Anne-Lise Broyer : Comme l’oiseau borgne…

Anne-lise Broyer, Atlantique, dessin à la mine graphite sur papier photographique argentique fixé à blanc, 80 x 120 cm, 2023.

Alors que l’exposition d’Anne-Lise Broyer au Château de Tours vient de se terminer, les œuvres de la photographe peuvent être contemplées dans deux autres expositions ayant lieu à Paris, à la Galerie S et à la BNF.

Comme l’oiseau borgne
Comme Jeanne de France
Dans ta démence
Tu déferas le tien

On se croit d’amour
Oh, on se croit féroce enraciné
Mais revient toujours
Le temps du lien défait

Jean-Louis Murat, « Le lien défait », album Le manteau de pluie, 1991.

« Comme l’oiseau borgne…» est le titre qu’Anne-Lise Broyer a choisi pour sa première exposition à la Galerie S, à Paris (du 12 décembre 2022 au 24 février 2024). La Galerie S a ouvert ses portes il y a peu, sous l’impulsion de Sidonie Gaychet (sa directrice et fondatrice) et propose, au rythme de huit expositions annuelles, de montrer le travail d’artistes engagés dans l’exploration de différents médiums : photographie évidemment, mais aussi dessin, sculpture, installation et vidéo. Ce titre, qui invite à poursuivre la phrase, à persévérer dans la comparaison, est à la fois une discrète offrande au chanteur récemment disparu et un mot de passe qui nous permet de mieux déambuler dans l’exposition.

Il y est question de regard, d’œil (au singulier), de déplacements, de paysages. Ces liens défaits, sont à la fois ceux du deuil (la perte d’un artiste admiré) et ceux qui, avant d’être ainsi dénoués, contribuaient à ordonner le travail de l’artiste en différents faisceaux bien distincts. L’exposition, en effet, ne se focalise pas sur une série unique mais invite plutôt à un vagabondage à travers plusieurs d’entre elles : Le journal de l’œil (les Globes oculaires), Regards de l’égaré (achevée en 2016),  Le temps est caché dans les plis d’une fleur (achevée en 2021) et Le langage des fleurs (série toujours en cours). Un grand dessin sur papier argentique, bord de mer en négatif, conçu spécialement pour l’exposition, vient compléter la présentation. Loin de donner le sentiment d’un éparpillement, d’une dispersion, d’un désordre, l’accrochage – magistral – révèle au contraire la profonde cohérence de l’œuvre d’Anne-Lise Broyer, sa constance, son unité.

Unité visuelle, d’abord : un noir et blanc élégant domine l’ensemble, déclinant ses valeurs subtiles, entre matité et brillance, mais aussi, et cela d’une façon plus sibylline, plus souterraine, unité thématique et poïétique (« appelons poïétique l’ensemble des études qui portent sur l’instauration de l’œuvre, et notamment de l’œuvre d’art » ; René Passeron (dir.), Recherches poïétiques, Klincksieck, 1975 ; le mot « poïétique » a été employé par Paul Valéry dès 1937). Il faut ici décrire succinctement ce que sont les différentes séries présentées pour, ensuite, tenter de comprendre ce qui les rapproche.

Anne-Lise Broyer, Monasterio de Piedra, 2012, Série Journal de l’oeil.

– Le journal de l’œil est une série au long cours, un travail mené durant dix ans sur les traces de Georges Bataille. Chaque image fabriquée est un voyage dans l’œuvre et la biographie de l’écrivain. Mais, au delà d’être précisément documentée, l’approche se veut aussi sensible, émotionnelle, intuitive. (je reproduis ici un fragment du texte de présentation, lisible sur le site de l’artiste.)

– Regards de l’égaré est un ensemble d’images photographiques et de dessins réalisés sur la côte Basque à l’occasion d’une résidence ; en arrière-plan, par le biais de deux de ses textes (L’homme Atlantique et La maladie de la mort) se devine l’ombre tutélaire de Marguerite Duras. L’artiste y développe le travail à la mine graphite sur les tirages argentiques mats. Elle s’était déjà essayée à ces interventions graphiques lors d’une série précédente, Leçons de Sainte Victoire (2011).

