Cahiers Benjamin Fondane : « Notre persistance à publier une revue n’est-elle pas une forme d’irrésignation ? »

En prélude au 30e Salon de la de la Revue qui a dû hélas être annulé pour cause de crise sanitaire, Diacritik partenaire de l’événement avait rencontré les revues qui auraient dû être présentes. Pour que vivent les revues et pour patienter avant le retour du Salon l’an prochain, nous avons décidé de faire paraître ces entretiens. Aujourd’hui, un texte de Monique Jutrin qui nous présente les Cahiers Benjamin Fondane qu’elle dirige.

À la fois poète, philosophe, essayiste, dramaturge et cinéaste, Benjamin Fondane (1898-1944) est l’auteur d’une œuvre considérable. Assassiné à Auschwitz, il fut redécouvert vers 1980.  La Société d’études Benjamin Fondane fut fondée en 1997, en même temps que les Cahiers Benjamin Fondane.

En plus de son caractère interdisciplinaire, cette œuvre bilingue ( française et roumaine) est marquée par trois cultures : française, roumaine et juive. La diversité des études qui lui sont consacrées  tient à la nature même de ses écrits. Chacun de nos cahiers est centré autour d’une œuvre spécifique (Rimbaud  le voyou, Baudelaire et l’expérience du gouffre, La  Conscience malheureuse) ou d’un thème (Fondane devant l’Histoire, Chimériques esthétiques, Pensée existentielle et pensée biblique). Depuis 2001 nos cahiers sont issus des exposés des colloques annuels qui se tiennent à Peyresq. En plus des analyses de  l’oeuvre, nous publions des textes inédits et des traductions du roumain, ainsi que des documents qui révèlent le dialogue que Fondane entretint avec des auteurs divers : Bachelard, Chestov, Lévy-Bruhl, Maritain,…mais aussi avec des artistes comme Brauner, Brancusi, Chagall. Passionné par les aspects novateurs de son époque, Fondane n’hésita pas à s’aventurer sur les sentiers de l’anthropologie et de la logique.

Notre équipe de collaborateurs, interdisciplinaire et internationale, comprend des littéraires et des philosophes, des scientifiques et des poètes, des acteurs et des traducteurs, des artistes peintres ou sculpteurs.

Tout en étant  un témoignage  lucide de son siècle, cette œuvre reste d’actualité aujourd’hui. Jamais Fondane ne s’est affilié à un système, à un mouvement littéraire ou politique. Et la notion centrale de sa pensée est celle d’irrésignation : un refus de se soumettre à ce que l’on nomme la Nécessité, en somme une résistance à tout système établi.

Lui qui s’était écrié : Il n’y a pas assez de réel pour ma soif avait intitulé l’ensemble de son œuvre poétique : Le Mal des fantômes. Aurait-il pressenti que nous risquons de devenir des fantômes , des êtres virtuels, happés par les zooms? Aussi notre persistance à publier une revue imprimée, expédiée par la poste, distribuée dans les librairies, n’est-elle pas une forme d’irrésignation ?