Au commencement était le verbe, au commencement était un texte, un texte de Paul Maheke, le texte s’appelle « L’année où j’ai arrêté de faire de l’art ». Il a été écrit en 2020 pendant le premier confinement, le seul véritable confinement, celui pendant lequel les animaux sauvages et les oiseaux sont revenus dans les villes.
L’année où j’ai arrêté de faire de l’art, il faut d’abord le lire. Le voici, lisez, vous verrez : L’année où j’ai arrêté de faire de l’art.
J’adore ce texte, il me touche beaucoup.
J’ai contacté Paul, nous en avons un peu parlé. Paul me dit que ce texte est à la disposition de tout le monde désormais, c’est la souffrance et la résistance de tout le monde, du monde entier par delà les siècles, que les gens s’en saisissent, qu’ils le lisent ou le disent.
Je prends Paul au mot.
Je l’envoie à Isabelle Adjani, je rêve qu’elle le dise sur son portable par exemple, de façon simple et directe.
Je l’enregistre chez moi dans ma chambre, chez moi aux toilettes, je l’enregistre après avoir fait l’amour, je l’enregistre tôt le matin au réveil, je l’enregistre dans une forêt, dans le métro, je l’enregistre à deux voix avec Romain Brau, ce texte me poursuit.
Je l’associe à Nina Simone, à ce concert de Montreux en 76, Oh yes, how it feels to be free…
Je l’associe à cette époque de mes vingt ans alors que je me prostituais place Dauphine et qu’ils m’ont tabassé un soir, une nuit, au sang, et laissé là comme mort dans la boue et le froid, de quoi mourir vraiment.
Je l’associe à ma petite enfance, à mon lac intérieur.
Je l’associe à mon futur qui sera ce qu’il sera.
Je crois qu’Isabelle aime le texte, mais je ne sais pas si ça se fera.
Je crois que Charlotte Rampling le lira.
J’imagine que Didier Sandre pourrait le dire.
Et Annie Ernaux.
Et Dominique Blanc.
Sur la voix d’Annie Ernaux, Thierry Thieü Niang pourrait danser.
Je rêve, je tricote, j’extrapole.
Je rêve.
Je me rêve porte-voie.s.x de ce texte.
Pour des raisons évidentes et des raisons plus obscures.
Je parle de tout ça avec mon ami Emmanuel Lagarrigue.
Paul Maheke et lui ont le même galeriste.
Je voudrais qu’Emmanuel m’aide à faire un lien Vimeo ou Soundcloud.
Emmanuel me dit : mais non, écris plutôt, raconte ce texte à ta façon, un texte sur le texte.
Du temps passe, je pars en Normandie.
La Normandie c’est joli.
En Normandie, c’est folie.
La Normandie c’est horny.
En Normandie c’est pissenlit.
Je suis chez Romain Morian Brau.
Dans une maison aux allures de cabinet de curiosité.
Avec un chien très mignon.
Plein d’amis arrivent et repartent, de beaux corps, des êtres rares, libres, des fleurs précieuses avec ou sans genre déterminé.
Claudius Pan.
Gael de la Comédie Française.
Marie-Agnès Gillot pas loin.
Grand Soir aux cheveux bleus.
Moi qui suis platine Marilyn en ce moment.

Charly.
Pierre-Louis le joli
Le sensible Sylvain, celui qui voit tout.
et cætera, et cætera.
Un dimanche à l’heure du déjeuner, nous sommes dans le jardin autour d’une table ronde, je leur parle de ce texte de Paul Maheke.
Je leur dis mon envie de l’enregistrer et de publier ça sur les réseaux, ou de faire un papier Diacritik.
Claudius a une idée.
On le lit à tour de rôle, chacun un petit bout, on fait un tour de table et on n’enregistre rien, c’est pour nous et pour les arbres, pour le ciel et ce moment, juste on le fait exister.
Claudius a tout compris mieux que moi
On le fait.
C’est beau.
On le fait.
Poésie, il paraît que ça vient du verbe faire.
L’année où j’ai arrêté de faire de l’art, c’était l’année où j’ai lu à voix haute dans un jardin en Normandie L’année où j’ai arrêté de faire de l’art de Paul Maheke.