– Le temps est caché dans les plis d’une fleur, série conçue à l’occasion d’une résidence à Deauville, est une nouvelle fois marquée par la présence de Duras (quelques images sont réalisées aux Roches noires) mais aussi de Flaubert et de Proust. C’est un travail strictement photographique ou alternent des images en noir et blanc et en couleur.

– Le langage des Fleurs convoque à nouveau le regard de Georges Bataille pour qui la fleur, « symbole de l’amour » a en définitive « l’odeur de la mort ». Sur des photographies de bouquets fanés, toujours tirées sur un papier photographique mat, l’artiste appose, avec le crayon, un sédiment graphique important. Elle souligne ou réinterprète ainsi l’image initiale.

Anne-Lise Broyer, Tulipes et pivoines, 2022 Dessin à la mine graphite sur tirage gelatino-argentique, série Le langage des fleurs.

Ce qui frappe surtout dans cette description rapide, c’est, évidemment, l’omniprésence du fait littéraire : Bataille, Duras, Flaubert, Proust. Il faudrait encore ajouter, pour d’autres séries : George Sand, Mallarmé, Peter Handke, Pierre Michon, Bernard Noël. J’en passe…

Outre que ce recours à la littérature (comme d’autres préconisent le recours aux forêts) est rare dans le petit monde de la photographie (et Anne-Lise Broyer est une artiste dont la pratique première est, tout de même, essentiellement photographique), c’est un peu comme si le référent, dans ce singulier travail, n’était pas la diversité du réel mais, plutôt, les textes ; les mots tissés, tressés qui, depuis l’adolescence de l’artiste, se sont progressivement nichés dans cet espace intermédiaire, situé quelque part entre l’œil et la mémoire.

Anne-Lise Broyer le revendique d’ailleurs ; sur son site, elle écrit que sa pratique est « une expérience de la littérature par le regard en nouant très intimement lecture et surgissement d’une image, écriture et photographie ». Dans un entretien avec Aurélie Cavanna (Art Press, septembre 2019), elle va encore plus loin : « Il s’agit pour moi de retrouver, in situ, des images que j’aurais, pour ainsi dire, déjà lues. Sans lire, je ne vois rien. » Plus encore que de littérature, il faudrait ici parler de lecture.

J’évoquais plus haut le référent. Barthes, dans La chambre claire, ne cesse de le dire et le redire : il fait corps avec l’image et, quoiqu’on fasse, il adhère : « On dirait que la photographie emporte toujours son référent avec elle, tous deux frappés de la même immobilité amoureuse ou funèbre, au sein même du monde en mouvement : ils sont collés l’un à l’autre, membre par membre, comme le condamné enchaîné à un cadavre dans certains supplices ; ou encore semblables à ces couples de poissons (les requins, je crois, au dire de Michelet) qui naviguent de conserve, comme unis dans un coït éternel. » Je ne cite évidemment pas ce passage au hasard, on reconnaîtra dans les exemples choisis la présence en creux de Bataille, écrivain phare dans la trajectoire d’Anne-Lise Broyer.

Plus loin dans le texte, Barthes déplore cet assujettissement de l’image photographique au référent : « Un jour, des amis parlèrent de leurs souvenirs d’enfance ; ils en avaient ; mais moi, qui venais de regarder mes photos passées, je n’en avais plus. Entouré de ces photographies, je ne pouvais plus me consoler des vers de Rilke : ‘Aussi doux que le souvenir, les mimosas baignent la chambre’ : la photo ne ‘baigne’ pas la chambre ; point d’odeur, point de musique, rien que la chose exorbitée»

