Prénom Nunuche

© Jean-Luc Godard, Pierrot le Fou (Anna Karina)

Et dire que tu t’es fait avoir pendant 62 longues années ! Heureusement Caro était là, patiente, obstinée, qui a su faire tomber les masques, dénuder le roi, bouger les lignes, casser les codes, moucher toutes ces pleureuses pathétiques d’un autre temps. Ça t’a fait mal sur le coup, mais Caro a su t’ouvrir les yeux : Il ne restera rien de ton JLG, car tout était faux, bidon, un engouement coupable de mâle blanc qu’il convenait de circonscrire. Merci Caro.

Maintenant que JLG n’est plus, veuille ranger cette tristesse lancinante, ce never more funèbre qui t’empêche d’avancer. Tu ne vas pas passer ta vie à traîner cette mélancolie complaisante, ces montages expérimentaux avantageusement présentés en films manifestes, dont enfin Caro t’a dévoilé en un tweetexte rageur l’inanité désuète. Tu ne pleureras plus dès le premier photogramme du Mépris maintenant que Caro t’en a révélé le machisme profond. D’ailleurs, tu avais tout faux, car Paul n’est pas scénariste mais, selon Caro, réalisateur, et Camille, une fois totalement déshumanisée par son maquereau d’époux, ne roule pas vers sa fin tragique dans un accident de voiture, du moins ce n’est pas là que ça se joue contrairement à ce que tu as vu. Caro le sait bien, qui préfère les battantes, les vraies.

Bref, reconnais-le, tu t’es laissé abuser, charmer par les jeux de mots nauséabonds genre « infâme/une femme », « Arrête ton Alpha, Roméo ! », embobiner par ce cinéma prise de tête irregardable. Cela dit, même l’immense Jane Fonda, Mick Jagger et Delon, se sont laissé piéger. Et les nombreux films co-signés avec Anne-Marie Miéville ne sont en réalité qu’un leurre 70’, destinés aux gogos comme toi peu impliqués dans les vraies guerres culturelles, les croisades de Caro qui n’a pas le temps d’entrer dans les détails pour nous convaincre. Sans doute aurais-tu préféré qu’on te prévienne avant la mort de JLG, tu n’aurais pas perdu tout ce temps à voir et à revoir les films, à douter, à chercher la petite bête (JLG un brin antisémite ? JLG un brin homophobe ? Et Truffaut dans tout ça ?), alors que ça crevait les yeux depuis le début. Caro est une fine mouche, une bonne journaliste qui ne se démonte pas. Caro t’accorde bien que les premiers opus avaient leur charme, mais dès après Pierrot, laisse tomber ! Rien à sauver de cette œuvre grandiloquente, viriliste, et vide, qui prend les femmes pour… des connes. Les Caro-conseils pour décontamination déf : un bon binge watching de solides séries bien distrayantes (The Crown), et un visionnage en boucle de Madame porte la culotte, en salutaire contrepoison féministe.

Ce n’est pas faux, certes, mais ni Caro, ni personne, ne semble pouvoir dissoudre ton chagrin-JLG. Tu dis : « ce n’est pas que je n’aime pas Caro, c’est que je la méprise ». Mais tu sais qu’un jour elle aura le dessus. Tu es irrécupérable, tu as perdu tes repères, ton désarroi-JLG t’empêche d’embrasser le monde qui vient, ton Deleuze qui se fait Onfray, ta Marguerite qui se fait Fourest, le devenir-Hanouna de la culture, la haine de la beauté… Il ne te reste que tes larmes pour pleurer.

Tu ne lui avais rien demandé à Caro. Elle aura certes évité au spectateur naïf le supplice des rétros JLG (une arnaque de plus) qui fleuriront immanquablement çà et là comme des remords. By the way, Caro fait aussi des films, il va falloir te recentrer.
Ne pleure pas !

Article écrit en référence à « Godard, un cinéaste à bout de souffle : le franc parler de Caroline Fourest » de Caroline Fourest (dans Franc-Tireur)

© Jean-Luc Godard, Pierrot le Fou (Anna Karina)