Duras : « La littérature, tout lui appartient. Elle prend et refait » (1/2)

Sur France 2 était diffusé ce printemps – et cela ne manquera pas de l’être ces jours-ci au programme des rediffusions au rythme du désœuvrement de l’été – un mini et ridicule reportage signé Loïc Prigent (« La Brigade du Stup’ » dans Stupéfiant !, mars 2017) sur Marguerite Duras qui utilisait tous les poncifs réactionnaires sur cet auteur majeur du XXe siècle. On se demande comment ce genre de chose peut encore exister et faire rire, c’est sans doute parce que Duras est une femme. Ce genre de chose qui passe à la télé pour distraire, est une information de l’à peu près dont s’inquiétait déjà Duras. Parmi les bêtises divulguées, il y en a une que tout spectateur peut vérifier : oui, il existe bien une Pléiade Duras depuis 2014, cher Loïc Prigent, c’est un excellent travail mené par de grands durassiens comme Bernard Alazet, Sylvie Loignon, Florence de Chalonge, Marie-Hélène Boblet. Il ne s’agit pourtant pas de cinq tomes mais de quatre. Vous avez mal compté, le cinquième est le célèbre « album » qu’accompagne toute Pléiade, un magnifique album dont s’est occupée l’indépassable Christiane Blot-Labarrère. On se disait avec Johan Faerber qui m’a signalé depuis son lieu de vacances, par texto, cet énième abrutissement anti-Duras qu’on n’avait pas vu passer, que le ridicule ne tue pas précisément parce qu’il fait partie intégrante du culte de la banalité dont est friande la télé.

Dès lors, chers lecteurs, comment redéfinir ce style Duras qu’on caricature si grossièrement et sur lequel on ne cesse de revenir ? Il est vrai que Duras s’est absolutisée, enfin, elle ne s’est pas érigée en écrivain absolu mais elle a vécu totalement son être écrivain, elle l’a donné à lire, elle l’a donné à voir.

Ce qu’elle appelle son « uniforme M.D. » (le col roulé, le gilet, la jupe cigarette, les bottines) n’est pas sans lien avec une écriture qui lui colle à la peau et la définit, comme un Verbe qui se fait chair. Et elle le sait cher Loïc Prigent, elle en joue, ce n’est pas vous qui le découvrez :

J’ai un uniforme depuis maintenant quinze ans, [écrit-elle dans La Vie matérielle] c’est l’uniforme M.D., cet uniforme qui a donné, paraît-il, un look Duras, repris par un couturier l’année dernière : le gilet noir, une jupe droite, le pull-over à col roulé et les bottes courtes en hiver. J’ai dit : pas coquette, mais c’est faux. La recherche de l’uniforme est celle d’une conformité entre la forme et le fond, entre ce qu’on croit paraître, entre ce qu’on croit être et ce qu’on désire montrer de façon allusive dans les vêtements qu’on porte. On la trouve sans la chercher vraiment. Une fois trouvée, elle est définitive. Et elle finit par vous définir.