Tout le travail d’Anne-Lise Broyer tend, peut-être, à déjouer l’implacable assignation barthésienne, à esquiver l’obligation du référent – entendue ici comme lien indéfectible au réel et dont la photographie ne serait, à tout jamais, que l’empreinte –, à jeter une ombre (propice à la rêverie, au songe, à la pensée) sur sa trop lumineuse autorité. Ne peut-on imaginer, malgré tout, que les mimosas et les souvenirs baignent à nouveau la chambre ? Est-on définitivement condamné à ne donner à voir que la chose exorbitée ? Ces questions traversent, je crois, toutes les séries de l’artiste, qu’on peut alors regarder comme une succession de pas de côté, de digressions subtiles, de liens défaits. Recours à/ détour par/ la littérature. Stratégie de contournement, esquive. Les mots qui, on le sait, entretiennent avec ce qu’ils sont censés nommer une relation distendue, aléatoire, arbitraire (diraient les linguistes) permettent et autorisent cette prise de distance. Non seulement les mots mais le style, c’est à dire l’écart par rapport à la norme linguistique et l’écriture qui, comme un juste retour, invite au voyage.

Quand l’artiste emboite le pas à Bataille (à Paris, Orléans, Vézelay, Saint-Flour, Tiffauges, Lascaux, Marly, etc.), elle part à la recherche de traces, d’indices, de présences spectrales. Yannick Haenel note à ce propos : « On peut considérer chacune des photographies d’Anne-Lise Broyer comme des images-fantômes de Georges Bataille : il est sur chacune d’elle – mais manquant. Quelqu’un a pris son image sans jamais la rendre (…). Ainsi lorsqu’on parcourt ce ‘ journal’ d’images, assiste-t-on au déploiement d’un art de mémoire : il s’agit de susciter la présence de Georges Bataille depuis les lieux même de son absence » (Yannick Heanel, in Anne-Lise Broyer, Journal de l’œil, éditions Loco, 2019). Photographier l’absence, autre manière d’éviter « la chose exorbitée ». On notera d’ailleurs que la violence, l’érotisme, omniprésents dans de nombreux textes de Bataille ne sont jamais ouvertement donnés à voir dans les images de l’artiste qui se contente d’évoquer, d’effleurer ; à aucun moment il n’est question d’illustrer. L’univers luxurieux, transgressif et volontiers morbide de l’écrivain se retrouve étrangement désincarné, condensé dans la substance mate des images-réminiscences qui peuplent la longue série.

Anne-Lise Broyer, Catane, 2016, série Journal de l’oeil.

Quand, à l’occasion d’une résidence à Deauville, Anne-Lise Broyer arpente le littoral normand, c’est encore une fois en compagnie de fantômes familiers : Flaubert, Sagan, Duras, Maupassant. Le fils de l’artiste, souvent présent dans les images récentes, rejoue, dans quelques belles photographies, l’enfant de L’été 80 (mais on peut aussi penser à celui qui est évoqué longuement dans Yann Andréa Steiner). L’enfance, d’ailleurs, est omniprésente dans cette série, puisque c’est aussi celle de l’artiste elle-même qui est convoquée, fait rare dans cette œuvre qui entretient avec l’écriture de soi des relations pudiques et méfiantes. L’artiste l’explique très joliment : « Je revois les murs de livres qui cernaient mon lit, où je passais le plus clair (ou le plus obscur) de mon temps, adolescente, indolente dans la chaleur estivale. J’étais comme captive des mots. Je confondais les mots et les choses. C’est ainsi qu’a commencé ma grande aventure de l’expérience de la littérature par le regard. Aussi sur ce territoire normand, suis-je retourné sur le lieu même de ces premiers émois littéraires, mêlant ces souvenirs de lecture, faisant revivre l’enfant que j’étais, à distance du monde, mais aussi celui, toujours à l’écart, perdu dans sa vision, de L’été 80. » Enfance encore : en résidence au Domaine de Kerguéhennec (Morbihan), elle entreprend de photographier les arbres, bosquets, buissons de la belle forêt entourant le château (ce qui donnera naissance à la série et au livre Le chant de la phalène (oraison) en 2020) ; pour ses prises de vues, elle arpente régulièrement les sentiers qui traversent l’étendue sylvestre en respectant scrupuleusement les distances que son fils, alors âgé de six ans, est capable de parcourir. Elle le signale d’ailleurs dans la dédicace : « Pour A. qui a donné le rythme des pas. »

