lib. : l’horreur, un centre médical de Médecins Sans Frontières bombardé par l’armée américaine à Kunduz, des morts, des blessés, des disparus. Et l’on pense au très beau J’ai vu un homme d’Owen Sheers, à son roman tout entier centré sur les « dommages collatéraux », collectifs, intimes.
A son personnage, Daniel McCullen, aux images qui le hantent, dont il tente de se défaire. Cette frappe aérienne, chirurgicale dit-on, le Predator visant « les mouvements de Hafiz Mehsud, numéro trois du groupe taliban Tehrik du Pakistan ». Daniel pilote le drone, on lui signale deux véhicules, il vise, il frappe. « Les véhicules étaient en feu. Les quelques corps gisant brûlaient eux aussi. (…) « Beau boulot, commandant, bien joué« . »
De fait, une équipe de journalistes, « Caroline, son rédacteur en chef britannique, un cameraman suédois et leur interprète et chauffeur pakistanais avaient été tués. Parmi les victimes, il y avait aussi un garçon de quatorze ans ». L’armée étouffe l’affaire, l’homme qui a appuyé, lui, devra survivre au poids de sa faute, et Michael Turner à la mort de sa femme Caroline.
« La guerre, avait appris Daniel, n’était jamais simple ». La littérature, elle, éclaire.
Owen Sheers, J’ai vu un homme, traduit de l’anglais par Mathilde Bach, Rivages, 352 p., 2015