Matt Arquette a déchiré le film plastique et il est parvenu à la porte qui séparait la pièce de l’atelier où Ricard fabriquait des circuits imprimés sous mes ordres, en pensant que si ma mère le voyait elle lui reprocherait à nouveau de rôder là où il n’est pas autorisé : je ne vois pas ce que ma mère venait faire dans cette histoire mais Matt a aperçu le Consul, de dos.

Un jour j’ai pris un car à Vientiane et le soir j’ai marché au bord du Mékong, pas pour me réfugier là-bas ; pas pour me cacher à Luang Prabang ou me réfugier dans un temple, changer de visage ou changer de nom, troquer mon corps contre un corps antérieur, une silhouette plus souple, une pensée plus fluide, non : pour trouver une issue à la peur, pas quelque chose qui lutterait contre elle, qui lui répondrait par une violence équivalente ou une brutalité identique, plutôt un subterfuge, une solution oblique dans un monde intermédiaire, suivre les chemins des serpents, suivre les ondulations des nâgas dans leurs royaumes liquides, passer en Thaïlande, longer les lacs et les marais jusqu’au Cambodge, les canaux, les rizières, m’égarer dans la jungle d’Angkor.

Parmi mes propositions de jeunesse, Roberto Bolaño relève la restauration de l’Inquisition, les châtiments corporels publics, la guerre permanente soit contre les Chiliens soit contre les Paraguayens ou les Boliviens comme une forme de gymnastique nationale, la guerre permanente contre les écrivains castristes et les écrivains sandinistes comme une gymnastique intellectuelle, la polyandrie,

Dans La Deuxième Disparition de Majorana qui est une réponse au célèbre opuscule de Leonardo Sciascia, Jordi Bonells raconte comment, sous le prétexte d’une recherche pour le CNRS sur ce qu’il appelait alors « la mise en dictature du roman » et sur les trajectoires personnelles des écrivains argentins pendant la dictature militaire, il se rend à Buenos Aires pour retrouver les traces d’Ettore Majorana qui aurait vécu sous un faux nom en Amérique du Sud entre 1939 et 1976.

LIVRE. Dans « Continuité des parcs », Julio Cortázar raconte que j’avais commencé à lire le roman quelques jours auparavant, dans un café où j’avais rendez-vous avec un homme qui n’est jamais venu, et que je l’ai abandonné à cause d’affaires urgentes puis que je l’ai ouvert de nouveau dans le train, en retournant dans ma propriété ; ou alors je ne l’ai pas reconnu mais il était au fond de la salle, il m’observait. Il prenait des notes.

Dans La Carte au trésor, Mo Yan raconte comment je rencontre par hasard un vieux camarade de classe sur l’avenue Chang’an, non loin de la place Tian’anmen, et comment à la suite de cette rencontre je l’emmène dans un petit restaurant de raviolis qui contient trois tables et neuf tabourets, tenu par un vieux à la tête entièrement blanche et une vieille au visage tapissé de rides qui ont trois cents ans à eux deux.