Prenez un premier rôle musculeux sévèrement burné, opposez-lui un adversaire un peu lisse mais ténébreux quand même, ajoutez un mentor au grand cœur et un ou deux personnages féminins histoire de réduire un peu le taux de testostérone au mètre carré et vous avez tous les ingrédients de Balle perdue : un film d’action français qui s’ajoute à la trop longue liste des films dont ne souviendra plus dès le début du générique de fin.

Parce que Balle perdue est un premier long métrage, avec tous les défauts d’une œuvre en devenir qui contient forcément des éléments en germe ou déjà éclos dans les courts qui ont précédé (Matriarche, Surrender), on a eu quelques scrupules au moment de dézinguer le film de Guillaume Pierret disponible sur Netflix depuis le 19 juin dernier. Mais, après mûre réflexion, la tentation était trop forte de venir dire que non, Balle perdue, quoi qu’en dise Le Figaro, ne donne pas une « une poussée d’adrénaline au cinéma français ». Ce serait même plutôt le contraire : on est davantage sur un shot de Lexomyl ou dans les premiers jours d’une cure de trois semaines de vitamines PP ou B12.

En mettant de côté toute indulgence, il faut dire que Balle perdue est surtout une accumulation de plans dont la réalisation ne peut pas être (trop) prise en défaut : une séquence d’ouverture en forme de coulisses de tournage d’une pub Carglass, un braquage/cascade subséquente qui se termine piteusement ; une scène de prison au cours de laquelle Ramzy Bédia égale le niveau de jeu qu’il déploie dans La Tour Montparnasse infernale ; et plusieurs courses de voitures dignes des meilleurs Taxi(s) de Gérard Pirès et consorts… Mais puisqu’on parle de succession, ajoutons qu’on est malheureusement plus proches de l’univers des productions Besson que de celui de Rob Cohen et de la franchise Fast and Furious…

Ici une vraie question (presque en forme de regret) : pourquoi avoir voulu à ce point prendre la roue de ces blockbusters qui cassent autant de tôle que les oreilles des spectateurs à grands coups de fusils à pompes et d’explosions sur l’asphalte ? L’idée du flic bon samaritain qui utilise les compétences du taulard dans son enquête n’est pas de la toute première jeunesse et le twist tombe forcément à plat devant la lisibilité d’un scénario appelé.

Il n’y a aucun mal à vouloir faire des films « à la manière de » ou qui s’inscrivent dans une veine, voire dans une longue tradition et on n’a rien contre des revisites de Deux hommes dans la ville croisé avec Le Transporteur… mais il faut quand même se rendre à l’évidence : Balle perdue a beaucoup trop de défauts pour en faire le symbole d’un quelconque renouveau du polar routier tout en muscles à la française. Pour filer la métaphore facile, il ne suffit pas d’additionner les gimmicks chers aux studios hollywoodiens (au sens propre comme au figuré) pour faire un film qui roule au super.

Côté casting, la performance de Nicolas Duvauchelle en flic le plus ripou à l’ouest de la Départementale 60 n’égalera pas celle de Denzel Washington dans Training Day ; dans un monde d’hommes qui parlent peu et se cognent fort, Stéfi Celma est obligée d’en faire des caisses en pilote de brigade anti-gofast et Alban Lenoir montre un talent d’adaptation certain en sautant de son rôle de nageur synchronisé dans Les Crevettes pailletées à celui de mécano-soudeur tout en muscles qui a vingt-quatre heures pour s’innocenter… Hélas, la direction d’acteurs est un brin paresseuse et les personnages sont trop caricaturaux pour faire de Balle perdue autre chose qu’un film de bagarre. Au point de faire passer les scènes de poursuite en 2CV du Gendarme de Saint-Tropez ou en R9 de Dangereusement vôtre pour des modèles du genre.
Pour résumer, Balle perdue est un film avec trop d’ambitions et de bons sentiments, un long qui assume mal son statut de 24 heures chrono à Sète, et loin d’embarquer son monde, il ne livre qu’un Hérault fatigué.
Balle perdue, de Guillaume Pierret, avec Alban Lenoir, Nicolas Duvauchelle, Ramzy Bedia, Stéfi Celma, Rod Paradot, Pascale Arbillot dans les rôles principaux. Produit par Inoxy Films, Versus Production, Nolita TV. Diffusion : Netflix. Crédits photos : Netflix.