Prince
Voilà bientôt une année, comme par surprise à soi, que Prince nous a quittés, jour pour jour. Ce sinistre premier anniversaire est marqué par la sortie d’un EP inédit, Deliverance, sans doute écrit et interprété entre 2006-2008, période féconde pour celui qui se faisait appeler The Artist mais aussi par une somme de biographies dont on retiendra, lumineuse, érudite et généreuse, celle d’Alexis Tain, Prince : Le Cygne Noir à la Découverte.
Car on le sait désormais depuis un an, comme une rumeur folle, comme une évidence indépassable : Prince n’aura vécu que 8 ans.
Depuis 1980, Prince n’a cessé de s’inventer depuis sa mort, depuis ce qu’il a pressenti être son irrémédiable disparition à chacun, depuis ce moment où, sans que l’on sache quand, dans une scène primitive, noire et dérobée, il aura su sans doute voir combien sa musique devait procéder avec méthode d’une Apocalypse d’outre mesure et d’outre temps.
Sans doute Prince pourra-t-il demeurer dans les mémoires chacune pour avoir été le premier musicien né après la musique. Sans doute, comprend-t-il, un soir d’avril 1980 alors qu’il vient achever quelques dates de sa première tournée, dans un temps décidément où il ne parvient pas encore à naître à lui-même en dépit de déjà deux albums où sa voix tente de forer le lisse de toute chanson, sans doute saisit-il ainsi au volant d’une voiture dont le souvenir est inconnu de nous que toute chanson est finie.
On le sait désormais depuis hier : Prince n’aura vécu que 8 ans. Quand ce 21 avril 2016, dans la stupeur hagarde mondiale, tremblante de savoir que l’irrémédiable lui était advenu, quand son corps s’est éteint dans un cri mat au cœur d’un ascenseur ignoré de son bunker blanchotien de Minneapolis, voilà longtemps déjà que Prince était déjà pourtant mort à lui-même le sachant, que la vie l’avait déserté, qu’il avait été abandonné de lui, qu’il avait fait de sa propre désertion à être l’accomplissement ultime d’une existence dont la biographie lui importait peu.
Nothing compares to U, Prince, rainbow child, and doves cry.
Dearly beloved
We are gathered here today
To get through this thing called life*
La mort d’un artiste a toujours un effet miroir égoïste un peu étrange. Le monde pleure Prince aujourd’hui. Quelques heures après l’annonce de sa mort, on fredonne, on réécoute Kiss, Cream, Purple rain, Alphabet Street, Raspberry Beret, Girls and Boys… On repense à ce que l’on faisait à ce moment-là. On se souvient et l’on se dit que l’on a perdu quelque chose, qu’un peu de notre propre vie part avec lui.