Nous sommes nombreux, en ces jours, pour une raison mystérieuse, à retrouver, trier, jeter, garder, ranger. C’est ainsi que j’ai exhumé, au fin fond de mon appentis, le numéro spécial, daté du mois d’Août 2000, de La Quinzaine Littéraire. Trente -sept écrivains y répondaient à la question Que sauveriez-vous du XXe siècle ?
Une trentaine de pages, souvent éprouvantes : guerres, camps, exterminations de masse ( « Il n’y a rien à sauver ! A moins de donner aux « Arts » et à la « Littérature » une importance qu’ils n’ont pas, ce ne sont que des paravents troués, rien n’est à sauver de ce siècle dont pourtant on aurait pu garder quelque peu. Ce siècle est au bout de la chaîne du meurtre européen, il en réalise expressément la destination inconsciente et essentielle : la mise à mort industrialisée de ceux pour qui elle fut conçue, lentement mis au point, puis établie… » ).
Sauvées, malgré tout, ces quelques lignes :
. « L’exemplaire de La Chartreuse de Parme acheté à Paris par Franz Kafka en 1911 et annoté sur la page de garde « Franz Kafka Paris 1911 ».
. La première fois qu’on prend l’avion.
. Proust quand on regarde un poirier en fleur.
. La petite brebis clonée, bien sûr. J’ai une tendresse pour elle, je l’adopterais.
. Les nuées de passereaux obscurcissant le ciel.
. Parmi l’immense bric-à-brac des choses que je ne sauverais pas du siècle qui s’est achevé, il y a ce curieux mélange de jactance et de clownerie qui n’a cessé de caractériser nombre d’intellectuels, et notamment d’écrivains français.
. Les cris des merles au crépuscule que mon grand-père comparait à une prière. »
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Merci à Georges-Arthur Goldschmidt, François Bon, Mohammed Dib, J.M.G. Le Clézio, Olivier Rolin.