Ce qui unit ce lien opératoire dans l’écriture, « forme et fond », unit aussi « être » et « paraître » et donne bien naissance à un style Duras, à ce « look » qu’on ne peut confondre. Ce n’est pas sans une certaine ironie que l’écrivain procède à cette mise en scène de soi, elle qui a le goût du paradoxe et du scandale. Barthes par ailleurs ne la nommera que par ces initiales « M.D. », pour entrer en polémique avec elle, réduire la valeur de l’écrivain, ainsi que pour parodier précisément ce style de nomination qu’elle adopte aussi pour ses personnages. Vous voyez cher Loïc Prigent, un grand illustre bien avant vous, a tenté de rabaisser la notoriété déjà grandissante de Duras. L’auteur du Ravissement de Lol V. Stein, si attentive à la description des robes de ses figures féminines, ne manque pas de se dresser en personnage romanesque en se dotant d’un « uniforme ». Elle se construit, les femmes doivent toujours lutter pour être présentes sur la scène publique. Voilà donc un auteur qui se double d’un personnage, « M.D. », ce personnage qu’elle a déjà fait évoluer dans son œuvre à travers notamment la dame du Camion (ah, ce film si abstrait ! Non pas « une buse », un film visionnaire !). On reconnaîtra dans cette figure de la « conformité », la figure de la « banalité » que représente la dame auto-stoppeuse qui est aussi écrivain dans le film. Duras renvoie d’ailleurs à Duras dans sa conversation avec Dominique Noguez à propos du film : « La description physique de cette femme correspond à la mienne. Je la vois comme moi. C’est la seule fois où ça me soit arrivé, dans la littérature et dans le cinéma. Je me suis vue. Avec cette valise. La banalité. J’ai pensé à moi. ». L’auteur reviendra sur cette comparaison dans un texte centré précisément sur l’écriture, sa somme théorique, Écrire : « Moi je ressemble à tout le monde. Je crois que jamais personne ne s’est retourné sur moi dans la rue. Je suis la banalité. Le triomphe de la banalité. Comme cette vieille dame du livre : Le Camion». M.D. est d’ailleurs, depuis 1983, un livre signé par Yann Andréa et dont Duras est le sujet.

Ce rapprochement entre le vêtement et l’écriture tient certes du paradoxe, mais on voit que Duras fait souvent cette association. C’est comme à vouloir souligner les quelques traits caractéristiques de son écriture. Duras en effet inscrit dans son œuvre la parole du scandale et la parole du mythe à travers l’emploi respectivement de l’hyperbole et de l’anaphore. Deux régimes qui offrent à lire la tension qui se manifeste sans cesse dans l’espace littéraire durassien entre le désir de dire et celui d’effacer (Les pauses Loïc Prigent, les pauses ! Ce n’est pas une incapacité de dire, mais une mise en scène du silence !). Et cette tension qui prend déjà naissance dans cet uniforme de la banalité à la fois termes de paradoxe et de retrait. On soulignera ici deux caractéristiques essentielles de l’écriture M.D. : excès et incantation.

M.D. excès 

« Elle exagère Duras… J’ai ça inscrit sur le front », confie l’auteur à Patrick Poivre d’Arvor dans un entretien télévisé en 1990. A cette époque Duras est un auteur fort médiatique. Depuis 1984, L’Amant, dont l’histoire fait scandale, l’a projetée sur les devants de la scène littéraire, ses papiers dans les journaux sont désormais suivis avec assiduité, son article « Sublime, forcément sublime Christine V. », publié dans Libération en 1985, crée un véritable événement à partir d’un événement déjà surmédiatisé. Un très large public sait désormais qui est Duras et prend des positions pour ou contre cette parole qui franchit le pas de la pudeur. Telle une « Pythie », Duras transforme un fait divers en univers fictionnel pour évoquer le crime d’un enfant. Ce dire qui déborde et choque, tient aussi de l’ordre de la séduction et de la fascination. Il marque par ailleurs toute la production de l’auteur et n’est pas spécifique à cette dernière période de médiatisation. Cette parole qui tend à être oraculaire, dont la voix « de sorcière et de sirène », écrira Claude Burgelin, enchante, et utilise notamment deux figures rhétoriques, l’hyperbole et l’anaphore, si représentatives de son style, de son écriture. Cette écriture qui porte en elle une force messianique, entre précisément en contact avec la réflexion sur la mort de l’auteur et sur l’autonomie de la littérature. Preuve que Duras ne cesse de se positionner dans le débat théorique de son époque. La force contraire de cette parole de l’excès et de la répétition, est celle qui ramène la littérature au silence, un attrait que Duras appelle de ses vœux : « La littérature, tout lui appartient. Elle prend et refait. ».

Duras Affaire Villemin Libération 17 juillet 1985 © Libération

Relier ces deux configurations stylistiques, c’est donner à lire le processus d’une œuvre qui s’amplifie et qui est en mouvement. Hyperbole et anaphore conduisent de la surdétermination à la vacance du sens, là où précisément nait et recommence à naître le texte de Duras. De fait, le mouvement de cette parole qui accentue, intensifie et revient sur le discours, se révèlera être comme un cri dans les déserts.