Textes, lectures, rêveries, souverain bien de l’enfance, vulnérabilité d’un petit garçon face à l’étendue intimidante d’une forêt de contes, tous ces éléments relèvent d’une grâce impondérable, souvent peu compatible avec la prise photographique qui, tout entière, tend vers les faits, les choses, les données brutes. Il faut alors ruser, détourner l’outil, instaurer des rituels, inventer des gestes qui feront de ce morceau de métal noir, doté comme Polyphème d’un œil unique, un prolongement du corps, une prothèse hypersensible capable de restituer à la fois un regard et une température du cœur.

Anne-Lise Broyer, série Le temps est caché dans les plis d’une fleur, 2021

Autre versant de l’œuvre, visible également à la Galerie S : ce qu’on peut appeler les dessins photogéniques. On sait que cette appellation et le procédé auquel elle renvoie ont été inventés par William Henry Fox Talbot en 1834 et il est décrit dès 1835 par ce dernier comme un procédé permettant le tirage de positifs multiples, posant ainsi les bases de la photographie « moderne ». Les dessins photogéniques de Talbot sont, au début, des impressions en négatif d’objets ou de végétaux disposés sur une feuille de papier sensibilisée aux sels d’argent ; « Les fleurs et feuilles ont été parmi les premiers objets que j’ai essayé de reproduire », écrivait-il dans son ouvrage The Pencil of nature (1844). Les images et les mots de ce pionnier de la photographie résonnent étrangement avec les préoccupations d’Anne-Lise Broyer quand elle entreprend, vers 2011, d’intervenir directement sur les tirages argentiques, tirages qu’elle réalise invariablement, depuis déjà longtemps sur un papier très mat, le Ilford 5k (elle réalise alors la série Leçons de Sainte Victoire). La matité, pour l’artiste, est presque une question de morale : « Mes images sont toujours imprimées ou tirées sur papier mat car c’est celui du roman. Ce sont des papiers qui absorbent la lumière. Il y a dans le mat le charme, l’absolu d’une neutralité : quelque chose comme un degré zéro de la présence. Dans son tissu absolument égal, sa platitude provocante, la matité est une qualité d’abord polémique. Elle empêche toute bavure d’expressivité », affirme-t-elle en 2019 dans un entretien (avec Aurélie Cavanna, déjà cité). Il faudrait ici ajouter que cette matité est aussi celle de la feuille immaculée de papier-dessin que les peintres, le plus souvent, choisissent comme support pour dessiner.

Le dessin s’immisce donc peu à peu dans le tirage et la mine graphite, frondeuse, vient alors contredire avec une infinie délicatesse la matité du support. Le crayon souligne, révèle, fait apparaître, accentue, occulte. Il se mêle à l’image photographique, à l’image révélée. « À partir d’un tirage (…), y dessiner avec une justesse telle que le graphite du crayon pénètre la surface et se mêle aux sels d’argent ; un jus photographique, une surface sensible qui devient une surface vivante » (propos de l’artiste rapportés par Bruno Dubreuil, entretien réalisé pour le magazine OAI 13, en 2015).

Si ces interventions graphiques viennent d’abord s’ajouter à des photographies de paysages (Leçons de Sainte Victoire, Regards de l’égaré) elles deviennent plus systématiques dans la série Le langage des fleurs, inspirée, je l’ai dit, par le texte éponyme de Georges Bataille, paru dans le n°3 de la revue Documents, en 1929. L’écrivain-philosophe y déconstruit avec une certaine jubilation les différents clichés ou poncifs associés aux prétendues beautés florales. Il écrit : « Les fleurs ne vieillissent pas honnêtement comme les feuilles, qui ne perdent rien de leur beauté, même après qu’elles sont mortes : elles se flétrissent et crèvent sur leurs tiges (…). Il est impossible d’exagérer les oppositions tragi-comiques qui sont marquées au cours de ce drame de la mort indéfiniment joué entre terre et ciel, et il est évident qu’on ne peut paraphraser ce duel dérisoire qu’en introduisant, non tant comme une phrase, mais plus exactement comme une tache d’encre, cette banalité écœurante : que l’amour a l’odeur de la mort. » Cette idée, somme toute très chrétienne, est à rapprocher des Vanités, ces natures mortes moralisées, en vogue au XVIIe siècle qui évoquaient, à travers des mises en scènes très codifiées d’objets (crâne, sablier, bulles de savon, et, évidemment, fleurs très périssables…) la brièveté de la vie, sa caducité.

