Nous sommes nombreux, en ces jours, pour une raison mystérieuse, à retrouver, trier, jeter, garder, ranger. C’est ainsi que j’ai exhumé, au fin fond de mon appentis, le supplément daté du Vendredi 31 Décembre 1999, d’un quotidien dont le nom suggère qu’il serait capable de nous libérer. Deux-cent-vingt écrivains, intellectuels, artistes et chercheurs y répondaient à la question « A quoi pensez-vous à la veille du passage à l’an 2000 ? »

Une centaine de pages, plutôt fatigantes, de réflexions, d’analyses, de prévisions, de vœux.

Sauvées, ces quelques lignes :

. « Je pense que les infrasons qu’on a installés dans mon ordinateur et qui rendent mon chien nerveux me font bander.

.  Je pense que l’homme génétique nouveau pourra parler aux mouches.

.  A me taire.

.  Je pense que s’il n’avait pas été victime de la révélation, Œdipe aurait coulé des jours heureux et fait encore deux ou trois enfants à Jocaste.

. Je me suis toujours demandé comment se formaient les moutons de poussière sous les meubles et le long des plinthes.

. Aux vaches dans les près le soir.

. Je pense qu’il y a plus de 120 ans que Bouvard et Pécuchet cherchent des coquilles fossiles au pied des falaises.

. Il vaudrait mieux s’asseoir, vide, et regarder la mer. 

. Quelqu’un a mis du sucre dans mon putain de thé !

. À la fuite des nuages vus d’un TGV.

. Par tables tournantes branchées sur Internet on entrera en contact avec Hugo, qui récitera  les dix mille vers de sa « Nouvelle Légende des siècles ».

 . Aux hirondelles.

. Je pense au bien, au mal, au poids de la faute et à quel moment précis servir le parmesan râpé sur un plat de pâtes.

. Moi, tout ce que je désire, c’est revoir ton visage. »

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Merci à Ben (plasticien), Jean Duvignaud (écrivain), Boris Cyrulnik (psychanalyste), Roberto Martinez (écrivain), Pierre Michon (écrivain), Jacques Monory (peintre), Gregory Motton (dramaturge), Dominique Noguez (écrivain), George Steiner (écrivain), Franck Venaille (écrivain), Philippe Blasband (écrivain).