L’hyperbole met d’abord à l’épreuve. Elle dénonce l’illusion de l’histoire d’amour infini qui ne finit pas de se dire dans Le Marin de Gibraltar , cette « histoire à dormir debout » ; elle renvoie à la folie destructrice de la mer et de la mère, rien qu’à travers un titre : Un Barrage contre le Pacifique ; doublée d’un oxymore, l’hyperbole frappe la mémoire collective encore effrayée par l’atrocité de la guerre avec un titre choc : Hiroshima mon amour ; elle marque d’absolu l’unicité d’un partenaire sexuel : L’Amant ; elle donne comme définitif le contenu d’un texte qui n’a que pour seul titre un sujet pour le moins insondable : L’Amour ; elle paraît avoir la prétention de nous révéler les arcanes de la souffrance : La Douleur ; et semble clore de manière décisive et irrévocable la production de l’écrivain qui pourtant est maître du récit illimité, par un titre fort concluant : C’est tout.

Jean-Luc Nancy écrit dans La Communauté désœuvrée « Sans doute, l’écrivain est toujours en quelque façon le conteur du mythe » : c’est précisément pour cette raison que Duras convoque l’hyperbole qui frappe la mémoire du lecteur et la mémoire collective, sollicitant aussi le goût du scandale, dont l’inconscient communautaire est friand. Dans L’Invention de la mythologie, Marcel Détienne lie les critères de la mémoire et celui du scandale, qu’il considère comme nécessaires à l’avènement du mythe et indispensables à la réalisation de la communauté : « nulle civilisation », écrit-il, « ne peut s’accomplir sans avoir éprouvé, ressenti le caractère scandaleux du discours mythique ». Toute fiction devient ainsi plus facilement mythique si quelque chose en elle gêne, choque la morale et accroche par là la pensée. Duras le sait et l’affirme : « la littérature est scandaleuse ».

L’amour qui se fait sur les décombres de la guerre est ce scandale qui se lit déjà sur les mots qui s’entrechoquent dans le titre d’Hiroshima mon amour. Dans le texte, une phrase hyperbolique et anaphorique ne cesse de dire l’aveuglement provoqué par le scandale de la guerre « Tu n’as rien vu à Hiroshima. Rien. A utiliser à volonté. ». Comme le fait remarquer Dominique Noguez, « l’hyperbole chez Duras, est presque constamment négative ». Car l’hyperbole fait écho au désespoir qu’on lit aussi dans une autre affirmation hyperbolique qui dit cette cécité, cette incapacité de savoir dans La Douleur : « Il [Robert L./Robert Antelme] a écrit un livre sur ce qu’il croit avoir vécu en Allemagne : L’Espèce humaine. ». Ni dans un cas ni dans l’autre, Duras ne veut confier à une seule voix de l’énonciation cette parole qui saurait mieux qu’une autre dire, voir et comprendre l’horreur de la guerre. Cette connaissance annoncée hyperboliquement n’en est pas une. Elle renvoie précisément à l’impossibilité du dire qui se produit à travers l’effet inverse recherché généralement par l’hyperbole. C’est un cri de douleur dans le silence. Dans le « Synopsis » qui précède le texte de Hiroshima, Duras écrit : « Impossible de parler de Hiroshima. Tout ce qu’on peut faire c’est de parler de l’impossibilité de parler de Hiroshima. La connaissance de Hiroshima étant a priori posée comme un leurre exemplaire de l’esprit. ». L’hyperbole absolue est alors Hiroshima. Le fait qui n’aurait pas dû se produire, c’est Hiroshima. C’est la guerre. C’est le meurtre généralisé de la bombe et des camps. Dans une conférence à Montréal en 1981, Duras reviendra sur cette difficulté qui a été la sienne à approcher cet événement que même l’hyperbole ne peut saisir.