La série d’Anne-Lise broyer revendique donc un double ancrage : textuel et iconographique. Dire cela serait toutefois limiter le pouvoir heuristique de ces images. « La mort saisit le vif » : cette expression ancienne désigne la passation de l’acte d’hériter, autrement dit le moment d’accession à un droit ou à un bien que quelqu’un vous a cédé. N’est-ce pas précisément ce que se propose de rendre visible l’artiste à travers la double filiation qu’elle revendique ? Par ailleurs, ce moment de basculement des fleurs qui se fanent, ce passage de l’encore vivant au déjà mort, n’est-il pas une métaphore de la capture photographique ? Ces bouquets incertains et fragiles ne sont-ils pas les parfaites images d’une catastrophe, cette notion introduite par Barthes dans son beau commentaire du portrait de Lewis Payne par Alexander Gardner : « En 1865, le jeune Lewis Payne tenta d’assassiner le secrétaire d’état américain W.H. Seward. Il est photographié dans sa cellule ; il attend la pendaison. La photo est belle, le garçon aussi : c’est le studium. Mais le punctum, c’est : il va mourir. Je lis en même temps : cela sera et cela a été ; j’observe avec horreur un futur antérieur dont la mort est l’enjeu (…). Ce qui me point c’est la découverte de cette équivalence. Devant la photo de ma mère enfant, je me dis : elle va mourir : je frémis, tel le psychotique de Winnicott, d’une catastrophe qui a déjà eu lieu. Que le sujet en soit déjà mort ou non, toute photographie est cette catastrophe » (La chambre claire). Commentant Barthes, Régis Durand note que la « pensée-image », réside précisément dans cette catastrophe, ce « point critique où quelque chose change d’état et de forme, se défait pour se reconstituer autrement » ( Régis Durand, Le regard pensif, 1990).

Anne-Lise Broyer, série Le temps est caché dans les plis d’une fleur, 2021

Cette reconstitution, Anne-Lise Broyer l’a prévue et soigneusement élaborée. Le dessin qu’elle vient superposer à l’image des fleurs moribondes agit comme un embaumement, un passage vers une forme d’éternité. La fragilité des tiges, des feuilles et des pétales, par la vertu du graphite, se solidifie, devient monument. L’autre nom du crayon graphite est la mine de plomb. Et nous voilà au cœur même de la mélancolie : Saturne-Chronos, a toujours été, en effet, associé à ce métal, souvent dévalorisé. N’est-il pas celui que les alchimistes voulaient transformer en or ? Anne-Lise Broyer, elle, semble l’aimer. Mine de plomb, sels d’argents, or… Les surfaces de graphite brillent et viennent répondre à la matité ; contrepoint, tension, façon de renvoyer la lumière au lieu de l’absorber, de faire advenir une obscure clarté. On a alors le sentiment que ces surfaces luisantes et sombres ont, en elles, quelque chose de l’or des peintures anciennes : par leur visibilité et leur capacité à refléter la lumière, elles suggèrent l’invisible.

C’est quoi un.e photographe ? demandait une journaliste à l’artiste (lors d’un entretien réalisé à l’occasion de sa résidence à Deauville). La réponse, précise, limpide, avait alors jailli dans un sourire : « C’est quelqu’un qui regarde et qui vit dans son regard ».

« Comme l’oiseau borgne », du 12 décembre 2023 au 24 février 2024, Galerie S, Paris.

« Épreuves de la matière, la photographie contemporaine et ses métamorphoses », exposition collective qui se tient jusqu’au 4 février 2024, BNF, Paris.