Duras a toujours été une créatrice contre. Elle a écrit contre l’écriture, elle a fait du cinéma contre le cinéma, elle a fait du journalisme contre le journalisme, elle a traduit contre la traduction. De ce dernier pan de son activité créatrice, on en parle peu. Et pourtant elle l’a pratiqué et toujours avec le génie qu’on lui reconnaît.

« J’ai beaucoup d’estime pour le roman. J’ai toujours pensé que pour être un romancier il faut être génial alors que pour travailler dans le domaine des sciences humaines il suffit d’être intelligent » déclare Edgar Morin au micro de France Culture lors d’un entretien avec Alain Veinstein le 15 décembre 2008 pour l’émission « Du jour au lendemain ».

Là où l’histoire se termine, le quatrième roman d’Alessandro Piperno, est une interrogation aiguë de la filiation et des soubresauts de l’histoire contemporaine, quand tout se fragmente et implose. Mêlant récit intimiste et peinture sociale pour composer une comédie drôle, féroce et parfois mélancolique, le romancier italien sonde l’histoire récente (le terrorisme européen) et révèle les dessous de la haute société romaine, une « bonne société qui n’avait plus de nom à présent, ni de prestige, ni de distinction, rien, que des stocks options, des notifications d’ouverture d’enquêtes judiciaires, quelques mauvais pressentiments de caste » . Quelque chose se termine, en effet.
En mars dernier, Alessandro Piperno a accordé un long entretien à Simona Crippa et Christine Marcandier, pour Diacritik.

Sur France 2 était diffusé ce printemps – et cela ne manquera pas de l’être ces jours-ci au programme des rediffusions au rythme du désœuvrement de l’été – un mini et ridicule reportage signé Loïc Prigent (« La Brigade du Stup’ » dans Stupéfiant !, mars 2017) sur Marguerite Duras qui utilisait tous les poncifs réactionnaires sur cet auteur majeur du XXe siècle.

Les 15 et 16 juin 2017 aura lieu à l’Université de Toulon une conférence internationale qui s’interrogera sur les circulations méditerranéennes.
Poser la question des voies et des échanges, c’est s’interroger sur les conditions – tant concrètes que mythiques – et sur les modes opératoires qui ont contribué, dans la très longue durée, à construire cet espace commun qu’on appelle mare nostrum.

« Quand Baudelaire parle des amants, du désir, il est au plus fort du souffle révolutionnaire. Quand les membres du Comité central parlent de la révolution, c’est la pornographie » : c’est ainsi que Duras témoigne de son intransigeance face à la parole de pouvoir. Dans l’entretien avec Michelle Porte publié à la suite du texte Le Camion en 1977, l’auteur proclame que le langage du poète est la poésie. Ce n’est pas une affirmation qui corrobore l’idée de l’art pour l’art, c’est plutôt le rejet d’une parole qui émane du système, une parole qui se veut autoritaire, et que Duras ne cesse de fustiger. La force du désir devient obscène si c’est la grande instance du Parti communiste, en l’occurrence, qui vole sa voix au poète. Le poète existe d’abord parce qu’il chante le temps de l’amour et non parce qu’il presse le temps de la Révolution. Son chant est révolutionnaire parce que la poésie est subversive et dans ce sens, les vers peuvent pressentir le changement des temps et agir sur lui. Mais pour Duras, la poésie est éternelle si elle demeure au sein d’un esprit libre.

Vous vous souvenez sans doute de la musique de la série des Angélique, celle des Tontons flingueurs ou des Barbouzes ou de Fantômas ? Sans doute savez-vous que c’est Michel Magne qui a composé toutes ces notes que vous fredonnez encore. Véritable génie créatif, il est passé de la musique concrète à la variété pour ensuite se consacrer à la musique de film.

Ce que Ginevra Bompiani dit à ses lecteurs dans Pomme Z, c’est que l’humanité et le vivant valent plus que toute langue, plus que toute littérature, plus que toute autre idée d’absolu. La langue est loin pour elle d’être un outil conceptuel, la langue est une émotion, un moyen pour ressentir les autres, pour les approcher. Le mot est un mot surtout parce qu’il fait l’expérience de la voix et parce qu’il va à la rencontre du monde. Dès lors écrire pour Ginevra Bompiani, signifie porter à la connaissance du lecteur ces rencontres qui ont percé, nourri, accru sa vie mais qui auraient pu être comme « transcendées » si elle n’était pas un peu restée en deçà, si elle avait su faire taire cette forme d’émoi, de délicatesse de discrétion qui l’a inévitablement séparée des chemins de personnes rencontrées.

C’est sans doute en lisant Écrire qu’il est possible de découvrir la rose par excellence de l’univers Duras. Écrire, ce texte où, si proche de la mort, l’écrivain place, déplace et replace la souveraineté de l’écriture. Publié en septembre 1993, deux ans et demi seulement avant sa mort, ce recueil peut être considéré comme le livre-testament de l’auteur.