Futurs bacheliers, futurs agrégés, férus de philosophie, oubliez vos dictionnaires, remisez vos encyclopédies universelles au savoir vieux de 3000 ans, rangez vos annales qui (à ce stade) sont devenues obsolètes, avec la parution de La Planète des sages, Encyclopédie mondiale des philosophes et des philosophies de Jul et Charles Pépin.
La Planète des Sages est née de la rencontre entre Charles Pépin, philosophe, écrivain et Jul, dessinateur de presse. Un croisement (les intéressés me permettront cette image) surprenant de prime abord puisque leur projet de condenser 3000 ans d’histoire de la philosophie en 121 pages pouvait relever de la gageure. Voire de la mission impossible.
Il n’en est rien bien au contraire : ils sont tous là ou presque. Et les tenants de « l’amour de la sagesse » y trouveront leur compte autant que les amateurs de cet art dit pas sérieux qu’est la bande dessinée. Parce qu’il faut le dire, La Planète des sages est ouvrage (en partie) sérieux.

Didactique, cette encyclopédie convoque Nietzsche, Diogène, Leibniz, Hegel, Kant, Platon, Jankélévitch, Derrida, Foucault… Pédagogique et drôle, ce livre aborde le Lamaïsme, la déconstruction, l’épicurisme et le Talmud en une approche résolument moderne (il ne faut surtout pas dire moderniste) en appariant Boudha et Second Life, Wittgenstein et le Rubik’s cube, le Collège de France et la carte scolaire… Tout un programme, dirait Luc Ferry.
Mais au risque de décevoir les lecteurs qui voudraient retrouver dans ces pages les Comte-Sponville, Onfray et autres penseurs médiatiques d’aujourd’hui, ce n’est pas par timidité ou crainte d’une quelconque vindicte que les auteurs n’abordent que des penseurs disparus… Dans l’interview accordée à Papiers à Bulles, Charles Pépin revient longuement sur ce point. Présentés sous la forme de portraits courts (vie, œuvre, pensée), les textes de l’un répondent aux dessins de l’autre par des dialogues que ne renieraient pas Platon et Socrate et l’on pourrait même y voir une forme de maïeutique tant l’ironie et l’humour de Jul permet à Charles Pépin d’exprimer, de souligner (voire de réfuter) les croyances et courants de pensées mis en avant dans La Planète des sages.

Jul joue de l’ironie et du décalage, Charles Pépin rectifie, pondère ou appuie. Les dessins mettent tour à tour en scène Montaigne, La Boétie, Freud, Thérèse d’Avila, dans de drôles de postures anachroniques. Dessins qui n’oublient pas d’être subtils avec des gags écrits et possédant un second degré certain.
Charles Pépin : « Dans le cas de Hegel, le dessin de Jul met en scène un ado qui s’en va taper sur Hegel au lieu d’aller taper sur Google… En fait, tous les philosophes qui sont venus après Hegel (l’existentialisme de Sartre, la déconstruction jusqu’à la phénoménologie) sont des gens qui n’avaient qu’une seule idée en tête, c’était de taper sur Hegel. Je trouve que le dessin met très bien en relief cet aspect et au delà de l’humour, partir du dessin m’a permis de vivre une expérience nouvelle très riche. »
La Planète des sages, la seule véritable « Sartre Academy » en bande dessinée.

Charles Pépin et Jul, La Planète des sages, Encyclopédie Mondiale des philosophes et des philosophies, Dargaud, 19 € 95