Giorgio Agamben, dans Ce qui reste d’Auschwitz analyse les conditions de possibilités du témoignage de la guerre en partant du paradoxe de Primo Levi selon qui le témoin intégral est celui qui ne peut témoigner. Duras n’est pas un témoin direct. Elle n’a pas vécu Hiroshima, elle n’a pas été prisonnière dans les camps. Elle a vécu cependant la guerre, et dans l’attente de son mari Robert Antelme. Mais Duras s’avance sur la ligne de l’Histoire à travers l’écriture. C’est un conteur. Et c’est le conteur par qui passe l’indicible. C’est ici que se situent donc les deux phrases hyperboliques qui se font écho : « Tu n’as rien vu à Hiroshima » et « Il a écrit un livre sur ce qu’il croit avoir vécu en Allemagne : L’Espèce humaine. ». Le questionnement est ici d’ordre philosophique. Comment pouvoir dire l’innommable ? Comment l’auteur peut-elle dire cette atrocité éternelle qu’est la guerre ? Ici la réalité se fait mythe pour se dire à travers ce discours qui se sert de l’hyperbole et qui rendra cette parole mémorable, mais, surtout, immémoriale.

C’est pour cette raison aussi que Duras décide de toucher à l’interdit. La parole qui dit Hiroshima surgit alors d’un lit d’hôtel. C’est une « évocation sacrilège », « volontaire », Duras le souligne. Comme si, seul en offrant d’emblée à lire et à voir le scandale par le scandale, Duras pouvait dire Hiroshima. L’hyperbole met ainsi à l’épreuve la conscience collective tout en mettant à l’épreuve la conscience de l’auteur. Tout sera donc inscrit dans l’excès : « Hiroshima sera le terrain commun (le seul au monde peut-être ?) où les données universelles de l’érotisme, de l’amour, et du malheur apparaîtront sous une lumière implacable. Partout ailleurs qu’à Hiroshima, l’artifice est de mise. A Hiroshima, il ne peut pas exister, sous peine encore d’être nié. ». Aussi, Sylvie Loignon rappelle à juste titre ce que disait Robbe-Grillet à propos du « tabou » qui obsède Duras de « coucher avec un allemand », tabou auquel l’auteur fait référence « toutes les fois qu’elle veut mettre en scène l’innommable ». Sylvie Loignon associe ainsi la liaison entre l’enfant et le Chinois dans L’Amant et entre la femme et le Japonais dans Hiroshima mon amour. Dans ce dernier adultère se reflète le déshonneur de cette femme française qui se souvient avoir été tondue pour avoir eu, dans sa jeunesse, une liaison avec un allemand. Ainsi la présence de Betty et Ramon Fernandez, qui renvoie à la collaboration dans L’Amant, fait fonctionner le même procédé qui découle de l’impudeur et de la transgression pour arracher la parole au silence, mais pour la lui rendre aussitôt.

