La sortie de la minisérie signé Bill Gallagher date un peu (2016) mais le désœuvrement et la profusion netflixienne aidant, on a avalé Paranoid comme on aurait regardé un épisode de l’Inspecteur Barnaby ou Grantschester un soir de disette télévisuelle. Bilan de ce visionnage marathon par défaut : la capacité des séries anglaises à renouveler ses intrigues à partir de rien(s) n’a d’égale que son charme et son classicisme so british.
Tout commence dans une aire de jeux pour enfants dans une petite bourgade (fictive) du Cheshire dans le nord-ouest de l’Angleterre quand le Dr Angela Benton est poignardée à mort par un inconnu devant de nombreux témoins. L’enquête est confiée aux inspecteurs Bobby Day, Nina Suresh et Alec Wayfield qui vont devoir composer avec les rares témoignages à leur disposition, exhortés par leur supérieur d’obtenir rapidement des résultats, et soudain aidés par un mystérieux « inspecteur fantôme » qui leur adresse des indices et les lance sur la piste du tueur…

On a déjà vu les mêmes prémices dans bon nombre de séries « à l’anglaise » avec un crime en ouverture qui vient troubler la quiétude d’un village ; des victimes que rien ne prédispose à se faire assassiner ; des policiers dont la vie personnelle viendra alimenter une intrigue retorse. Dans le cas de Paranoid comme dans celui de ses prédécesseurs (Broadchurch, Collateral, Happy Valley… liste non exhaustive), l’écriture calibrée fait avancer l’enquête de digressions en révélations, balançant entre récits annexes (les sentiments des personnages, des romances improbables ou attendues et des considérations sur le fonctionnement de la police ou de la justice) et intrigue principale alambiquée. Mais quand Paranoid s’échappe de son carcan insulaire et que l’enquête vire du côté du complot international impliquant un laboratoire pharmaceutique allemand, les rebondissements intimistes quittent le terrain de l’énigmatique ordinaire.

Dès lors, ce qui fait le charme de ces drames policiers locaux (l’ignominie d’un habitant, le secret coupable de la victime…) cède la place à une construction gigogne, qui oscille entre les amours contrariées des inspecteurs Suresh et Wayfiled, les angoisses de Bobby Day (sujet à des crises de panique) et son possible sauvetage par Lucy (principal témoin du meurtre et compagne en devenir. Le tout sur fond d’enquête européenne et de scandale pharmaceutique mis à jour avec les collègues de la police de Düsseldorf… Paranoid n’est pas exempt de défauts et on regrette que l’enquête de proximité qui incrimine d’entrée le jeune patient du psychiatre du village ne s’attarde pas davantage sur la question du regard de la société sur la maladie mentale ou sur la condamnation populaire. Tout en effleurant le sujet, avec comme fil conducteur la médication à outrance (les prescriptions d’antidépresseurs, de psychotropes, les essais cliniques et les addictions), Paranoid relie un à un tous les personnages, de l’enquêtrice allemande au détective anglais, du présumé coupable au témoin principal, du psychiatre véreux au conglomérat corrompu.
Avec un casting impeccable issu du meilleur de la télé britannique (Kevin Doyle, Molesley dans Downton Abbey, Dino Fetscher remarqué dans Years and Years, Indira Varma vue dans Luther, Robert Glenister Home secretary dans MI-5…), le suspense prend le pas sur les imperfections. Pour filer tout droit vers le dénouement, au bout d’une enquête qui démarre et finit comme il se doit : dans la campagne anglaise.
Paranoid, de Bill Gallagher, avec Indira Varma, Robert Glenister, Dino Fetscher, Kevin Doyle dans les rôles principaux. 8 épisodes. Intégrale disponible sur Netflix.