L’amour et la passion s’inscrivent dans le mythe à travers l’hyperbole qui ne cesse de dire l’extrême de leur essence. Dans India Song c’est l’indétermination qui dit un amour paradoxal et mortifère : « Voix 2 / JE VOUS AIME JUSQU’A NE PLUS VOIR NE PLUS ENTENDRE. MOURIR… », les lettres capitales augmentent le caractère hyperbolique de l’affirmation. Vidées aussi de toute individualité, les voix désignées en tant que « Voix I » et « Voix 2 » dans La femme du Gange rendent à l’amour son caractère fabuleux. L’amour déraisonnable et impossible qui est « à jamais la frontière infranchissable », se dit entre deux êtres, prisonniers d’une histoire qui est Maladie de la mort. Encore un titre hyperbolique pour le récit d’un amour valétudinaire qui n’appelle que la fin des temps par sa « fatigue immémoriale ». Qu’il s’agisse d’un mythe à créer, ou d’un mythe à réécrire, l’amour passe par l’hyperbole. Duras dira à Xavière Gauthier de son hyperbolique marin : « Et peut-être, justement, encore, dans Le Marin de Gibraltar peut-être, on pouvait encore penser qu’il y avait un paradis, c’est-à-dire le moment où cette femme aurait connu le marin, dont on ne sait pas si c’est mythique ou réel à la limite. ». Dans Césarée, Duras réécrit le mythe de Titus et Bérénice, l’hyperbole les bâtit : « Césarée / Césarée / L’endroit s’appelle ainsi / Césarée / Cesarea / Il n’en reste que la mémoire de l’histoire et ce seul mot pour la nommer / Césarée / La totalité. / Rien que l’endroit / Et le mot. / ». L’hyperbole est ainsi le geste qui fait le mythe. L’amour est confié à la mémoire qui seule retient le nom et pourra renommer. Création ou variante, l’histoire chez Duras transmet ainsi ses éléments mémoriels à un espace de discours et rejoint aussi un autre critère fondamental du mythe selon Mircea Eliade : le sacré. Duras n’écrit-t-elle pas dans le préambule d’Albert des Capitales, une autre histoire liée à la guerre et au tabou de la torture : « Apprenez à lire : ce sont des textes sacrés » ? En effet, l’auteur met en place une mythologie individuelle dans son œuvre. Non pas parce qu’elle crée des structures symboliques comme dans les récits qui d’ordinaire mettent en place le mythe, mais parce qu’elle accorde à la parole cette « mémorabilité » dont parle Detienne en reprenant Levi-Strauss, qui est, comme on l’a vu, un critère essentiel de la culture du mythe. L’hyperbole renforce ainsi les contours de certaines assertions qui s’inscrivent dans une part secrète de l’oreille du lecteur, dans cette société anonyme qui est toujours prête à l’écoute partagée dont le mythe se nourrit.

De fait l’hyperbole converge vers « ce mot-trou » qui caractérise Lol V. Stein et qui fait sa perte, ce mot qui n’existe pas et qui est absence de discours et dit l’impuissance de toute nomination. L’hyperbolique « ravissement » de Lol V. Stein, n’est autre qu’une affirmation de l’échec du dire. L’hyperbole creuse le tombeau du langage. « L’hyperbole » écrit Bernard Alazet, « prend figure d’un saut dans le vide ». C’est ce qu’on retrouvera aussi dans La Pluie d’été, où l’enfant fantasmagorique qu’est Ernesto apprend toute connaissance avec une facilité inouïe. Pourtant cet abreuvage par les mots qui a lieu dans « l’éblouissement » de « cette sorte de lumière du livre », devra aussitôt avouer le néant qui l’attire :

Excusez-moi… C’est difficile à dire… Ici les mots ne changent pas de forme mais de sens… de fonction… Vous voyez, ils n’ont plus de sens à eux, ils renvoient à d’autres mots qu’on ne connaît pas, qu’on n’a jamais lus ni entendus… dont on n’a jamais vu la forme mais dont on ressent… dont on soupçonne… la place vide en soi… ou dans l’univers…

Bien que le vide s’étende à l’espace hyperbolique et très élargi de l’ « univers », c’est encore à la vacance du sens que la surdétermination du langage renvoie. Et place est toujours faite au vide et au silence, car, paradoxalement, même dans L’Amour on ne sait pas dire l’amour : « L’immobilité éclate, la bouche s’ouvre, aucun son ne sort, il fait encore l’effort de parler, n’y arrive pas ». L’hyperbole sert donc le mythe et l’alimente, joue de ses critères pour faire vivre le langage, pour donner à lire ce qui excède la vie. Mais au bout du voyage, ce qui compte, c’est de témoigner du désastre de cette parole qui essaie de dire, dans un atermoiement infini, l’impossibilité de toujours faire sens. Alors, l’auteur et le lecteur se retrouvent là où la séduction prend forme, car, comme l’écrit Blanchot « Le silence est peut-être un mot, un mot paradoxal ». Et, suspendus à la page qui n’appartient qu’à la littérature, ils veilleront ensemble à l’avènement d’un autre cri.